Israël se tient à l'écart de la crise libyenne, mais seulement à première vue. En réalité, il soutient tacitement le maréchal Khalifa Haftar qui commande l'Armée nationale libyenne (ANL) avec une ligne visant à soutenir la politique de l'Egypte dans le Nord de l'Afrique. C'est ce qu'indique la publication de l'agence de presse turque Anadolu.
Aussi bien les déclarations de l'entourage du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu que les publications de la presse israélienne témoignent de la présence d'un tandem caché Israël-Egypte sur le dossier libyen. L'Egypte joue le rôle d'intermédiaire dans les contacts entre les Israéliens et Khalifa Haftar. C'est à son initiative que l'administration du président Abdel Fattah al-Sissi a organisé plus tôt au Caire une rencontre du chef de l'ANL avec des représentants israéliens, affirment les articles.
Le journaliste Yossi Melman dans l'article du média londonien Middle East Eye a parlé plus tôt de la formation par des agents du Mossad en Egypte de plusieurs commandants d'unité de l'ANL. "Des agents des renseignements israéliens forment les partisans de Haftar à la tactique militaire, au recueil d'information, à l'analyse de la situation et à la direction des opérations", a indiqué Yossi Melman.
Le journaliste a également parlé de deux visites de Khalifa Haftar (en 2017 et en 2019) au Caire, où le maréchal libyen aurait évoqué avec des représentants du Mossad la fourniture d'appareils à vision nocturne et de fusils de sniper dans l'Est de la Libye.
Le Monde Afrique a également parlé dans son article du 2 juillet des pourparlers entre Haftar et des émissaires israéliens, mais cette fois en Jordanie. Selon le quotidien, les actions du commandant de l'ANL et de ses partisans qui ont établi le contrôle dans l'Est de la Libye depuis 2014 ont été considérées par les Israéliens comme la création d'un "mur de sécurité", parce que Tel Aviv est très préoccupé par l'éventualité de fournitures d'armes depuis la Lybie via le Sinaï égyptien dans la bande de Gaza.
En cas de prise de contrôle sur toute la Libye, avec ses pétrodollars le maréchal Haftar pourrait devenir également un bon acheteur d'armes israéliennes.
Dans leur politique régionale les autorités israéliennes partent du principe "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". On ignore combien de temps Israël soutiendra Khalifa Haftar, mais l'histoire montre que l'Etat hébreu n'a jamais misé sur la partie perdante, concluent les auteurs de l'article.
La Libye occupe une place stratégique importante pour Israël aussi bien en tant que corridor énergétique que pour la protection des intérêts de sa propre sécurité. L'une des principales raisons du soutien tacite de Haftar par Israël est la garantie d'un transit de gaz stable en Méditerranée, lequel les Israéliens cherchent à exporter en Europe. Il existe également une autre raison: le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Tripoli soutenu par Ankara a fourni à la Turquie un avant-poste militaro-politique en Afrique du Nord, d'où peuvent être générées les menaces contre l'Egypte, l'un des partenaires les plus successifs et prévisibles d'Israël dans le monde arabe. On estime que tout affaiblissement des positions de Haftar en Libye aurait des conséquences négatives pour l'Egypte qui se trouvent en relations extrêmement difficiles avec la Turquie.
Rappelons qu'en Libye mûrit une confrontation directe entre la Turquie, qui protège le GNA dirigé par Fayez el-Sarraj et a envoyé sur le front libyen des milliers de combattants islamistes syriens, ainsi que des systèmes offensifs, et les monarchies arabes du Golfe, notamment les Emirats arabes unis. Abou-Dabi fournit entre autres à l'ANL des drones de combat.
Le maréchal Haftar est soutenu par la Russie, l'Egypte, la France, l'Arabie saoudite et les EAU. Alors que la Turquie et le Qatar sont du côté du GNA de Fayez el-Sarraj.
Fin novembre 2019, Ankara et le gouvernement de Tripoli ont signé un accord de coopération militaire dans le cadre duquel la Turquie apporte un puissant soutien au GNA, y compris les fournitures d'armes.
Alexandre Lemoine
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