Le nouveau gouvernement de l'Iran a entamé son travail la semaine dernière. Les portefeuilles ministériels ont été attribués, sans surprise, aux représentants de l'élite politique conservative. Malgré cela, les experts affirment que le changement de la ligne du président réformiste Hassan Rohani en une ligne plus "belliciste" sera certainement progressif.
Le diplomate expérimenté Amir Abdollahian a été nommé ministre des Affaires étrangères. Son prédécesseur, Mohammad Javad Zarif, l'a félicité: "Je souhaite à lui, au ministère et à ses représentants, ainsi qu'à la nouvelle administration du succès dans les relations internationales", a déclaré l'ancien chef de la diplomatie.
Amir Abdollahian a noté sur Twitter que la politique du nouveau cabinet se concentrerait sur l'Asie et sur les pays voisins. Et d'ajouter qu'il a "l'intention de mener une diplomatie équilibrée, active et intelligente basée sur les principes de dignité et de sagesse".
Par ailleurs, les nouvelles nominations ont déjà provoqué un scandale diplomatique. Les autorités argentines ont critiqué la nomination de Mohsen Rezaï au poste de vice-président chargé l'économie, et d'Ahmad Vahidi au poste de ministre de l'Intérieur. L'Argentine soupçonne ces deux hommes politiques d'être impliqués dans l'attentat de Buenos Aires de 1994. Les terroristes, associés à l'Iran, visaient à l'époque le centre culturel juif. Le ministère des Affaires étrangères de l'Argentine a noté à cet égard que la nomination de MM. Rezaï et Vahidi "est une insulte pour la justice argentine et les victimes du terrible attentat".
"Le gouvernement de l'Argentine de nouveau demande instamment au gouvernement de l'Iran de contribuer pleinement à la justice argentine et faire en sorte que les personnes accusées d'implication dans l'attentat du centre juif soient traduites en justice", stipule le communiqué du ministère des Affaires étrangères.
De par sa composition le cabinet correspond parfaitement au statut du conservateur Ebrahim Raïssi. A noter que 9 des 19 ministres proposés faisaient partie d'une manière ou d'une autre du cabinet de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Une sélection plutôt "belliciste", mais cela concerne la politique nationale. Une autre nomination a eu lieu au moment de l'approbation du cabinet: Mohsen Rezaï a été nommé vice-président. Il s'agit du principal adversaire du conservateur Ebrahim Raïssi aux dernières élections.
C'est un homme du Corps des gardiens de la révolution islamique en politique. Autrement dit, Ebrahim Raïssi tente de consolider le camp conservateur autour de lui. En dépit d'une telle consolidation, où le cabinet était approuvé par un parlement entièrement conservateur, certaines nominations ont tout de même suscité de vifs commentaires. Près de quatre ministres ne devaient pas être nommés, mais au final il a été possible de faire sorte qu'un seul ne soit pas approuvé sur les 19: le ministre de l'Éducation, qui est loin d'être le plus important. Ce qui témoigne tout de même de l'absence d'une cohésion totale dans le camp des partisans d'une ligne dure.
En ce qui concerne la politique étrangère, à savoir le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense, ce dernier est loin d'être la fonction la plus importante en matière de sécurité. L'homme le plus influent en la matière est le commandant de l'état-major des armées, qui n'est pas nommé par le président.
Quant au ministre des Affaires étrangères, Amir Abdollahian est un conservateur modéré qui possède une expérience de travail diplomatique. Il s'agit d'un ancien conseiller parlementaire qui a longtemps travaillé au poste de vice-ministre des Affaires étrangères.
Dans l'ensemble, la politique étrangère de l'Iran, à en juger par les déclarations d'Ebrahim Raïssi, ne devrait pas changer brusquement. On pourrait s'attendre à des permutations radicales de cadres au sein du ministère iranien des Affaires étrangères entraînant des changements majeurs. Il s'agira certainement d'un tournant progressif vers une ligne conservative.
Alexandre Lemoine
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