Le Figaro s'intéresse à l’historien Ludovic Tournès en présentant une analyse sur la mondialisation du rêve américain et ses limites. Le média français estime que l’américanisation des esprits s’épuise mais se demande quel pays peut succéder aux Etats-Unis dans ce rôle. Le livre de l'historien est un compte rendu de l'américanisation du monde qui commence au 18e siècle, culmine dans les années 1950 pour se trouver en déclin depuis les années 1990.
Dans son livre Américanisation, paru en septembre dernier, Ludovic Tournès retrace ce qui a construit l'image des Etats-Unis. On passe du cinéma à l’exportation de la démocratie, par la consommation de masse ou la peinture abstraite, bref par des éléments qui ont participé à la réalisation du processus d’américanisation sur le globe. En examinant son évolution et ses transformations, mais aussi ses limites, aux Etats-Unis comme ailleurs, depuis plus de deux siècles, l'historien renouvelle notre compréhension d’un phénomène bien plus complexe qu’il n’y paraît en particulier dans le contexte des élections américaines actuelles. La question est de savoir si le monde est encore sous l'emprise puissante de ce pays?
La réponse est de fait donnée par Le Figaro qui, en titrant «La très lente désaméricanisation du monde», annonce la fin de cette hégémonie américaine sur le globe tout en s'appuyant sur l'analyse du chercheur. Si Ludovic Tournès explique que même si l'image américaine se trouve sur un terrain de basket-ball dans la jungle des Philippines, avec une statue de la liberté à Taïpei, des camions livrant du Coca-Cola dans les rues de Lahore, un campus Rockefeller à l’université de Lyon, avec, par exemple, un McDonald’s à Alexandrie, le rayonnement des Etats-Unis est sur le déclin. Il livre les clés pour comprendre le destin singulier d’un pays qui a tenté – et partiellement réussi – de prendre possession du monde mais cependant, la fin de cette domination planétaire semble arriver à sa fin car nés au XVIIIe siècle, et ayant connu un développement extraordinairement rapide, les Etats-Unis, qui sont sans doute le premier pays, dans l’histoire contemporaine, à avoir eu à la fois l’ambition et les moyens de rayonner à l’échelle de la planète et de la reconfigurer, tant sur le plan économique que politique ou culturel, semblent finalement connaître sa propre chute.
L’expert de la question américaine pense que depuis la chute du mur de Berlin, nous sommes entrés dans un long cycle de «désindexation» de l'Amérique avec le reste du monde et que l'expression «hyperpuissance» était trompeuse. Depuis lors, le processus inverse a tranquillement commencé. Les esprits ont commencé à se libérer progressivement du charme d'un empire qui prenait de moins en moins en compte les opinions des autres pays du globe.
Dernièrement, la mort de la promesse d'une mobilité sociale sans fin, les singeries du système politique en particulier avec les élections américaines récentes et la réticence à prendre les questions climatiques au sérieux sont devenues des facteurs clés du «divorce» mondial et de l'affaiblissement du rêve américain. L'incompatibilité de la croissance économique «verte» avec le mode de vie américain, qui, comme l'a dit Bush père, étant «hors de question», est sans aucun doute devenue l'un des défis non résolus de l'Amérique. Et, comme l'ont montré les votes pour Donald Trump, la volonté des Etats-Unis ne montrent pas qu'il sera bientôt résolu. De plus, cet empire mourant a pris conscience de l'effet du boomerang de la mondialisation sur leurs intérêts.
Le professeur d’histoire à l’université de Genève nous fait comprendre que l'américanisation reflète l'essence de l'identité américaine et que si elle a affecté principalement son peuple, elle n’a remporté un tel succès dans le monde que parce qu’elle est devenue une question de politique intérieure essentielle et que c'est par le biais d'une «américanisation forcée» que le programme de l'image des Etats-Unis sur son sol ou à travers le monde s'est construite. Car comment créer un pays avec une population d'immigrants hétéroclites sans «américanisation forcée»? Les campagnes éducatives et de propagande, qui ont commencé à la fin du XIXe siècle, ont utilisé tous les moyens disponibles (presse, peinture, illustration, éducation, radio et cinéma) pour diffuser un tel signal proaméricain, qui est aujourd'hui en train de tomber en disgrâce.
Pierre Duval
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