Les discussions concernant l'adhésion de la Géorgie à l'Otan se poursuivent depuis vingt ans. Le pays coopère avec l'Alliance depuis la fin des années 1990. En automne 2002, le président du pays à l'époque, Edouard Chevardnadze, au sommet de Prague a fait part de la volonté de la Géorgie d'adhérer à l'Otan. Mikhaïl Saakachvili, qui lui a succédé après une révolution de couleur, a non seulement réaffirmé son aspiration à le faire, mais en a fait également l'unique vecteur sans alternative de la politique étrangère de la Géorgie.
Le parti Rêve géorgien, qui a réussi en octobre 2012 à débarrasser le pays de la dictature du Mouvement national uni et de Mikhaïl Saakachvili, a annoncé "la normalisation progressive des relations avec la Fédération de Russie qui ne serait pas au détriment de l'intégrité territoriale de la Géorgie", tout en maintenant la ligne visant à adhérer à l'Alliance.
Difficile à comprendre comment le Rêve géorgien comptait avancer à la fois dans deux directions diamétralement opposée, mais à l'époque il était vital pour lui de ranger de son côté la majeure partie de l'électorat, car la population géorgienne a voté pour la coalition du Rêve géorgien principalement en croyant à la possibilité d'une normalisation des relations entre Tbilissi et Moscou.
Au fur et à mesure du renforcement du pouvoir du Rêve géorgien, ces illusions ont commencé à se dissiper, et toutes les irrégularités dans les relations entre le gouvernement et l'Occident avaient lieu seulement parce que ce dernier jugeait la politique du gouvernement géorgien insuffisamment active en matière d'intégration euro-atlantique.
Durant toutes ces années, divers experts et politiques publiaient régulièrement des articles commandités sur la nécessité de créer une possibilité juridique pour l'adhésion de la Géorgie à l'Otan. D'après la charte de l'Alliance, l'adhésion de la Géorgie est juridiquement impossible à cause des problèmes d'intégrité territoriale du pays. Toutes les autorités géorgiennes estimaient que la Russie "a occupé" une partie du territoire géorgien, tandis que les habitants de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud considèrent que suite à une guerre nationale de libération ils se sont débarrassés de la domination coloniale de la Géorgie et ont créé des Etats souverains à la place des anciennes colonies.
L'objectif principal des autorités géorgiennes et de l'Otan consiste à trouver une échappatoire, un chemin de contournement qui permettrait dans la situation actuelle relative à l'intégrité territoriale de la Géorgie de régler son problème d'adhésion à l'Otan.
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg s'est une nouvelle fois exprimé à ce sujet: "La Géorgie veut devenir membre de l'Otan, et la Russie ne peut pas l'empêcher. C'est seulement à la Géorgie et à l'Otan de décider si la Géorgie en deviendra membre, et à elles seules, parce que tout le reste serait une violation des droits souverains d'un Etat souverain."
Le nouveau secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déjà déclaré que la Géorgie pouvait adhérer à l'Otan si elle correspondait aux conditions d'adhésion à l'organisation et apportait sa contribution à la sécurité euro-atlantique. C'est ainsi que le nouveau chef de la diplomatie a répondu lors d'une réunion de la commission des relations internationales à une question du sénateur républicain Rand Paul. Après la réponse, ce dernier a déclaré qu'en cas d'adhésion de la Géorgie à l'Otan, conformément à l'article 5 de la charte de l'Alliance, les Etats-Unis entreraient en guerre contre la Russie.
Antony Blinken n'était pas d'accord avec cette affirmation. Selon lui, la Russie entreprend des actions agressives uniquement contre les pays qui ne font pas partie de l'Otan. "Je pense qu'au contraire, en ce qui concerne le statut de membre de l'Otan, la Russie engage des actions agressives contre les pays qui ne sont pas membres de l'Otan. Par le passé, nous avons vu que les pays qui ont adhéré à l'Otan ne font pas l'objet de l'agression russe", a déclaré Antony Blinken.
Il s'avère que ce dernier ne comprend tout simplement pas le sens des articles de la charte de l'Otan. En cas d'adhésion de la Géorgie à l'Otan, soit l'Alliance doit lancer une troisième guerre mondiale pour rendre au nouveau membre de l'Otan ses territoires perdus, soit accepter la Géorgie sans l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud. C'est visiblement la deuxième option qui sera imposée à la Géorgie par ses protecteurs occidentaux – renoncer aux revendications d'autres pays même s'ils ne sont pas reconnus. L'Otan propose à la Géorgie d'entrer dans l'Otan précisément par cette "petite porte".
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs