Les autorités britanniques ont du mal à renoncer à leurs ambitions impériales et se rappellent toujours de l'époque de l'empire britannique sous la reine Victoria. En tout cas, la situation autour de l'archipel des Chagos en témoigne clairement, estime l'observateur international Sergueï Saïenko.
Le 22 mai 2019, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté à la majorité des voix une résolution sur la fin du contrôle britannique sur l'archipel des Chagos dans l'océan Indien et sur son transfert à son propriétaire légitime, l'île Maurice. 116 pays ont voté pour le document, 6 – contre (dont le Royaume-Uni et les USA), 56 se sont abstenus. Le texte stipule que le Royaume-Uni doit cesser d'administrer l'archipel des Chagos sous six mois.
Cependant, il est peu probable que cela puisse se faire si vite, et la réaction de Karen Pierce, représentante permanente du Royaume-Uni après des Nations unie, qui a exprimé son désaccord avec la résolution de l'Assemblée générale, le confirme. Après la réunion, elle a déclaré aux journalistes qu'elle était déçue par les résultats du vote. "C'est une question qui relève des relations bilatérales, et le fait qu'elle est portée devant l'Assemblée générale, crée un précédent déplorable", a dit la diplomate. Le Foreign Office britannique a pleinement soutenu la position de Pierce, déclarant que Londres ne reconnaissait pas les revendications de souveraineté de Maurice sur l'archipel des Chagos et regrettait que cette question fasse l'objet de discussions à l'ONU. On pourrait difficilement s'attendre à une autre réaction officielle de la part de Londres – telle est aujourd'hui la politique extérieure du Royaume-Uni qui s'efforce à prouver au monde entier qu'il jouit encore d'une certaine influence et d'un certain poids sur l'échiquier international.
Ici, il conviendrait de se replonger dans l'histoire du dossier. En 1965, le Royaume-Uni a illégalement séparé l'archipel des Chagos du reste de Maurice, qui était à l'époque une colonie britannique. Trois ans plus tard, l'île Maurice est devenue indépendante, or, les îles Chagos sont restées un territoire britannique. En 1966, les USA ont loué au Royaume-Uni l'île principale de Diego Garcia pour y installer une base militaire. En même temps, tous les 1 500 habitants de l'archipel ont été déportés. En 2016, le Foreign Office britannique a reconduit le bail avec les USA jusqu'en 2036, en déclarant que les indigènes exilés n'auraient pas le droit de rentrer chez eux.
Il semblait que les souffrances des Chagossiens ne finiraient jamais. Cependant, le 25 février 2019, la Cour internationale de justice à La Haye a jugé que le Royaume-Uni devait rétrocéder l'archipel des Chagos sous l'administration de Maurice. Et ceci, le plus vite possible. La décision a été prise presque à l'unanimité: 13 juges contre une seule représentante des USA. Cela devait, semblerait-il, mettre fin à ce différend territorial qui dure depuis plusieurs décennies. Cependant, le Royaume-Uni a répondu qu'il allait étudier la décision rendue par la Cour, ce qui signifie en réalité – les îles étaient et resteront les nôtres. Et voilà que vient maintenant la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU du 22 mai sur la restitution des îles Chagos à Maurice et le rapatriement des habitants autochtones dans l'archipel.
Alors pourquoi Londres s'oppose-t-il avec une telle obstination au transfert de l'archipel à Maurice et au retour des peuples indigènes sur les îles Chagos? Premièrement, la zone maritime autour de l'archipel Chagos, déclarée zone exclusive par Londres, s'étend à plus de 500 000 mètres carrés, ce qui est deux fois la taille du Royaume-Uni, et revêt une grande valeur pour celui-ci. Deuxièmement, l'île de Diego Garcia abrite l'une des bases militaires américaines les plus grandes et secrètes d'outre-mer. Et d'ailleurs, le Royaume-Uni possède aussi certaines installations militaires communes sur cette île qu'il partage avec les USA.
Si, on outre, on prend en compte l'importance stratégique de ces îles, qui permettent au Royaume-Uni et aux USA de contrôler presque tout l'océan Indien, on comprend bien pourquoi les
différends autour de l'archipel des Chagos deviennent de temps en temps l'objet de discussions internationales au plus haut niveau, mais ne trouvent toujours pas de solution.
Tout cela porte à croire que malgré la décision de la Cour internationale de justice à la Haye et la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, les Chagos resteront un territoire britannique dans l'avenir proche. En tout cas, tant que la couronne britannique aura besoin de l'archipel "à des fins de sécurité", comme l'on a déclaré à Londres. Traduit du langage diplomatique, cela signifie: jusqu'à ce que les Américains ne décident de ne plus avoir besoin de la base militaire de Diego Garcia, ce qui n'arrivera presque jamais.