L'Europe reste liée à la Russie bon gré mal gré et serait la première à subir un éventuel boycott basé sur des accusations régulières d'empoisonnement et de violations des principes démocratiques, comme le dernier pseudo scandale mis en place contre le Kremlin en l’accusant d’avoir empoisonné le principal opposant politique du gouvernement russe, Alexeï Navalny. Les politiciens allemands, surtout les Verts, ont demandé aux autres politiciens européens de mener de nouvelles sanctions contre la Russie sans trop réfléchir.
Les experts de l'industrie dénoncent la volonté de ces nouvelles sanctions. Au-delà des aficionados de Poutine vivant en UE, les experts de l'industrie pointent du doigt ces nouvelles sanctions. Le Handelsblatt rapporte les opinions d'Hubertus Bardt, directeur de l'Institut allemand d'économie (Institut der deutschen Wirtschaft), situé à Cologne, qui définit, comme «absolument irréaliste» et comme extrêmement risqué, l'idée de pouvoir remplacer les volumes d'énergie achetés à Moscou dans des temps prévisibles car selon lui «l'idée de remplacer les quantités de gaz et de pétrole russes dans un avenir prévisible est totalement irréaliste» en voulant «essayer de désactiver la Russie en tant que fournisseur d'énergie» puisque cela «serait extrêmement risqué» et que donc «on ne peut que mettre en garde contre de tels jeux d’esprit». La Russie et l'UE sont étroitement liées en ce qui concerne l’approvisionnement énergétique. De fait, l'expert indique qu'«il y a une interdépendance» et que, en outre, «cela se traduit par des effets stabilisants dans les relations».
L'emploi du gaz naturel liquéfié (GNL) ou du pétrole de schiste américain ne pourra pas beaucoup aider même si les Etats-Unis ont beaucoup manœuvré au niveau diplomatique en faisant pression sur le gouvernement allemand. Proposer des compromis ou effectuer du chantage sont des actions inutiles lorsque votre produit est simplement inutilisable par l'acheteur potentiel. En effet, les industries pétrolières allemandes ne sont pas adaptées. C'est ce que Timm Kehler, membre du conseil d'administration de Zukunft Erdgas, une association agissant comme porte-parole de plus d'une centaine d'entreprises du secteur gazier allemand, confirme. Selon lui, les politiciens qui aiment agiter la menace de sanctions devraient d'abord expliquer aux représentants de leur économie nationale les conséquences sur la hausse des prix pour les consommateurs et sur d'éventuelles interruptions de l'approvisionnement en chauffage. L'Allemagne, moteur productif du continent, qui dans deux ans fera ses adieux à l'énergie nucléaire puis au charbon et dont les énergies renouvelables ne couvrent pas une part suffisante des besoins de sa population, est passée de 44% des achats de gaz russe en 2016 à 51, 6% en 2019. En plus, la tendance semble être à la hausse. En fin de compte, l'Allemagne ne peut pas se permettre le luxe de renoncer à l'énergie que la Fédération de Russie lui envoie.
Le gazoduc Nord Stream 2, terrain de la discorde des politiciens occidentaux. Pendant que certains y voient un excellent investissement et une opportunité d'optimiser les approvisionnements de l'Est, d'autres sont d'avis que cela ressemble à un nœud coulant placé autour de l'Allemagne et de l'UE pouvant être resserré à volonté par le Kremlin. Avec Nord Stream 1, le nouveau gazoduc, une fois terminé, permettra d'acheminer chaque année 55 milliards de mètres cubes de gaz naturel supplémentaires vers l'Allemagne. Il faut bien réaliser que les intérêts multiples et contradictoires de divers pays y sont liés. A titre d'exemple, l'Italie a profité de cette bonne affaire avec des entreprises comme Saipem et Snam qui ont remporté des contrats prometteurs. Ainsi donc, les considérations strictement politiques doivent être reportées jusqu'à ce que le travail soit terminé. Pour l'Allemagne, Nord Stream 2 en plus d’augmenter significativement le volume des approvisionnements, les habitants de ce pays, étant ceux qui le recevront en premier dans la chaîne de distribution, paieront moins cher le gaz que les autres consommateurs européens. Le pragmatisme fera la loi.
A l'occasion d'une rencontre avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à Vienne en septembre dernier, les responsables politiques autrichiens ont refusé de suivre sa volonté sur la question de l'attaque présumée au poison contre l'opposition russe Alexeï Navalny. En effet, l'Autriche a indiqué qu'elle ne veut pas arrêter le projet de gazoduc Nord Stream 2. Le président fédéral autrichien, Alexander Van der Bellen (Verts) et le chancelier fédéral Sebastian Kurz (ÖVP) après la rencontre avec le président ukrainien ont déclaré qu'ils ne voyaient aucun lien entre l'attaque et Nord Stream 2», comme indiqué par le Salzburger Nachrichten.
Selon le chancelier fédéral d’Autriche, il s'agit d'un projet commercial positif qui ne doit pas être confondu avec les circonstances politiques. Enfin, le Parlement européen a, également, ressenti le besoin de s'exprimer sur l’affaire Navalny en votant en faveur de nouvelles sanctions et pour la suspension des travaux de Nord Stream 2. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a cependant déclaré que sanctionner un gazoduc ne relève pas des compétences ou des possibilités des institutions européennes car c'est une question à laquelle les gouvernements des Etats membres doivent réfléchir, s'ils le jugent opportun.
Par conséquent, la patate chaude reste entre les mains d'Angela Merkel qui devra faire face non seulement au blâme pro-européen, mais aussi à l'opposition interne de son Parlement. Déjà au mois de septembre elle avait, comme précisé par le Nordkurier, donné le ton en précisant clairement qu'elle ne voulait pas lier l'affaire Navalny à Nord Stream 2.
Philippe Rosenthal
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