Le Moyen-Orient est bouleversé par un scoop – le dirigeant israélien s'est rendu en visite secrète chez le prince héritier de l'Arabie saoudite. Il se pourrait que l'Etat hébreu et ce pays leader du monde musulman établissent prochainement des relations diplomatiques, mettant un terme à 75 ans d'hostilités. Les deux pays se sont manifestement rapprochés sur fond de haine commune envers l'Iran. Toutefois, le rôle de principal pacificateur revient à Joe Biden, et ce malgré lui.
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s'est secrètement rendu ce weekend en Arabie saoudite, où il a rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane d'Arabie saoudite et le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo. Ce scoop a été rapporté lundi par la radio publique israélienne Kan.
Ce voyage était tenu au secret, mais si cette information se confirmait, écrit The Guardian, "ce serait une rencontre extrêmement rare au sommet entre deux ennemis de longue date". Le quotidien The Jerusalem Post rapporte que la rencontre secrète a eu lieu à Neom, une nouvelle ville au bord de la mer Rouge, appelée à montrer le progrès technologique du royaume saoudien.
Toutefois, le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhan al Saoud a démenti l'information concernant la visite secrète. "J'ai vu les communiqués dans la presse concernant la rencontre de Sa Majesté prince héritier avec des représentants officiels israéliens lors de la récente visite du secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo. Il n'y a pas eu de telle rencontre. Les seuls représentants présents étaient du royaume et des Etats-Unis", a-t-il écrit sur Twitter.
Mais la déclaration du ministre n'explique pas pourquoi un avion privé s'est rendu d'Israël à Neom, au moment précis où s'y trouvaient le prince héritier et Mike Pompeo. Selon le site FlightRadar24.com, l'avion Gulfstream IV a décollé de Ben Gourion dimanche soir et survolait d'abord l'Est du Sinaï, après quoi il a mis le cap sur l'Arabie. La BBC écrit qu'il a atterri à Neom à environ 18:30 pour y rester jusqu'à 21:50. Les médias israéliens ajoutent que l'avion appartient à l'homme d'affaires Udi Angel et que Benjamin Netanyahou s'était déjà rendu à son bord dans d'autres pays.
L'ex-diplomate et ancien conseiller du ministre israélien de la Sécurité intérieure Alex Wexler ne croit pas non plus le ministre saoudien des Affaires étrangères. "Cette visite a bien eu lieu. C'est un avion spécial enregistré à San Remo, sa trajectoire et ses atterrissages sont enregistrés, c'est facile à confirmer ne serait-ce que grâce aux documents américains enregistrés. Et Netanyahou lui-même ne l'a pas nié quand on lui a directement posé la question concernant son voyage au parlement", a-t-il expliqué.
"A ce que je sache, notre premier ministre était accompagné par le chef du Mossad Yossi Cohen. Or je pense que Cohen se rend déjà assez souvent en Arabie saoudite. Le démenti du ministère des Affaires étrangères s'explique précisément par l'entente entre les parties de ne pas divulguer cette visite. Riyad est prudent, d'autant que la ligne du prince héritier concernant un rapprochement avec Israël ne coïncide pas vraiment avec celle de son père et de sa famille", ajoute Alex Wexler.
Il est évident qu'à Neom ils ont parlé de la lutte commune contre le programme nucléaire iranien, affirme l'expert: "La principale raison de la rencontre a été la consolidation des positions d'Israël, de l'Arabie saoudite et de l'administration américaine actuelle contre le rétablissement par Joe Biden de l'accord nucléaire avec l'Iran. De plus, la rencontre de Netanyahou avec ben Salmane a rapproché d'un pas de plus les pays de l'établissement des relations diplomatiques officielles avant la fin même du mandat de Donald Trump."
Zvi Magen, collaborateur de l'Institut de recherche sur la sécurité nationale auprès de l'université de Tel Aviv, ancien ambassadeur d'Israël à Moscou et ancien responsable du service Nativ, trouve plausible l'information concernant la visite secrète de Benjamin Netanyahou, mais il appelle à ne pas l'associer au changement de pouvoir présumé à Washington, "qui plus est à la préparation d'opérations militaires" contre Téhéran.
Zvi Magen n'exclut pas que les autorités ont elles-mêmes provoqué cette fuite d'information concernant la visite du premier ministre israélien, or si c'est le cas, le jour où Tel Aviv et Riyad établiront des relations diplomatiques officielles n'est plus très loin.
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Ellesn'engagentquelaresponsabilité desauteurs