Le nombre de terroristes et d'extrémistes détenus en Europe a considérablement augmenté ces dernières années. Une grande partie pourrait, à nouveau, prochainement être libérée, selon une nouvelle étude obtenue par le Spiegel.
Le nombre de terroristes et d'extrémistes dans les prisons européennes a fortement augmenté. C'est ce que montre une nouvelle étude du King's College de Londres obtenue par le Spiegel en exclusivité. Le chercheur en terrorisme, Peter Neumann, qui dirige l'étude explique que les détenus sont principalement des partisans de la milice terroriste État islamique (EI), mais de plus en plus souvent aussi des extrémistes de droite. Il s'attend à ce que ce nombre augmente également à l'avenir, en particulier grâce au retour de nouveaux combattants de l'EI dans leur pays d'origine et à l'augmentation des attaques d'extrême droite.
Environ 1400 terroristes sont actuellement en prison dans les dix pays de l'UE examinés par les chercheurs. Selon l'étude, la plupart d'entre eux se trouvent en France où leur nombre a été multiplié par six depuis 2014 pour atteindre environ 550. Il y a actuellement 238 terroristes en détention en Grande-Bretagne et 329 en Espagne, dont de nombreux séparatistes basques.
Pour l'Allemagne, les chercheurs du Centre international sur l'étude de la radicalisation du King's College n'avaient pas de chiffres pour tous les États fédéraux. Cependant, ils supposent qu'au moins 290 détenus dans les prisons allemandes sont considérés comme radicaux. De plus en plus, cela inclut également les femmes qui reviennent de la zone autrefois contrôlée par l'État islamique (EI). «Cela pose de nouveaux défis aux prisons», déclare Neumann.
Malgré l'augmentation massive du nombre, les terroristes ne représentent qu'une fraction des détenus dans les prisons européennes. Néanmoins, l'augmentation exacerbe un problème. Les établissements pénitentiaires sont trop pleins. «Dans presque tous les pays européens, les prisons sont surpeuplées et il y a un manque de personnel qualifié», explique le chercheur en terrorisme Neumann en rajoutant: «Pas étonnant qu'ils deviennent des terrains propices à la radicalisation».
Selon l'étude, des terroristes condamnés utilisent à plusieurs reprises leur détention pour réseauter et radicaliser d'autres détenus. Les chercheurs supposent qu'il y a environ 1 600 prisonniers dans les pays, où l'enquête a été effectué, qui ne sont devenus des extrémistes potentiels que pendant leur détention. Ils sont souvent sujets aux tentatives de radicalisation, par exemple parce qu'ils ont des maladies mentales ou des problèmes de drogue.
De nombreux pays de l'UE utilisent désormais des méthodes modernes pour évaluer les dangers posés par les terroristes et les extrémistes emprisonnés. En Allemagne, par exemple, ces outils de prévision sont appelés Vera-2R et Radar-itE. De telles méthodes pourraient être utiles, dit l'équipe de recherche de Londres, mais ce qui est plus important encore, c’est qu’il faut un personnel compétent dans les prisons. «Des prisons bien équipées sont la mesure la plus importante contre la radicalisation, mais aussi la plus impopulaire», déclare Neumann. Aucun politicien ne veut dépenser plus d'argent pour les criminels. Dans le cas de l'Allemagne, le chercheur sur le terrorisme voit un problème supplémentaire: «Il n'y a pas d'approche uniforme et systématique de la façon dont la radicalisation des prisons peut être contrée.Chaque État fédéral fait ce qu'il pense être juste».
Les chercheurs londoniens voient venir une vague importante du nombre des terroristes dans un avenir très proche car de nombreux pays de l'UE seront confrontés à une vague de licenciements suite aux conséquences de la crise sanitaire. En outre, de nombreux partisans de l'EI ont été condamnés à des peines de prison relativement courtes et seront bientôt libérés. Le chercheur Neumann avertit: «De nombreux pays sont mal préparés à cela».
En effet, le JDD a déjà relaté en février dernier les dires du procureur national antiterroriste (PNAT), Jean-François Ricard qui prenait la parole en France devant les parlementaires de la commission des lois: «J'ai une vraie inquiétude. On va remettre en liberté des individus très dangereux». «Le danger qu'il pointe se résume en quelques chiffres communiqués en fin de semaine par le ministère de l'Intérieur: en 2020, 45 condamnés pour des faits de terrorisme vont sortir de prison au terme de leur peine, dont cinq femmes. L'an prochain, ils seront 57, et 46 en 2022», a écrit le JDD.
Olivier Renault
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