Dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, des combattants clandestins ont attaqué un poste de contrôle et un poste de commandement de l'armée syrienne aux abords de la ville de Deraa. Bilan: un mort et sept militaires blessés. Aucun groupuscule n'a encore revendiqué cette attaque.
De son côté, un activiste de l'Armée syrienne libre (ASL) de l'opposition a déclaré au représentant d'une agence de presse allemande que ces derniers temps les combattants étaient contraints d'intensifier les actes subversifs compte tenu de la violation des droits de la population par l'armée et par certains représentants des autorités locales. Des attaques ont été organisées contre des dirigeants locaux cherchant à se distinguer par des actions irréfléchies en accomplissant les directives du centre.
En mai-juin 2019, des manifestations ont été organisées dans le centre administratif et dans d'autres villes de la province contre les actions des autorités. La dernière goutte d'eau a été l'apparition dans les rues du portrait de l'ancien président syrien Hafez al-Assad, très mal vu par la majorité de la population locale.
Des manifestations avaient déjà été organisées plus tôt. Ainsi, après les protestations début 2019, le gouvernement syrien a dû annuler le décret sur le service militaire obligatoire pour les jeunes syriens. Certains parents cachaient même leurs enfants aux patrouilles spéciales chargées de retrouver les appelés. Le gouvernement a alors pris la décision de recruter dans l'armée uniquement des volontaires.
Autre raison – la brutalité et l'illégalité des actions de militaires syriens. Notamment aux postes de contrôle installés pratiquement sur toutes les routes. Les fouilles injustifiées de voitures, les pillages sous la forme de pots-de-vin pour pouvoir passer et les chicaneries concernant les documents sont devenus un comportement courant pour les militaires sur les routes.
Tout en sachant que des responsables de Damas avaient promis à la population au sud du pays leur aide pour reconstruire les propriétés et les terrains détruits, de larges possibilités d'autonomie, de développement de l'entrepreneuriat privé, de libre circulation des produits agricoles et autres sur l'ensemble du territoire syrien. La plupart des promesses n'ont pas été tenues et les habitants ont toujours besoin d'aide.
Tout cela suscite la colère et la méfiance de la population envers les autorités et les structures de force.
De plus, les Syriens parlent ouvertement d'une réduction dans la province de la présence de la police militaire russe, dont le commandement collaborait étroitement avec les autorités locales et la population, veillait au respect des droits des habitants, assurait l'ordre, la sécurité et apportait une aide considérable dans la reconstruction de l'infrastructure vitale détruite. Le contingent restant de la police militaire russe n'est plus capable d'accomplir la même ampleur du travail dont la population locale a tant besoin.
C'est la province de Deraa qui est devenue en mars 2011 le premier foyer de résistance contre le pouvoir central, d'où la campagne de désobéissance massive (intifada) s'est rapidement propagée à travers la Syrie.
Les groupes armés de Daech ont été expulsés par l'armée syrienne de cette province en août 2018 non sans le soutien des unités sunnites de l'ASL, dont les chefs de guerre négociaient avec les officiers russes.
Les accords conclus ont permis d'éviter de nombreuses victimes parmi les civils et les troupes de l'opposition essentiellement composées d'habitants locaux, ainsi que la destruction de nombreux bâtiments et sites d'infrastructure. Une grande partie de combattants a été transférée au nord-ouest du pays sous les garanties de sécurité des Russes. Ceux qui sont restés ont volontairement déposé les armes pour revenir à la vie pacifique.
Un nouveau mouvement protestataire a fait son apparition à la fin de l'automne 2018 après le déploiement au sud (province de Deraa, Soueïda, et partiellement Quneitra et Damas) des unités de la 4e division blindée sous le commandement de Maher al-Assad – frère du président actuel. Apparemment, la position particulière de l'unité (la division fait partie de la Garde républicaine) et la proximité de son commandement avec le pouvoir engendre l'impunité des actions illégales de certains militaires envers la population locale.
Quoi qu'il en soit, une colère réelle grandit dans cette région chaude du pays parmi de nombreux habitants, dont les protestations pourraient être soutenues par les groupes de l'opposition syrienne qui ont conservé un potentiel militaire. En continuant d'ignorer ces problèmes locaux les autorités locales pourraient se retrouver face au risque de répétition des événements sanglants de 2011, dont étaient responsables d'abord les dirigeants locaux, puis leurs protecteurs de Damas.