La bataille politique acharnée aux Etats-Unis influence l'ordre mondial. Il est donc logique que les géants de l'information y participent. Les communications se sont transformées en un puissant facteur sociopolitique. Ceux qui les contrôlent et disposent de la capacité de recueillir des informations ont obtenu un immense pouvoir.
Bien que la bataille se déroule sur le front américain intérieur, l'effet se fera sentir dans le monde entier. Cet effet est paradoxal. Les compagnies de l'information se rangent du côté des mondialistes en opposition au nationaliste Donald Trump, mais elles exacerbent aussi les tendances antimondialistes qu'elles souhaitent inverser.
Les institutions économiques et politiques internationales composant l'infrastructure de la mondialisation se déforment. Il reste l'espace de l'information qui retient fermement toute l'humanité dans le même champ de la communication. Il garantit précisément l'interconnexion globale du monde. Et les opérateurs de cet espace sont les géants technologiques américains.
Le conflit entre les souverainetés nationales et le pouvoir mondial des corporations de la communication mûrit depuis longtemps. Les tentatives de les soumettre à la législation des pays d'utilisation au lieu de leurs propres règles sont entreprises depuis dix ans avec plus ou moins de succès. Les services proposés par les géants sont tellement sollicités à travers le monde que les gouvernements ne peuvent pas simplement se fermer aux compagnies sans provoquer une colère sociale. Et bien que la régulation se durcisse un peu partout et les craintes quant à la toute-puissance des corporations grandissent, rien ne change vraiment au fond.
La pandémie, qui a apporté une puissante impulsion à la numérisation, a davantage mis en évidence l'importance des communications. En période de quarantaine et de confinement le monde a physiquement éclaté en fragments, mais il est resté intègre en matière d'information. La fonction des corporations transnationales, avant tout des géants de l'information, s'est nettement solidifiée en tant qu'éléments de consolidation, au fur et à mesure que la hausse du rôle des Etats en pleine pandémie a conduit à l'érosion du tissu mondial.
Les événements aux Etats-Unis ont montré au monde entier le pouvoir détenu par les corporations. Twitter et d'autres ont joué en faveur de l'Etat, c'est-à-dire du système des institutions qui a rejeté le président rebelle. Les compagnies ont utilisé leur arme efficace de répression en accord avec la partie loyale de la superstructure politique. Cependant, rien ne prouve que dans une autre situation les chemins de l'oligarchie et de la bureaucratie fédérale ne se sépareront pas. Le sommet politique est conscient du fait que quand tout s'apaisera le congrès réengagera ses tentatives d'influer sur les corporations de la communication. Même s'il sera plus difficile de le faire.
Il y a moins de cinq ans, les processus nationaux aux Etats-Unis qui ont fait élire Donald Trump à la Maison blanche ont infligé un préjudice bien plus destructeur à la mondialisation que tous les ennemis de l'Amérique ne pouvaient rêver.
Les rivaux de Donald Trump ont aujourd'hui pour objectif d'inverser la situation, mais le résultat promet d'être le même. L'aspiration à se protéger contre la domination des corporations de l'information se renforcera à travers le monde parce qu'elles ont montré de quoi elles étaient capables dans leur pays. La recherche d'alternatives nationales ou régionales en matière de communication s'intensifie, tout comme les efforts pour contrôler et limiter l'activité de ces géants dans différents pays. De cette manière, le principal élément de mondialisation à ce jour faiblira. Cela prendra du temps, mais la tendance ne changera plus. Et cela exercera un impact fondamental sur l'ordre mondial en exacerbant significativement la division politique et économique.
Fiodor Loukianov, journaliste et analyste politique
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