En septembre, pour la première fois en 70 ans, les Etats-Unis ont exporté plus de pétrole qu'ils n'en ont emporté. Et un peu plus tard, en novembre, la production totale de pétrole brut a atteint 12,8 millions de barils par jour, ce qui dépasse les indicateurs de l'Arabie saoudite et de la Russie. Tout cela résulte de la "révolution de schiste" qui a insufflé une nouvelle vie dans le secteur pétrolier et gazier, et a soulevé une vague d'activité économique dans les régions de production, notamment au Texas et dans le Dakota du Nord.
Un nouveau sous-secteur a rapidement émergé avec un grand nombre d'emplois bien rémunérés, et pas seulement dans le secteur pétrolier et gazier, mais aussi dans les sphères technologiques, dont le matériel et les logiciels informatiques, la production d'équipements lourds, le transport, les matériaux, la construction – des gazoducs aux résidences sur les champs pétroliers et gaziers. L'activité de schiste a alimenté une grande partie de l'industrie américaine en matière première relativement bon marché, en devenant l'une des raisons de la croissance économique.
Le développement de la production de schiste a causé un grand impact non seulement sur l'Amérique, mais également sur le monde entier. Le prix du baril a chuté de plus de 100 dollars à 50-60 dollars actuellement. Le tarif du gaz a été divisé par plus de deux et continuer de chuter car ses exportations en provenance des Etats-Unis augmentent chaque année en creusant l'excès de l'offre.
Mais à présent la situation commence à changer. Avant tout c'est le secteur en soi qui se détériore. Un flux monétaire négatif (quand les revenus de la vente de pétrole ou de gaz sont inférieurs aux dépenses pour la production) y était constaté même en période de cours pétrolier relativement élevé. Et ces dernières années, quand les prix sont bas, les compagnies de schiste ont accumulé beaucoup de dettes qui ne cessent de grandir. Selon une récente étude de l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis (USA), sur 38 compagnies pétrolières publiques, en neuf mois de 2019, leur flux de trésorerie négatif total a atteint 1,26 milliard de dollars. Ces résultats indiquent que les compagnies de schiste ont besoin de tarifs plus élevés de gaz et de pétrole pour redresser leur situation financière. De plus, bien que la hausse de l'efficacité de la production grâce aux nouvelles technologies ait permis de diviser par 2,5 le coût de production, les meilleures zones sont déjà exploitées, ce qui signifie une hausse des dépenses à terme.
C'est pourquoi, d'après le quotidien Wall Street Journal, à terme la situation de dette défavorable se maintiendra. Selon ses experts, en 2020-2022 la somme des dettes des producteurs de schiste passera de 9 milliards de dollars à 137 milliards de dollars, et nombre de compagnies pourraient faire faillite. Comme le confirme l'augmentation du nombre de dépôts de bilan de compagnies de forage gazières et pétrolières. D'après la société Haynes and Boone, rien qu'au cours des neuf premiers mois de 2019, 32 foreurs pétroliers et gaziers ont déposé le bilan, et leur nombre dépasse 200 depuis 2015. Les petites compagnies, mais aussi les leaders du secteur sont dans une situation financière difficile. Le 5 novembre, c'est le vétéran du secteur, Chesapeake Energy, qui a averti de son éventuelle faillite. Sa dette a atteint 10 milliards de dollars.
Les investisseurs qui croyaient aux perspectives radieuses du secteur sont de plus en plus confrontés à la réalité – leur argent a été jeté par les fenêtres. Et ces exemples se multiplient. Résultat des courses – Wall Street croit de moins en moins aux perspectives du secteur de schiste. Les investisseurs se mettent à exiger une hausse des taux d'intérêt. Ainsi, le premier cycle des négociations entre les producteurs de schiste et les créanciers promet d'être difficile.
Au final, n'ayant pas la possibilité de faire appel aux prêts "bon marché", les producteurs de schiste américains ont été privés de la possibilité d'accroître les forages de nouveaux puits afin de compenser la baisse de la production sur les gisements actifs. Selon les statistiques publiées le 22 novembre par la société Baker Hughes, le nombre de plate-formes pétrolières actives a chuté de 24% par rapport au pic de 2018.
Tout cela indique que l'étape de hausse rapide de la production de pétrole de schiste touche à sa fin. Le secteur entre en phase de maturité où les plus grandes compagnies pétrolières seront des locomotives dorénavant. L'efficacité de la production augmentera grâce aux nouvelles technologies, à la consolidation de la propriété, à l'automatisation du forage et à la rationalisation des chaînes d'acheminement. Et les nouveaux propriétaires n'admettront plus la surproduction en maintenant les tarifs au niveau optimal.