Lire la première partie de l'entretien ici
Pour les lecteurs d'Observateur Continental, le Général (2S) Dominique Delawarde, ancien chef «Situation-Renseignement-Guerre électronique 19» à l’état-major interarmées de planification opérationnelle, expert de la guerre cybernétique, décortique sans concession les neuf articles de la déclaration finale de Londres parue sur le site de l'Otan.
à lire pour bien saisir l'analyse: https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_171584.htm?selectedLocale=fr
Etes-vous d'accord avec l'affirmation dans l'article 4: «L'Otan est une alliance défensive et ne représente une menace pour aucun pays»?
Il faudrait demander l'avis des pays bombardés depuis 25 ans.
L'Alliance n'agit pas de «manière mesurée et responsable» vis à vis de la Russie: extension à l'Est est en contradiction avec les promesses otaniennes de 1990, coup d'Etat en Ukraine, retrait unilatéral US du traité FNI (comme d'autres traités, dont celui du nucléaire iranien). Prétendre lutter contre le terrorisme dont plusieurs composantes sont financées par les Occidentaux ou certains de leurs alliés arabes, c'est à mourir de rire. Les Atlantistes nous prennent pour des cons.
Quelle est votre réaction quand vous lisez dans l'article 5 que l'Otan c'est «accroître la sécurité pour tous, approfondir le dialogue politique ou accroître la coopération avec l'ONU»?
L'Otan provoque les chaos, les crises migratoires, la montée du terrorisme et de la haine anti-occidentale qui affectent l'Europe. On ne largue pas impunément 1 million de bombes en 25 ans sur des pays qui n'ont agressé aucun des membres de l'Alliance. Pensons aux 5 000 soldats de 11 pays membres de l'Otan qui sont morts pour rien en Irak, dans une guerre déclenchée sur un mensonge en 2003. Honorons la mémoire des victimes de l'agression US, appuyé par 10 états membres européens de l'Otan qui ont accepté d'y participer.
A quoi fait référence l'Otan dans l'article 6 en parlant de «la résilience de nos sociétés», «de notre sécurité énergétique», «de la nécessité de recourir à des systèmes sécurisés et résilients?
On retrouve les obsessions US du moment: «Accroître la résilience de notre sécurité énergétique» = «opposition de l'OTAN au gazoduc Nord Stream 2 au détriment des méchants russes et au profit du gentil marché gazier états-unien». «Sécurité des communications, y compris la 5G» = «rejeter les technologies chinoise d'Huaweï, au détriment des Chinois et au profit des technologies US»: à noter que les USA espionnent depuis longtemps les communications de nos dirigeants politiques et économiques tout en accusant les Chinois d'avoir «l'intention» d'espionner les membres de l'Alliance» avec leur système 5G.
«La Chine présente des défis auxquels nous devons répondre ensemble».Voilà donc l'Otan sur la voie d'être embarquée dans une confrontation avec la Chine au seul profit des USA .
Que faut-il comprendre dans l'article 7 par «renforcer encore la dimension politique de l'OTAN»?
La stratégie décennale de l'Otan se réactualise et «l'expertise pertinente» sera celle des néoconservateurs US et européens, comme depuis 1991. Cet article 7 est clair: «renforcer la dimension politique de l'Otan». D'une Alliance «militaire défensive» en 1949, l'Otan est devenue plus politique et plus offensive, depuis la fin de la guerre froide pour des intérêts souvent économiques.
Pourquoi l'article 8 n'est pas anodin selon vous?
Parcequ'il repousse la réactualisation du concept stratégique de 2020 à 2021. L'imprévisibilité de Trump fait peur aux européens qui espèrent qu'il ne sera pas réélu et qu'un autre président remettra sur les rails une OTAN en crise.
Est-il sérieux d'écrire dans l'article 9 que l'Otan apporte plus de sécurité aux populations de ses Etats membres?
L'Otan suscite trop de haine et de chaos sur la planète depuis 1991 pour être un facteur de sécurité pour l'Europe et cela depuis la fin de la guerre froide. La charte de l'Atlantique Nord ne dit pas que l'Otan est un outil au service de l'hégémonie US. La dissolution de l'Otan ou, au moins, le retrait de la France de cette organisation seraient donc, aujourd'hui, la moins mauvaise solution, sauf si l'Otan revenait aux fondamentaux d'une Alliance défensive appliquée aux seuls territoires de ses Etats membres et qu'elle cesse de s'inventer de nouvelles menaces qui sont autant de faux prétextes pour justifier des guerres d'ingérence pour maintenir l'hégémonie occidentale sur la planète.
Quelle conclusion pouvez-vous nous donner?
L'Otan n'est pas qu'«en état de mort cérébrale». La solidarité survivra t-elle à la crise économique mondiale annoncée par tous les experts et au bouleversement inévitable de la hiérarchie des puissances qui suivra ? C'est peu probable. La prospérité de l'Occident et le financement de ses forces armées reposent aujourd'hui sur un océan de dettes.
Le futur appartiendra à ceux qui anticipent et agissent. Il faut une vision à long terme pour conduire la politique étrangère. La Russie, la Chine et l'Inde l'ont compris depuis longtemps.