Quand il a été annoncé que les pourparlers de six heures à l'hôtel Biltmore de Tbilissi entre les représentants du parti au pouvoir Rêve géorgien et les partis d'opposition n'avaient donné aucun résultat, il est devenu clair que la situation changeait radicalement dans le pays.
Nombre d'experts supposaient plus tôt qu'afin de trouver un compromis le Rêve géorgien entrerait lui-même en contact avec les représentants des forces de l'opposition. Mais ce ne fut pas le cas. Les principaux modérateurs des pourparlers entre le pouvoir et l'opposition étaient les représentants du corps diplomatique occidental accrédités en Géorgie, notamment l'ambassadeur de l'UE Carl Hartzell et la chargée d'affaires américaine Elizabeth Rood. Ils organisaient des rencontres et des consultations aussi bien avec les représentants du Rêve géorgien qu'avec les leaders des partis d'opposition, et ont réussi à persuader les deux camps à entamer les négociations. Mais pourquoi le parti au pouvoir a-t-il accepté tout en sachant que l'opposition a l'intention de l'écarter du pouvoir par le biais d'une réforme parlementaire? Il n'existe qu'une seule explication. Selon le rédacteur en chef de Gruzinform, Arno Khidirbeguichvili, le mouvement de protestation à Tbilissi, qui a commencé le 14 novembre, après le refus du parlement d'adopter un projet de loi sur le passage du système mixte des législatives au système proportionnel, a commencé à s'essouffler.
"Pendant toute la durée des manifestations nous avons vu 22 partis, ils n'ont pas réussi à réunir plus de 1.500 personnes, dans tout le pays ils sont 5.000 tout au plus, a déclaré Arno Khidirbeguichvili. Cette vague a déjà commencé à s'essouffler… Ils n'ont pas la capacité de soulever une large couche sociale, l'électorat." Par conséquent, l'équipe de Bidzina Ivanichvili a remporté trois victoires tactiques. Première: elle a stoppé la vague estivale des manifestations qui ont éclatées sous des slogans antirusses, en promettant une réforme parlementaire. Deuxième: elle a remis la situation à zéro en refusant de passer au système proportionnel. Troisième: elle a montré que le corps diplomatique occidental, assumant le rôle de médiateur dans le dialogue entre le pouvoir et l'opposition, ne sauvait pas la face du pouvoir, mais de l'opposition. Quant à cette dernière, elle a commis une grave erreur tactique. Au lieu de se battre successivement pour la concession faite par le Rêve géorgien, quand les mandats de député devaient être répartis entre les partis politiques et les blocs électoraux ayant reçu moins de 3% des voix aux élections, l'opposition a proposé un "modèle allemand" peu compréhensible pour les citoyens du pays, qui, d'ailleurs, n'est pas conforme à la Constitution géorgienne.
Pour le mettre en conformité il est nécessaire de voter des amendements à la Constitution du pays, ce qui est impossible dans la situation actuelle avant les législatives prévues pour 2020. Sachant que le succès serait garanti seulement en cas de victoire des forces d'opposition. De son côté, le secrétaire général du Rêve géorgien, Kakha Kaladze, a annoncé qu'en 2020 serait organisé en parallèle un référendum sur l'éventuel abandon du système proportionnel et le passage au système majoritaire des législatives. Puis, il a été annoncé que le dialogue entre le pouvoir et l'opposition se poursuivrait. C'est salué par le corps diplomatique occidental. Dans cette situation, l'éventuelle poursuite des manifestations est bénéfique aussi bien pour le pouvoir que pour l'opposition. Le pouvoir pourra toujours accuser l'opposition de volonté de déstabiliser la situation politique, alors que l'opposition cherchera à utiliser les protestations pour faire pression sur le pouvoir. Et qui sait, après quel cycle de négociations et quand le pouvoir et l'opposition, ou peut-être séparément, annonceront que le débat sur la réforme du système électoral est terminé, et tout le monde entrera dans le cycle des législatives.
Et il n'est pas prouvé que le Rêve géorgien les perde, s'il parvenait à se positionner en tant que force de stabilisation. Ce qui serait alors une quatrième victoire de Bidzina Ivanichvili, qui conservera son image de défenseur d'une certaine forme de démocratie qui ne convient pas à d'autres forces politiques.