Depuis l’annonce du plan de l’administration étasunienne, communément appelé le «deal du siècle», censé résoudre le conflit israélo-palestinien, favorablement accueilli par l’Etat sioniste mais qui a provoqué une vive indignation de la Palestine, il est intéressant de se pencher sur la réaction très controversée des Etats arabes.
Certains analystes feront remarquer un changement d’attitude évident de la part de certaines capitales arabes vis-à-vis de la cause palestinienne, pourtant bien souvent décrite en grande pompe comme un dossier prioritaire de la cause des nations arabes. Certes, les ministres arabes des Affaires étrangères, réunis samedi dernier au siège de la Ligue des Etats arabes, avaient annoncé le rejet à l’unanimité du fameux «deal du siècle». Mais parallèlement à cela, les divers communiqués publiés séparément par les Etats concernés ont marqué, pour nombreux d’entre eux, un manque évident de solidarité à l’encontre de la Palestine.
Evidemment, plusieurs raisons sont avancées, à savoir la confrontation d’un certain nombre de pays du monde arabe avec l’Iran – faisant observer un rapprochement de plus en plus évident de ces Etats en direction d’Israël, ce dernier parlant nuit et jour quant au prétendu «danger iranien». D’autre part, la relation traditionnelle forte de ces pays, notamment du Golfe, avec Washington, allié traditionnel et de premier plan d’Israël et de ses intérêts, fait que les capitales en question restent sous large influence étasunienne, et donc indirectement des intérêts de Tel-Aviv.
Mais est-ce réellement nouveau Ou simplement une continuité qui date depuis un bon moment, faisant simplement apparaitre à l’horizon quelque chose qui était déjà actualité dans le passé, certes de façon un peu plus voilée? Beaucoup seraient amenés à penser que c’est bel et bien la seconde réalité qui serait bien plus proche de la vérité. Car dans les faits, et bien au-delà des mots « solidaires » envers les Palestiniens, seuls quelques Etats arabes ont, traditionnellement, réellement entrepris des actes concrets en soutien à cette cause, dépassant le simple concept des belles paroles.
Parmi ces pays – la République arabe syrienne. Allié indéfectible de la résistance palestinienne depuis de longues années, et malgré les dernières années de guerre sur son sol avec le déferlement de dizaines de milliers de terroristes en provenance de plusieurs dizaines de pays, Damas a maintenu sa position inchangée. D’ailleurs, il n’était pas rare que lorsque des drapeaux nationaux de Syrie aient été posés par les militaires de l’Armée arabe syrienne dans les localités libérées des terroristes, des drapeaux palestiniens soient souvent eux aussi placés aux côtés des drapeaux nationaux syriens. Très souvent en opposition totale avec les éléments terroristes, que ce soit de Daech, d’Al-Qaida ou d’autres qui, à l’époque où ils avaient encore la main se donnaient un vif plaisir à arracher les drapeaux syriens… comme palestiniens. Mais cela est une autre histoire. Au niveau officiel, la Syrie a exprimé sa vive condamnation et son rejet absolu du soi-disant «deal du siècle» qui constitue une soumission à l’entité d’occupation israélienne, et entre dans le cadre des tentatives continues des administrations américaines successives et de l’entité sioniste de liquider la cause palestinienne et d’ignorer la légalité internationale et ses résolutions concernant le conflit arabo-israélien https://www.sana.sy/fr/?p=174984
Une position traditionnellement ferme, bien loin donc des approches des pays du Golfe, entre autres. Parmi les voisins de la Syrie, le Liban et l’Irak – ce dernier ayant récemment appelé les USA à évacuer ses militaires présents sur son sol – ont rejeté de façon nette le plan étasunien, ainsi que dans une moindre mesure la Jordanie.
En ce qui concerne l’Afrique du Nord et notamment les pays du Maghreb, la réaction la plus vive a été observée du côté d’Alger – qui, à l’instar de Damas, a maintenu historiquement un soutien ferme en faveur de la cause palestinienne. Et ce aussi bien sur le plan politique, diplomatique que pratique. Réitérant son soutien «fort et indéfectible à la cause palestinienne et au droit imprescriptible et inaliénable du peuple palestinien frère à l’établissement d’un Etat indépendant et souverain avec Al-Qods (Jérusalem-Est, ndlr) comme capitale. Parallèlement, Alger a rappelé «qu’aucune solution ne saurait être envisagée sans l’association des Palestiniens, notamment lorsque il s’agit d’une solution contre leurs intérêts» - faisant ainsi une référence assez directe au fameux plan américano-israélien, qui ne prend aucunement en compte les intérêts légitimes d’une partie, normalement, impliquée dans le cadre d’un tel «plan». Une position avec laquelle la Tunisie voisine s’est dite solidaire.
Maintenant pour parler concrètement perspectives. Au-delà des relations traditionnellement fortes avec Washington des pays ayant adopté des positions pour le moins ambiguës sur cette question cruciale pour la dignité du monde arabo-musulman, et de l’opposition actuelle de ces capitales avec Téhéran (bien souvent là aussi sous pression US), il y a d’autres questions/raisons qu’il serait probablement possible à avancer. Comment des Etats n’ayant pas encore possession complète de leurs propres souverainetés respectives pourraient-ils être en mesure de défendre une véritable indépendance et souveraineté d’un autre Etat arabe, en l’occurrence la Palestine? Comment des Etats, qui tout en comprenant parfaitement la nouvelle réalité multipolaire et affirmant, de temps à autre, vouloir aller dans le sens de la diversification des relations avec les puissances non-occidentales, mais n’ayant pas le courage d’aller jusqu’au bout de ces déclarations, pourraient-ils jouer un rôle constructif pour la cause palestinienne, qui nécessite des positions solidaires, souveraines et pleinement indépendantes? Là est probablement toute la question.
Ce qui est néanmoins certain, c’est que le plan américano-israélien n’apportera aucun résultat réel au problème israélo-palestinien. Le monde unipolaire post-soviétique est un phénomène désormais révolu. Et dans cette réalité récente, il y a aujourd’hui des forces responsables qui sauront certainement apporter des solutions bien plus constructives, honnêtes et viables. Ce sera difficile, mais tout reste possible. Surtout avec encore un peu de patience.
Mikhail Gamandiy-Egorov