Pour l'instant, une guerre d'envergure entre l'Otan et la Russie reste peu plausible, même si elle ne semble plus aussi impensable aux experts et militaires occidentaux. L'une des orientations de l'analyse des experts de l'Otan consiste à comprendre comment il est possible de franchir la défense antimissile (ABM) russe.
"Plus plausible, bien qu'encore improbable, serait un conflit armé géographiquement limité impliquant des forces armées conventionnelles", écrit le Groupe de défense et d'analyse militaire de l'Institut international d'études stratégiques (IISS), en estimant qu'en cas de conflit non nucléaire on ignore si "l'Otan dispose du potentiel suffisant pour faire face immédiatement et efficacement à l'ABM au sol (GBAD)".
"L'armée de l'air européenne n'aura pas besoin d'attaquer sur tout le périmètre. Au lieu de cela il serait suffisant de réprimer la défense pour percer une brèche dans la défense à travers les points relativement peu défendus", indiquent les experts.
Selon ces derniers, cela permettrait à l'aviation d'agir relativement en sécurité pour poursuivre l'offensive et attaquer d'autres cibles, ce qui "implique évidemment l'élimination de toute menace émanant de la Russie dans les airs".
Sachant que les forces de l'Otan en Europe disposent d'environ 1.600 avions, dont seulement 59 SEAD/DEAD – des avions spécialisés dans la répression et l'élimination de l'ABM. Il s'agit notamment de 35 Tornado ECR utilisés par l'aviation allemande et italienne, ainsi que de 24 F16-CJ déployés par l'aviation américaine et allemande.
"Mais ce nombre n'inclut pas les avions américains qui pourraient être déployés en période de tension accrue ou d'activités militaires […] Les actifs sont-ils suffisants?", s'interroge l'IISS.
Les spécialistes expliquent que pendant l'opération Tempête du désert en 1991 la coalition menée par les Etats-Unis a déployé plus de 4.400 avions, dont 110 SEAD (répression de l'ABM), 22 avions spéciaux de guerre électronique pour lutter contre les moyens de communication ennemis, 10 SIGINT [renseignement d'origine électromagnétique]. En 1995, l'Otan a mené l'opération Force délibérée (bombardement de la Bosnie-Herzégovine). Avec la participation d'environ 600 avions, dont 34 SEAD et 10 SIGINT. En 1999, dans le cadre de l'opération Force alliée ont été utilisés 1.191 avions, notamment 127 SEAD, 2 avions de guerre électronique et 10 SIGINT. En 2003, pendant l'opération Liberté irakienne, dans le parc de 2.697 avions 82 étaient des SEAD, 5 de guerre électronique et 14 SIGINT. En 2011, pendant l'opération Unified Protector (Libye) ont été déployés 290 avions, dont 23 avions SEAD, 1 de guerre électronique et 5 SIGINT.
Les analystes dévoilent les capacités de l'Europe. Selon eux, ces capacités sont insuffisantes. "Aucune de ces campagnes n'a rencontré une menace de la GBAD similaire à celle dont dispose l'armée de terre russe […] La proposition principale réside, évidemment, dans l'arrivée du soutien américain", indique l'IISS, estimant que les forces actuellement déployées en Europe sont clairement insuffisantes pour franchir l'ABM russe.
En d'autres termes, les analystes laissent entendre que les Européens ne peuvent pas percer l'ABM russe sans l'aide des Etats-Unis.
Alexandre Lemoine
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