Le Forum de dialogue politique libyen, qui s'est déroulé en Tunisie sous l'égide de l'Onu, a été subitement interrompu. Parmi les exploits, il a été décidé d'organiser des élections fin 2021. Par ailleurs, dès à présent des doutes sont exprimées que les politiques libyens auront le temps pour s'y préparer. Mais surtout: peu de Libyens font confiance aux délégués du forum et sont prêts à reconnaître leurs décisions.
Le premier cycle du Forum de dialogue politique libyen a été subitement interrompu dimanche soir sans explications. Il était initialement prévu que le premier cycle du dialogue dans la banlieue de la capitale tunisienne, à Gammarth, dure une semaine, mais il a été ensuite annoncé que son travail serait prolongé jusqu'au 20 novembre. Mais soudainement tout s'est terminé bien plus tôt que prévu. Toutefois, la représentante spéciale par intérim du secrétaire général de l'Onu pour la Libye Stephanie Williams a promis que le dialogue serait poursuivi dans une semaine, mais en visioconférence. Selon cette dernière, un "extrêmement bon" progrès se profile dans les négociations: 75 délégués du forum ont réussi à s'entendre sur l'organisation des élections nationales le 24 décembre 2021, ainsi que sur les démarches qui précéderont cet événement.
Parmi les principaux problèmes non réglés – la constitution de l'administration de transition qui doit gouverner le pays jusqu'aux élections.
Il s'agit aussi bien du conseil présidentiel que du gouvernement provisoire. Le conseil doit se composer d'un dirigeant et de deux assistants qui représentent les trois régions de la Libye (la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan). Le chef du gouvernement et ses deux adjoints doivent également représenter les différentes régions. Et bien que Stephanie Williams ait affirmé que la discussion sur les noms n'a pas encore commencé, les médias accrédités au forum ont rapporté sur son travail a été interrompu précisément à cause des débats à ce sujet.
Selon la chaîne qatarie Al Jazeera, les délégués n'ont même pas réussi à s'entendre sur les principes de nomination au conseil présidentiel, sans parler des candidats potentiels. En même temps, des sources d'Al Arabiya affirment que les participants se sont entendus sur la répartition des nouvelles fonctions. En particulier, les représentants de la Tripolitaine ont renoncé au poste de président du conseil présidentiel au profit de la Cyrénaïque à condition d'obtenir le poste de premier ministre.
Sur fond de communiqués aussi contradictoires, les réseaux sociaux et les médias libyens parlent de tentatives de soudoyer des délégués de la part des représentants de différents politiques libyens afin de les inclure dans la "liste dirigeante".
De plus, se poursuivent des débats pour savoir en conformité avec quelle Constitution les élections se dérouleront. Certains appellent le Conseil suprême à adopter une Constitution avant les élections. Un référendum sur la Constitution serait même envisageable en février déjà. Très probablement les délégués du forum recevront une solution toute prête. Toutefois, toutes les dernières tentatives d'élaborer une nouvelle Constitution libyenne dans les délais impartis pour cela échouaient. Ce qui suscite des doutes quant à l'éventualité d'organiser des élections en décembre.
Une autre question complexe concerne le retrait des forces étrangères et des mercenaires de Libye. Il est question de militaires turcs et de mercenaires syriens qui combattent aussi bien du côté de Tripoli que de l'Est de la Libye.
Le point concernant le retrait des mercenaires est fixé dans l'accord de cessez-le-feu adopté fin octobre à Genève par le comité militaire "5+5", dont font partie les représentants des deux camps en conflit. Mais cela ne signifie pas que les deux belligérants sont prêts à l'appliquer. D'autant que bien des choses dépendent non pas d'eux, mais des pays-mécènes. Leur position peut considérablement compliquer le processus de constitution du gouvernement.
"L'une des difficultés dans la constitution du gouvernement d'union nationale commun reconnu par toute la Libye est liée au choix du ministre de la Défense. Même avec l'apparition d'un chef des armées de la Libye, les bases permanentes russes et turques et des officiers émiratis resteraient sur place", a écrit sur Twitter Jalel Harchaoui, chercheur à l'Institut des relations internationales de Clingendael aux Pays-Bas.
C'est pourquoi, pour le moment, l'Onu travaille sur les aspects qui peuvent être réglés sans débats enflammés. Immédiatement après le forum Stephanie Williams est partie dans la ville libyenne de Brega afin d'évoquer avec les représentants des deux belligérants l'unification de la protection des sites pétroliers, ce qui est également mentionné dans l'accord de cessez-le-feu.
Alexandre Lemoine
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