03.06.2024
«L’utilisation d’armes occidentales contre la Russie aidera-t-elle l’Ukraine à changer la guerre?», se demande la BBC.
«L’Ukraine est désormais autorisée à utiliser des armes occidentales pour frapper des cibles en Russie. Qu’est-ce que cette décision va changer et quel impact aura-t-elle sur la ligne de front en Ukraine?», continue le média anglophone.
«Jusqu’à présent, les pays occidentaux limitaient l’utilisation de leurs armes aux cibles militaires situées à l’intérieur de l’Ukraine, notamment en Crimée et dans les territoires occupés. Ils craignaient qu’attaquer des cibles situées au-delà de la frontière internationalement reconnue avec des armes fournies par les pays de l’OTAN n’aggrave le conflit», signale la BBC.
«Mais la dernière avancée russe dans la région nord-est de Kharkiv a convaincu les alliés de Kiev que pour se défendre, l’Ukraine devait également être capable de détruire des cibles militaires de l’autre côté de la frontière», continue le média anglophone.
Le mois dernier, la Russie a lancé une offensive terrestre massive dans la région, ouvrant un nouveau front et capturant plusieurs villages. Pour les observateurs occidentaux, «l’avancée russe constitue une menace sérieuse pour Kharkiv, la deuxième plus grande ville d’Ukraine, située à seulement 30 km de la frontière».
Dans cette région c’est la ligne de front. L’interdiction d’utiliser des armes occidentales pour frapper des cibles au-delà de l’Ukraine a permis aux troupes russes de se préparer à cette opération dans un environnement sûr.
Avec la pression croissante de l’Ukraine et d’autres États européens, les États-Unis ont accepté de modifier leur politique et d’autoriser Kiev à frapper la Russie avec des armes occidentales.
«Nous travaillons, en essayant de nous assurer que les conditions sont réunies et qu’il existe des moyens de le faire beaucoup plus efficacement. Nous essayons d’obtenir des résultats», a stipulé le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, lors d'une conférence de presse à Prague vendredi.
Quelques jours seulement avant cette annonce, le président russe Vladimir Poutine avait menacé d’étendre les «zones sanitaires» au cas où des armes occidentales à longue portée seraient utilisées pour frapper le territoire russe. Il a déclaré que les pays européens de l’OTAN doivent se rappeler qu’ils ont «des États avec de petits territoires et une population dense», souligne la BBC.
«Ils doivent prendre ce facteur en considération avant de discuter de frappes en profondeur sur le territoire russe», a ajouté le président russe.
«Éviter une escalade est probablement la raison pour laquelle les États-Unis n’ont pas inclus les armes à longue portée telles que les ATACMS (Army Tactical Missile Systems) dans leur autorisation de frapper la Russie. Ces missiles ont une portée de 300 km et pourraient être utilisés pour frapper des bases militaires et des aérodromes situés à l’intérieur du territoire russe», avertit le média anglophone.
De telles limitations laissent à l’Ukraine la seule option de se concentrer sur des cibles proches de sa frontière. Mais, avec cette nouvelle décision occidentale, il s’agit toujours d’un changement de politique majeur de la part des principaux alliés de Kiev.
Même avec une portée plus courte – jusqu’à 70 km – des lance-roquettes multiples tels que les HIMARS peuvent perturber considérablement les opérations logistiques et les mouvements des troupes russes, ce qui ralentira à terme tout plan offensif.
Désormais, l’Ukraine peut «frapper les endroits où l’ennemi a concentré ses troupes, ses équipements et ses installations de stockage de fournitures qui sont utilisées pour attaquer l’Ukraine», explique la BBC.
Plus tôt cette semaine, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a raconté que la Russie rassemblait ses troupes à seulement 90 km de Kharkiv pour une nouvelle offensive.
Et, selon le média britannique, l’Institut d’étude de la guerre a analysé les images satellite et a confirmé qu’il y avait «des activités accrues dans les dépôts et entrepôts» dans cette zone. Ainsi, la capacité de cibler ces installations renforcera considérablement la capacité des forces ukrainiennes à repousser de nouvelles attaques dans la région.
Mais, la BBC martèle qu’ «il est toutefois peu probable que la levée de l’interdiction sur les armes occidentales contribue à protéger l’Ukraine des bombes planantes russes connues localement sous le nom de KAB. Elles ont un effet dévastateur et sont régulièrement utilisés pour bombarder Kharkiv et d'autres villes frontalières. Pour mettre fin à de telles attaques, les forces ukrainiennes doivent cibler les avions qui larguent ces KAB mortels».
La seule arme capable d’intercepter ces avions, dont dispose actuellement l’Ukraine, est le système de défense aérienne américain Patriot. Cependant, rapprocher cette arme de Kharkiv représente un risque énorme. Les drones espions peuvent le repérer rapidement et Moscou peut lancer des missiles comme Iskander pour détruire ce système coûteux.
La France et le Royaume-Uni autorisent par l’Ukraine les missiles Storm Shadow ou Scalp. «Il est intéressant de noter que le Royaume-Uni et la France, qui fournissent à l’Ukraine des missiles de croisière à lancement aérien Storm Shadow (ou Scalp comme on les appelle en France), n’ont pas explicitement restreint leur utilisation», note la BBC. Et leur autonomie peut aller jusqu'à 250 km. En fait, le président français, Emmanuel Macron, a tenu à faire savoir la semaine dernière aux journalistes: «Nous devons leur permettre de neutraliser les installations militaires à partir desquelles des missiles sont lancés, les installations militaires à partir desquelles l’Ukraine est attaquée. Sinon, comment expliquer aux Ukrainiens qu’ils doivent se défendre sans pouvoir attaquer les lieux d’où sont lancés ces missiles».
Une telle rhétorique est considérée comme une autorisation d’utiliser les missiles Storm Shadow ou Scalp, a déclaré à la BBC un officier de l’aviation militaire qui préfère rester anonyme. Ainsi, dit-il, l’Ukraine peut désormais frapper les aérodromes des régions de Koursk et de Belgorod qui bordent l’Ukraine.
«Toutefois, ces opérations seront limitées en termes de résultats», stipule la BBC. Les Su-24 ukrainiens équipés de ces missiles de croisière devront se rapprocher de la frontière russe pour pouvoir les lancer, ce qui les rend vulnérables aux systèmes de défense aérienne russes. Les avions F-16 attendus d’ici la fin de cette année sont mieux équipés pour de telles tâches. Mais le président ukrainien admet qu’il n’est toujours pas clair si les partenaires de l’Ukraine autoriseront l’utilisation de ces avions pour attaquer des cibles en Russie.
«Je pense que l'utilisation de n'importe quelle arme, de type occidental, sur le territoire de la Russie est une question de temps», a-t-il encore précisé vendredi lors du sommet nordique de Stockholm.
«Les forces ukrainiennes tentent de développer leurs propres armes pour atteindre des cibles situées à l’arrière de la Russie. Certains de leurs drones ont attaqué des dépôts pétroliers et des installations militaires à des centaines de kilomètres de la frontière», rappellent le média anglophone.
La dernière attaque a eu lieu contre une station radar à longue portée dans la ville d'Orsk, située à 1.800 km de la frontière ukrainienne. Certains observateurs y voient, cependant, le plan de l’OTAN d’attaquer la Russie avec des charges nucléaires car ces radars servent à prémunir le pays d’une attaque avec des missiles nucléaires.
Pierre Duval
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram: https://t.me/observateur_continental