Les opérateurs de téléphonie attaquent Grenoble en justice. Le maire interdit la 5G. «Ce n’est pas seulement un sujet technique, mais surtout un sujet politique. L’Etat et l’industrie sont en train d’imposer un système glouton en énergie et matériaux sans vraiment être clairs sur ses usages. Est-ce pour compter ses yaourts dans le frigo ou pour mettre en place une société de surveillance généralisée?», questionne Vincent Fristot, expert du dossier et adjoint à l’urbanisme de Grenoble en 2014-2020, à La Relève et La Peste.
De nouveau, on retrouve dans ce dossier le ministre de la Santé, Olivier Véran, impliqué dans les directives autour du Covid-19, dans sa volonté d'imposer la G5 à Grenoble et de refuser un moratoire.
Grenoble fait partie des villes où la 5G doit se déployer en avant-première. Non concertée pour cette décision, la municipalité a décidé, au regard des éléments sanitaires manquants, de son impact environnemental et sociétal, de bloquer l’avancée des travaux par des arrêtés. En réaction, les opérateurs de téléphonie ont lancé des actions en justice contre la ville qui reproche au gouvernement de pousser un vaste programme technologique sans aucune concertation citoyenne.
Eric Piolle et son équipe viennent d’être réélus pour un second tour. L’une des promesses fortes du maire écologiste, empêcher le déploiement de la 5G sur le bassin grenoblois, avait déjà commencé lors de son premier mandat par des arrêtés municipaux interdisant l’implantation de nouvelles antennes dans la ville. «Ce qui nous a mis la puce à l’oreille, c’est le manque de données sur les impacts desdites antennes. Dans leurs demandes, les sociétés parlent d’antennes de nouvelle génération inactives, qui ne diffuseraient aucun signal, sans préciser quels en seraient les futurs impacts ni fournir le Dossier d’Information du Maire censé donner les éléments techniques lors de la déclaration d’intention préalable de travaux», explique Vincent Fristot, expert du dossier et adjoint à l’urbanisme de Grenoble en 2014-2020, à La Relève et La Peste. Détail important : ce ne sont pas les opérateurs téléphoniques qui en font directement la demande, mais des sociétés intermédiaires, en l’occurrence Cellnex et Hivory. Une façon d’éviter publiquement de faire des vagues, tout comme des sociétés moins connues font les demandes d’implantation pour les centres logistiques des plateformes de e-commerce Amazon et Alibaba sur le territoire français.
La Mairie de Grenoble a donc rejeté les implantations de ces antennes en émettant des refus de déclaration préalable. Contestant cette décision, deux recours gracieux ont été déposés par Cellnex et deux recours contentieux par Hivory. Ces actions en justice mettent en moyennent 15 mois à être jugées, ce qui donne un laps de temps à la municipalité pour obtenir de plus amples informations sanitaires sur la 5G. En effet, les impacts sur la santé sont pour l’instant méconnus, un premier rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ayant mis en avant : «un manque important, voire une absence de données relatives aux effets biologiques et sanitaires potentiels dans les bandes de fréquences considérées». L’Agence a identifié deux domaines d’études distincts: Les risques liés aux fréquences utilisées dans le cadre des premiers déploiements de la technologie 5G en France, autour de 3,5 G ; Les fréquences qui seront utilisées ultérieurement autour de 26 GHz. «Les modalités d’exposition et les effets sanitaires potentiellement associés seraient a priori différents. Les risques sanitaires varient selon le degré d’absorption des fréquences par le corps. Plus la fréquence des ondes électromagnétiques augmente, plus les ondes sont absorbées par les couches superficielles de la peau. Ce qui fait diminuer la profondeur de pénétration de ces ondes dans l’organisme», précise l’institut sur son site. Afin d’accompagner le déploiement de la 5G, l’Anses a lancé des travaux d’expertise et de recherche sur les impacts sanitaires. Un rapport devrait être remis d’ici la fin 2021, bien après les premiers tests en cours sur le territoire. Eric Piolle dénonce les actions des opérateurs et le rôle de l'Etat dans une vidéo postée sur son compte Twitter le 6 juillet dernier.
Depuis le début, la liste écologiste de Grenoble voit d’un mauvais œil l’implantation à marche forcée de la 5G sur son territoire. Dans le PLU voté en décembre 2014, la mairie avait ainsi décidé d’interdire l’implantation d’antennes de téléphonie mobile près des équipements sensibles : milieux scolaires, crèches et établissements de santé. Cette mesure a été retoquée par la Préfecture. Pas assez pour décourager les élus qui obtiennent en juin 2019 la création d’une instance départementale de concertation prévue par la loi Abeille, relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques qui renforce le rôle des maires. Cette concertation est la prémisse du moratoire demandé par la municipalité en mars 2020, que le ministre de la Santé Olivier Véran a refusé au prétexte que «les opérateurs respectent les normes».
Laurie Debove