Lors de sa récente tournée africaine, le secrétaire d’Etat US Mike Pompeo s’est permis à donner des leçons à l’Afrique du Sud. Notamment sur la question de l’expropriation foncière sans compensation.
C’est ce que rapporte l’agence de presse étasunienne Bloomberg
Selon lui, « l’expropriation foncière sans compensation envisagée par le gouvernement serait catastrophique pour l’économie et plus encore pour le peuple sud-africain », provoquant une vague de colère au sein de la population de la puissance africaine. Sans rentrer dans ce débat – qui concerne une question interne de la République d’Afrique du Sud, Pompeo a vraisemblablement oublié quelques vérités.
S’il est vrai que la question de répartition des terres agraires reste un problème sérieux en Afrique du Sud, c’est au leadership et aux citoyens du pays concerné d’en décider, et certainement pas à Washington. D’autant plus qu’en termes de démocratie, Pretoria aurait bien plus à apprendre aux USA, que le contraire. Il faudrait aussi savoir que les problèmes existants en Afrique du Sud, notamment le taux de criminalité assez élevé, concernent les citoyens sud-africains de façon générale, et non pas un groupe ethnique en particulier. C’est le premier point. Et là aussi lorsqu’on connait l’énorme taux de criminalité en terre étasunienne, le cowboy ambulant ferait bien mieux à commencer de balayer devant sa porte.
Quant à la question pratique de la redistribution des terres – un sujet qui fait polémiquer la nation arc-en-ciel depuis de longues années, il serait probablement bon de rappeler un chiffre : 72% des fermes et exploitations agricoles en Afrique du Sud sont détenues par des fermiers blancs. Pour rappel, les Blancs d’Afrique du Sud représentant 9-10% de la population. Connaissant le haut professionnalisme de ces personnes dans le domaine qui les concerne, mais connaissant aussi de quelle façon ces terres ont été bien souvent obtenues, il est tout à fait normal que le leadership sud-africain cherche une solution qui pourrait satisfaire une majorité de citoyens. En démocratie réelle, c’est la majorité qui décide. Et dans un pays souverain, c’est à l’intérieur que sont prises les décisions, et non pas dans les capitales occidentales.
Mais de façon honnête, est-ce réellement le sort des fermiers blancs et la situation économique sud-africaine (par ailleurs loin d’être morose) qui inquiètent tellement l’establishment étasunien ? Il est à croire que non. Mais bel et bien la politique indépendante, souveraine et pro-multipolaire de Pretoria. Et ce sur de bien nombreux dossiers internationaux. A commencer par les critiques sud-africaines visant Washington d’interférer dans les affaires intérieures d’Etats souverains, y compris dans le cadre d’interventions militaires. Ajoutez à cela le soutien constant à la Palestine, la condamnation de l’assassinat par les USA du général iranien Qassem Soleimani, le soutien ferme au Venezuela et à son gouvernement légitime, l’appartenance et un rôle actif au sein des BRICS, coordination politico-diplomatique importante avec Pékin et Moscou – notamment au niveau onusien, et enfin une coordination militaire et sécuritaire de plus en plus poussée avec les deux derniers.
Le problème est donc avant tout géopolitique. Connaissant le poids de l’Afrique du Sud sur le continent africain, aussi bien sur le plan économique que politique – au moment même où le leader du pays Cyril Ramaphosa ait été élu président de l’Union africaine (UA), il est évident que la puissance africaine et souveraine, assumant pleinement son soutien au monde multipolaire, déplait fortement aux élites washingtoniennes.
Et en passant, lorsqu’on connait aussi le long soutien obscur des USA, et notamment des structures telles que la CIA au régime d’apartheid, la meilleure chose que Pompeo & Co. devrait faire, c’est de se taire. Et se focaliser sur les problèmes intérieurs US – qui ne manquent guère. Le monde ne se porterait que bien mieux.
Mikhail Gamandiy-Egorov