Jamais auparavant dans le conflit qui dure depuis huit ans, il n'a été possible d'engager tous les acteurs étrangers dans des accords obtenus dimanche à Berlin.
La France et l'Italie ont échoué à Paris et Palerme en 2018. Avant de convoquer le sommet, la diplomatie allemande a engagé les participants à une déclaration en 55 points lors de cinq cycles de négociations. Les participants au sommet se sont mis d'accord sur un armistice et un embargo sur les armes. Quiconque contrevient à cela devrait être sanctionné par les Nations Unies. Selon la diplomatie allemande, c'est un succès car «il n'y a aucune chance de trouver une solution militaire». Pour d'autres, cela repose sur du sable.
Merkel se tenait sur le tapis rouge devant la cour d'honneur de la chancellerie avec le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, comme dans un signe donné au monde que l'Allemagne doit bien finalement gagner sa place officielle à l'Onu, comme elle le souhaite puisque c'est elle - selon les média allemands - qui aurait permis de réunir les acteurs de la question libyenne autour de la table des négociations même si le maréchal Khalifa Haftar et le chef du GNA Fayez al-Sarraj ne se sont pas rencontrés et n'étaient pas présents ensemble à cette table située dans la Chancellerie fédérale. Le but de la conférence était de stabiliser la scène du crime. «Je pense que l'on peut dire que cette conférence de Berlin en Libye a apporté une contribution importante au soutien des efforts de paix des Nations Unies», a déclaré Angela Merkel à la fin de la rencontre. C'est sous la surveillance de Mike Pompeo, le secrétaire d'État des États-Unis, que, selon la presse allemande, la réunion a eu lieu car «les Européens, dont l'Allemagne, ne devaient pas se faire avoir par la Russie et la Turquie» ce qui démontre bien que l'accord obtenu tient sur du sable.
La Chine, la France, la Russie, la Grande-Bretagne, les États-Unis en tant que cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Italie, le Congo, la Turquie et l'Algérie étaient à la rencontre du «Processus de Berlin» plus la Ligue arabe, l'Union européenne et l'Union africaine. Les participants ont donné leur accord pour stopper l'ingérence étrangère dans les luttes internes libyennes afin que les armes et les fournitures de mercenaires soient coupées et que le mécanisme de stabilisation ait une chance.
Toutes les parties concernées ont leurs propres intérêts à cœur en Libye. Selon Andreas Dittmann, professeur de géographie et chercheur sur le développement à l'Université de Giessen, cité par la Deutsche Welle, «le GNA peut difficilement contrôler ses troupes alliées» et «bien que le GNA soit reconnu par la plupart des pays et les Nations Unies, il n'a pas été élu par les Libyens» puis ce dernier nous met en garde sur le fait qu' «une guerre européenne par procuration a également lieu en Libye» car, par exemple, la France et l'Italie se disputent les exportations de pétrole libyen https://allafrica.com/stories/202001150601.html . A cela s'ajoute les intérêts de la Russie, de la Turquie, des Etats-Unis ou de l'Allemagne sans parler du fait que la Tunisie https://www.businessnews.com.tn/les-europeens-surpris-par-le-refus-de-la-tunisie-dassister-a-la-conference-de-berlin,520,94531,3?fbclid=IwAR2oxHoklKVYTDzXztcoorATrSgcmmDjzJOSFQ8M9JG4HSaFXkP2L6iaaW4 ou l'Iran n'étaient pas à la rencontre de Berlin. L'Algérie a reçu, comme la Tunisie, l'invitation officielle que deux jours avant ce qui montre à quel point Berlin déconsidère ces deux pays.
Pour le Junge Freiheit, les Européens ont raté le train: «Les discussions menées par Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, sur une force de l'UE pour superviser un cessez-le-feu et un embargo sur les armes sont les illusions habituelles et exagérées des technocrates qui travaillent dans les palais de verre de Bruxelles et de New York» https://jungefreiheit.de/debatte/kommentar/2020/diplomatie-und-gefechtsfeld/ . Angela Merkel a d'ailleurs déclaré à la fin de la rencontre https://www.bundeskanzlerin.de/bkin-de/aktuelles/pressekonferenz-zum-abschluss-der-berliner-libyen-konferenz-1713884 : «Nous savons que, bien sûr, nous n'avons pas été en mesure de résoudre tous les problèmes en Libye aujourd'hui, ce n'est qu'un nouvel élan». Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a annoncé la tenue d'une prochaine conférence sur la Libye en début du mois de février.
Olivier Renault