Richard Labévière, auteur du livre ''Terrorisme, face cachée de la mondialisation'' est un ancien rédacteur en chef de la Télévision suisse romande (TSR) et de Radio France Internationale (RFI). En 2008, il a été renvoyé de RFI pour ses critiques journalistiques sur la politique d'Israël. Richard Labévière dénonce les graves erreurs de la diplomatie française en Syrie mais minimise la question du retour des jihadistes français.
Observateur Continental: Votre avis sur la décision de M. Macron et de M. Castaner, ministre de l'Intérieur, de rapatrier les jihadistes de l'Etat islamique en France ?
Richard Labévière : Il y a une dimension politique et juridique. Des ressortissants français sont retenus. Si les jihadistes sont donnés aux autorités syriennes par les Kurdes ou les Irakiens en raison du manque de relations diplomatiques entre la France et la Syrie cela posera un certain nombre de problèmes.
O.C.: Combien de jihadistes ont disparu dans la nature ?
Richard Labévière : Selon les services spécialisés 15 000 jihadistes armés auraient disparu dans la nature. Ils vont se fondre dans la population ou ils vont se recycler dans d'autres groupes armés.
O.C.: Combien de ressortissants français sont parmi les jihadistes ?
Richard Labévière : On dénombre 103 ressortissants français dont la majorité sont des femmes et des enfants. Les hommes sont pour la plupart morts au combat ou ont disparu.
O.C.: Les enfants et les épouses de jihadistes ne sont pas dangereux ?
Richard Labévière : Si des gens dangereux rentrent en France, Les services spéciaux vont les suivre.
O.C.: Pourquoi cette médiatisation du retour des jihadistes ?
Richard Labévière : C'est une affaire un peu gonflée qui s'annonce dans le retrait des troupes américaines de Syrie. La France a dit qu'elle respectait ses engagements en restant aux côtés des Kurdes. Cela permet de justifier un maintien des troupes françaises malgré le retrait américain. Maintenir 400 à 600 forces spéciales entre l'Irak et la Syrie, c'est vraisemblement moins pour continuer la lutte contre le terrorisme de l'Etat islamique qui touche à sa fin.
O.C.: Les autorités britanniques et allemandes disent que les jihadistes ont deux nationalités et refusent de les faire revenir. Seule la France le fait. Est-ce une bonne stratégie pour la France ?
Richard Labévière : Des avocats spécialisés comme William Bourdon pourraient mieux répondre sur le plan du droit. Sur les doubles nationaux et les nationaux ça pose d'autres problèmes. Ce qui est intéressant dans cette affaire c'est la dimension politique. Depuis Jupé, qui a eu cette brillante idée de fermer l'ambassade de France à Damas en mars 2012, il y a rupture des relations diplomatiques et de coopérations des services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme. Officiellement, la ''France éternelle'' n'avait plus personne sur le terrain syrien pour faire du renseignement opérationnel et le suivi des jihadistes binationaux ou français. C'est ce qui a donné cette affaire grotesque des ciments Lafarge qui sont restés sur place en s'acquittant d'un impôt révolutionnaire sinon jihadiste en Syrie pour en même temps servir de paravent à des gens qui faisaient du renseignement pour la France car ils ne pouvaient plus en faire officiellement.
O.C.: L'élite française a promu le jihad ?
Oui, ils ont été encouragés par tout un establishment de politologues ou d'experts à la Jean Pierre Filiu, à la Frédéric Encel (un ancien du Betard), Antoine Basbous (un ancien porte-parole des forces libanaises), pour diriger une certaine jeunesse à aller faire le coup de fusil en Syrie car l'obsession française de tout un establishment diplomatique et de chercheurs et autres est d'avoir la peau de Bachar Al-Assad.
O.C.: Comment est la diplomatie française en Syrie ?
Richard Labévière : La France s'est trompée sur le plan diplomatique sur ce dossier syrien et il ne fait pas bon d'être français aujourd'hui en Syrie. La diplomatie française a un acharnement obsessionnel et idéologique de Sarkozy, à Hollande jusqu'à Macron, pour demander le départ d'Al-Assad. Dans le contexte d'une reconstruction politique et économique de la Syrie la France sera totalement absente. Les autorités syriennes puniront la France pour son acharnement à vouloir dégager M Al-Assad.