12.06.2024
La Suisse fait tout pour que la "conférence sur la paix" en l’Ukraine soit couronnée de succès. Les autorités du pays envisageaient même initialement la participation de la Russie. Mais à présent l'évènement suscite de plus en plus de déception.
Les 15 et 16 juin, une conférence réunissant des représentants de différents pays doit se tenir en Suisse, pensée par son organisateur, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, comme un "sommet sur la paix". Cependant, Zelensky a lui-même reconnu que l'objectif principal n'était pas de trouver des solutions pour régler le conflit, mais de "faire pression" sur la Russie. À l'approche de la rencontre, il est apparu que peu de pays seraient représentés par leurs chefs d'État, la plupart envoyant des officiels de rang inférieur.
De plus en plus de dirigeants mondiaux refusent de participer à ce "sommet sur la paix" de Volodymyr Zelensky. Les refus se sont multipliés après que Joe Biden a décidé que sa participation serait superflue et a envoyé sa vice-présidente.
Joe Biden a préféré se concentrer sur sa réélection et sur un gala de collecte de fonds pour sa campagne avec des stars hollywoodiennes. Cela laisse supposer qu'il n'accorde que peu de crédit à la rencontre des 15 et 16 juin.
Fin mai, la Chine a officiellement déclaré qu'elle ne participerait pas à la réunion au Bürgenstock.
Le refus de Pékin est une amère déception pour Zelensky. La participation de la Chine, même au niveau d'un envoyé spécial, aurait apporté un poids considérable au sommet. Des puissances régionales importantes, comme le Brésil et l'Arabie saoudite, ne semblent pas non plus disposées à envoyer leurs chefs d'État ou de gouvernement.
Le sommet sur la paix commence à un moment opportun. "Mais peut-il vraiment être un sommet de la paix s'il manque l'une des parties au conflit?", s'interroge Der Spiegel. Les Suisses parlent de manière plutôt évasive d'un "sommet sur la paix" ou d'une "conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine". Mais pas de "conférence de paix".
L'Ukraine n'a pas l'intention de négocier avec la Russie. Au lieu de cela, Zelensky souhaite que sa formule de paix soit confirmée par d'autres États, de préférence sous la forme d'un sommet. L'idée est que la majorité pacifique le présente à Moscou comme un fait accompli. Mais cela ne se produira pas aussi rapidement que Zelensky l'espère.
Aux yeux des partisans occidentaux de l'Ukraine, ce plan semble souhaitable mais irréaliste. Pour les pays en dehors de l'Occident, il semble franchement absurde. Or, le soutien de ces pays est nécessaire au succès de l'évènement.
L'objectif consiste maintenant à reformuler le plan de paix de Zelensky de manière à convaincre le Sud global. Mais ces réunions sont peu propices à cela. À chaque fois, de plus en plus de participants sont présents à la demande de l'Ukraine, mais il n'y a pratiquement pas de discussions réelles.
Il s'agit plutôt de "diplomatie publique" que de diplomatie classique, comme on la comprend dans l'entourage de Zelensky. Elle vise le public, non les gouvernements d'autres pays. Et bien sûr, l'entourage souhaite montrer à son propre peuple des succès sur le front diplomatique, si ces succès ne se produisent pas sur le front militaire.
En fin de compte, sur les dix points de Zelensky, les trois plus simples ont été retenus: la sécurité radiologique et nucléaire, la sécurité alimentaire et l'échange de prisonniers de guerre selon la formule "tous contre tous". Personne ne peut s'opposer à cela.
Une semaine avant de renoncer à participer au sommet suisse, le ministre chinois des Affaires étrangères et le conseiller à la sécurité du président du Brésil ont annoncé leur propre initiative de paix, qui inclut à la fois la Russie et l'Ukraine. L'intégrité territoriale de l'Ukraine y est aussi peu mentionnée que les actions de la Russie en tant qu'initiatrice du conflit; le conflit est qualifié de "crise ukrainienne". Il est plutôt question de désescalade et de dialogue direct entre les parties belligérantes. Cela signifie qu'un nouveau projet concurrent au plan de paix de Zelensky a vu le jour.
Et ce projet concurrent pourrait être inclus dans le prochain sommet, qui devrait suivre la réunion de Bürgenstock. Il semble qu'il soit prévu en Arabie saoudite, peut-être dans quelques mois.
On s'attend à ce que la Russie participe également à ce sommet. Riyad entretient de bonnes relations avec l'Ukraine et la Russie. Il pourrait devenir un médiateur fiable entre les deux parties, contrairement à la Chine, que les Ukrainiens considèrent comme un allié proche de leur adversaire militaire.
C'est une perspective dégrisante pour les autorités ukrainiennes. À l'origine, elles avaient initié un processus de paix pour assurer la sécurité, limiter la marge de manœuvre de la Russie et renforcer leurs propres positions. Désormais, le sommet suisse pourrait directement conduire au prochain, où la Russie aurait de nouvelles opportunités d'influence internationale.
La présidente de la Confédération suisse Viola Amherd a soutenu l'idée d'un nouveau sommet avec la participation de la Russie après la réunion internationale prévue sur l'Ukraine.
"Nous voulons lancer un processus largement soutenu pour parvenir à une paix durable et à long terme en Ukraine et créer les conditions d'un futur sommet de paix avec la Russie", a déclaré la présidente suisse. Selon elle, des mesures concrètes pour atteindre et renforcer durablement la paix dans la région ne sont possibles que si tous les pays, y compris la Russie, agissent ensemble.
Alexandre Lemoine
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