07.05.2024
La Russie a répondu aux déclarations de l'Occident sur l'envoi possible de troupes en Ukraine. Que signifient ces déclarations russes sur les exercices avec des armes nucléaires tactiques? De quoi s'agit-il et quelles pourraient en être les conséquences?
Le 6 mai, le ministère russe de la Défense a annoncé qu'il avait commencé à préparer des exercices au cours desquels l'utilisation d'armes nucléaires non stratégiques (tactiques) serait pratiquée. Les exercices sont prévus "prochainement". Leur but est de "maintenir la préparation" des forces nucléaires non stratégiques et de "garantir l'intégrité territoriale et la souveraineté" du pays "en réponse aux déclarations provocatrices et aux menaces de certains officiels occidentaux à l'égard" de la Russie.
Le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, a précisé qu'il s'agissait du chef de l'État français Emmanuel Macron, de "représentants britanniques" et de "représentants du Sénat américain", qui "ont parlé de la préparation et même de l'intention d'envoyer des contingents armés en Ukraine". "Cela signifie effectivement mettre des soldats de l'Otan face aux militaires russes. C'est un nouveau tournant dans l'escalade des tensions. Il est sans précédent, nécessite une attention particulière et des mesures spéciales", a déclaré Peskov.
Auparavant, Macron avait déclaré dans une interview à The Economist les conditions sous lesquelles la France enverrait ses troupes en Ukraine: Paris devrait se poser cette question "sur une base légale", "si les Russes perçaient la ligne de front" et "si l'Ukraine en faisait la demande, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui". Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, a déclaré qu'il n'enverrait pas de troupes de l'Otan en Ukraine, car cela pourrait entraîner une escalade encore plus grande, mais la république "a le droit" d'utiliser des armes britanniques pour frapper la Russie.
Le ministère des Affaires étrangères de Russie a déclaré que l'envoi de troupes occidentales en Ukraine signifierait l'entrée de l'Occident en guerre. L'accent a été mis sur les futures livraisons à l'Ukraine de chasseurs F-16, qui peuvent embarquer des armements conventionnels et nucléaires et sont impliqués dans des missions nucléaires conjointes de l'Otan. "Indépendamment de la version des avions qui seront livrés, nous les considérerons comme des vecteurs d'armes nucléaires et nous verrons cette démarche des États-Unis et de l'Otan comme une provocation délibérée", a annoncé la diplomatie russe. Elle espère que les exercices "refroidiront les têtes chaudes dans les capitales occidentales" et dissuaderont l'Occident de soutenir davantage Kiev et d'entrer en confrontation directe avec la Russie.
Nikolaï Sokov, chercheur principal au Centre de Vienne pour le désarmement et la non-prolifération, décrit la situation actuelle comme très dangereuse. Selon lui, l'annonce du ministère russe de la Défense est un signal à l'Otan, où la composante politique est plus importante que les exercices eux-mêmes. "En Occident, il devient de plus en plus populaire de penser que la Russie n'utilisera pas d'armes nucléaires en aucune circonstance. Macron a déjà suggéré que Poutine n'utiliserait pas d'armes nucléaires, car il risquerait de perdre Moscou. La question est de savoir si Macron est prêt à perdre Paris", a déclaré l'expert. "Pour des raisons qu'on ignore, il est également populaire de penser que les troupes étrangères en Ukraine jouiront d'une sorte d'immunité. C'est absolument faux, elles seront une cible prioritaire, ce qui pourrait entraîner une grave escalade."
Sokov note que le terme "non stratégique" est très large, il inclut non seulement les armes à courte portée (jusqu'à 500 km), mais aussi les missiles de croisière Kalibr, qui peuvent atteindre toute l'Europe depuis la mer Noire. "Nous parlons donc du continent, et pas seulement du territoire ukrainien," a-t-il ajouté. "Nous sommes soudainement entrés dans une phase similaire à la crise des missiles de Cuba. Des déclarations sont faites et des signaux plus matériels sont envoyés, visant à montrer la détermination à aller jusqu'au bout. C'est une dynamique dangereuse, car chaque partie, craignant de montrer sa faiblesse, ira effectivement jusqu'au bout."
L'utilisation potentielle par la Russie d'armes nucléaires tactiques en Ukraine a été largement discutée en 2022. Comme l'a rapporté CNN en mars 2024, citant deux sources haut placées dans l'administration américaine, à la fin de 2022, les États-Unis se préparaient rigoureusement à une éventuelle frappe nucléaire russe sur l'Ukraine. À l'époque, les États-Unis ont exprimé leurs inquiétudes à la Russie via plusieurs canaux: le secrétaire d'État Antony Blinken au ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le président du Comité des chefs d'état-major interarmées Mark Milley au chef de l'état-major interarmées russe Valeri Guerassimov. Le directeur de la CIA, Bill Burns, et le chef du renseignement extérieur, Sergueï Narychkine, se sont rencontrés en novembre 2022 à Istanbul.
Les exercices annoncés le 6 mai ne conduiront à aucune conséquence réelle, et l'Occident ne renoncera probablement pas à ses déclarations, de sorte que la tension renforcée par ces manœuvres persistera. Les experts espèrent que les exercices avec des armes nucléaires tactiques ne signifient "en aucun cas" que la prochaine étape sera l'utilisation d'armes nucléaires. De plus, seulement le début de la préparation pour des exercices a été annoncé jusqu'à présent.
L'information obtenue à partir de sources ouvertes
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram: https://t.me/observateur_continental