Après la prolongation du Traité sur la réduction des armes stratégiques (START), la Russie et les Etats-Unis doivent songer aux prochaines démarches en matière de maîtrise des armements. Les deux pays se disent ouverts au dialogue à ce sujet. Mais cela ne sera pas aussi facile que dans le cas du START: un travail long et difficile attend la Russie et les Etats-Unis.
La prolongation du START peut être qualifiée de "proie facile" ou, comme disent les experts américains, de "low hanging fruit". Les autorités russes prônaient initialement la prolongation de ce traité. Joe Biden ne doutait pas non plus de cette nécessité (ce qui n'est pas surprenant, car le START a été signé quand il occupait le poste de vice-président). Et puisque les deux camps étaient d'accord, la question était seulement de savoir comment il est possible de remplir toutes les modalités avant le 5 février (date d'expiration du traité).
A présent, ils devront déterminer les démarches à venir.
Quelle sera la suite? C'est une bonne question. L'équipe de Joe Biden devra analyser les stratégies en matière de sécurité nationale, de défense, de forces nucléaires, déterminer sa politique vis-à-vis de la Russie. Les candidats aux postes concernés au Pentagone et au département d'Etat américain n'ont pas encore été validés. En conséquence, on ignore encore qui sera en charge des négociations avec la Russie.
En automne déjà la Russie a transmis par écrit aux autorités américaines sa vision du contenu des négociations éventuelles dans le domaine de la maîtrise des armements. Le 20 janvier, le jour d'investiture de Joe Biden, le ministère russe des Affaires étrangères a publié un communiqué stipulant que ces initiatives restent d'actualité. Moscou appelle Washington à "s'occuper ensemble de l'élaboration d'une nouvelle équation de sécurité qui tiendrait compte de tous les facteurs de stabilité stratégique, y compris l'évolution des armements et des technologies militaires". Il faut se focaliser, selon le communiqué, "sur tous les types d'armements offensifs et défensifs, nucléaires et conventionnels capables de remplir des objectifs stratégiques, avec un accent particulier sur les moyens utilisés en cas de première frappe de contreforce contre le territoire national des parties".
Les représentants de la nouvelle administration laissent entendre qu'ils sont également prêts à dialoguer sur la maîtrise des armements. Le conseiller du président américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré que le prolongement du START "n'est pas la fin de l'histoire, mais seulement son début". Selon lui, il faut des "négociations sérieuses régulières sur tout le spectre de risques et défis nucléaires et autres qui ne sont pas couverts par le START". Mais les représentants de la nouvelle administration n'ont pas fait de déclarations publiques plus concrètes à ce sujet.
Par ailleurs, des experts russes et américains appellent les autorités des deux pays à ne pas reproduire les erreurs de la présidence de Donald Trump et à ne pas perdre de temps pour s'échauffer. Ainsi, les représentants de l'Association américaine pour la maîtrise des armements ont appelé les présidents russe et américain à donner aux diplomates la directive d'entamer "rapidement, d'ici 200 jours" l'élaboration d'un nouvel accord prévoyant une nouvelle réduction des arsenaux nucléaires (stratégiques et non stratégiques) et admettant la participation d'autres puissances nucléaires.
Bien que le START soit prolongé de cinq ans, en réalité cela ne signifie pas que Moscou et Washington disposent de cinq ans pour négocier.
L'administration américaine pourrait changer en 2025, ce qui effacerait tous les acquis. Dans les mois qui précèdent les élections, les autorités américaines ne sont pas non plus très actives. Il ne faut pas oublier que le développement des technologies et le déploiement de nouveaux armements ne restent pas sur place. En conséquence, en effet, il n'y a pas de temps pour s'échauffer.
A terme, c'est la Russie et les Etats-Unis qui devront déterminer les règles de conduite en matière de maîtrise des armements, car ils possèdent plus de 90% d'armes nucléaires dans le monde. Et si ces deux pays revenaient à un dialogue constructif au moins dans ce domaine, malgré les différends dans d'autres secteurs, une certaine entente pourrait être conclue sur la réduction d'autres armements, y compris l'arme hypersonique, et sur l'assouplissement des menaces, par exemple, dans le cyberespace.
Alexandre Lemoine
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