Le président français a visité un pays qui traverse la plus grande crise de son histoire. Le Liban, qui célèbre le centenaire du Grand Liban, est en proie à une grande colère. Emmanuel Macron a tenu sa promesse et est venu au Liban trois semaines après sa précédente visite pour suivre personnellement l'avancement des réformes politiques et économiques, ainsi que la distribution de l'aide apportée à ce pays par les bailleurs internationaux après les explosions dans le port de Beyrouth.
Emmanuel Macron est arrivé à Beyrouth tard le soir le 31 août et s'est rendu directement au domicile de la chanteuse arabe la plus célèbre du monde, Fairouz, pour lui donner la Légion d'honneur. Lors d'un dîner amical, il a raconté à la chanteuse quels souvenirs nostalgiques les «histoires d'amour» de son travail lui apporte. Ce fut, là, la fin des agréables rencontres du président français à Beyrouth.
Déjà aux portes de la maison de Fairouz, des dizaines de manifestants l'attendaient, brandissant des slogans contre Moustapha Adib, chargé de former un nouveau gouvernement libanais quelques heures avant l'arrivée du président Macron alors qu'ils réclamaient Nawaf Salam en criant: «Adib représente le pouvoir, pas les gens». Le président français a répondu que ce n'était pas lui qui avait nommé le premier ministre, mais les forces politiques locales et expliqué qu'il ne pouvait pas soutenir la nomination de Nawaf Salam, juge à la Cour internationale de Justice (CIJ) et ancien ambassadeur du Liban auprès de cette organisation, au poste de premier ministre.
Le même message a été donné aux journalistes lorsqu'il a atterri à l'aéroport de Beyrouth: «Il n'est pas de ma compétence de soutenir ou de m'opposer à la nomination car il s'agit d'une affaire interne libanaise. Mais, je dois m'assurer que le gouvernement formé servira le peuple et sera en mesure de mener des réformes pour lutter contre la corruption, réparer le secteur de l'énergie, le port, la banque centrale et le secteur bancaire». Il a également souligné qu'il assumait la responsabilité de superviser ces réformes. «Si le gouvernement remplit ses tâches, la communauté internationale, dirigée par la France, remplira ses obligations de soutien au peuple libanais», a-t il affirmé en précisant ses trois objectifs: contrôler la distribution de l'aide pour éliminer les conséquences de l'explosion dans le port de Beyrouth qui a fait plus de 190 morts; le centenaire du Grand Liban (le début de la formation de l'Etat libanais sous le protectorat français); et le contrôle du processus de réformes politiques.
Le violent éclat de colère d'Emmanuel Macron face aux caméras du monde envers le journaliste du Figaro Georges Malbrunot, à propos d'un article évoquant sa rencontre avec Mohammed Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, a montré un président sous tension, nerveux et peu sincère sur la vérité de ses affirmations et déclarations en public par rapport à ses actes, laissant planer le doute sur ses intentions réelles mais aussi sur la liberté de la presse.
Selon le service de presse présidentiel, le président français est prêt à risquer sa réputation personnelle et sa carrière. «Je fais un pari risqué, je le sais», «j'ai mis sur la table la seule chose que je possède, mon capital politique», a-t il déclaré dans une interview à Politico en se rendant à Beyrouth, évoquant son rôle dans la transformation politique et du système du Liban. Il a souligné que «c'est la dernière chance pour ce système» car il accorde à la classe politique libanaise une «période d'essai» jusqu'à fin du mois d'octobre, après quoi il prendra des «mesures punitives» qui peuvent inclure à la fois le refus d'une aide financière internationale vitale au Liban et l'imposition de sanctions contre l'élite dirigeante. Le président Macron a également répondu aux critiques politiques qui estiment qu'il ne met pas suffisamment de pression sur le mouvement chiite pro-iranien du Hezbollah, l'une des forces politiques les plus puissantes du Liban. «Si nous combattons la force par la force, cela s'appelle une escalade», a-t-il dit. Et puis il a ajouté: «Ne demandez pas à la France de déclencher une guerre contre la force politique libanaise... Ce serait absurde et insensé».
Emmanuel Macron a été contraint d'accepter le choix des hommes politiques libanais et a décidé d'attendre la fin de la formation du nouveau gouvernement. Dans le même temps, le président français a souligné que Moustapha Adib «doit recevoir tous les outils pour réussir» afin de mener à bien les réformes que la communauté internationale exige du Liban.
Emmanuel Macron entend continuer à suivre l'avancement des réformes. En octobre, il a prévu de tenir à Paris la deuxième conférence des donateurs après les attentats de Beyrouth où une stratégie de restauration de l'économie libanaise doit être développée. En décembre, il a l'intention de se rendre à nouveau au Liban. Rappelons que lors de la réunion des donateurs tenue en août, les Libanais se sont vus promettre environ 300 millions de dollars. Selon une estimation de la Banque mondiale publiée lundi, l'explosion du port a causé jusqu'à 4,6 milliards de dollars de dommages matériels au Liban et jusqu'à 3,5 milliards de dollars de dommages économiques. De plus, le Liban était au bord de l'effondrement économique avant les explosions.
Philippe Rosenthal
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs