Trois événements importants se sont produits en seulement trois jours, entre le 30 janvier et le 1er février 2021, par rapport à la situation au Haut-Karabakh.
Premièrement, le Centre conjoint russo-turc chargé de veiller au cessez-le-feu a commencé son travail dans la région d'Agdam passée sous la juridiction de l'Azerbaïdjan. Deuxièmement, à Moscou s'est tenue la première réunion du groupe de travail trilatéral sur le Haut-Karabakh. Troisièmement, des exercices turco-azéris ont commencé en Turquie, près de la frontière arménienne.
Selon un communiqué du ministère russe de la Défense, "ce centre procédera au recueil, à l'analyse et à la vérification de l'information sur le respect du cessez-le-feu et sur les actions qui transgressent les accords conclus entre les parties". Et ce, selon le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, "uniquement à distance".
Malgré cela, le ministère turc de la Défense, énumérant les objectifs de la mission conjointe, ajoute: "et pour lutter contre les violations des conditions de trêve". Le soutien total et inconditionnel de l'Azerbaïdjan montre que la Turquie a l'intention de "lutter" contre les infractions éventuelles uniquement du côté de l'Arménie. Toutefois, on ignore comment les militaires turcs comptent le faire, étant donné que seulement 60 militaires turcs et russes de chaque côté peuvent travailler dans ce centre. Sachant qu'aucune information n'ait encore été rapportée concernant le retrait d'Azerbaïdjan des militaires trucs venus l'été dernier pour participer aux exercices conjoints.
Les vice-premiers ministres russe, azéri et arménien réunis à Moscou ont évoqué les principaux axes de travail pour la mise en œuvre de la déclaration conjointe des dirigeants des trois pays du 9 novembre et des décisions prises au sommet trilatéral de janvier à Moscou. Il est question du déblocage des communications économiques et de transport au Haut-Karabakh et dans tout le Caucase du Sud.
Ce thème a été également évoqué pendant la tournée du ministre iranien des Affaires étrangères, qui s'est récemment rendu en Azerbaïdjan, en Russie, en Géorgie, en Arménie et en Turquie. Tous les acteurs intérieurs et extérieurs accordent une grande importance aux aspects économiques de la normalisation de la situation, estimant à juste titre qu'il n'y aura pas de paix dans la région sans reprise économique.
Le 1er février, des exercices turco-azéris ont commencé dans la province turque de Kars, à la frontière arménienne, ils se poursuivront jusqu'au 12 février. Certains experts traçant un parallèle avec les exercices organisés par Bakou et Ankara l'été dernier, et après lesquels la seconde guerre de Karabakh a commencé, qualifient les "jeux de guerre" actuels de prélude à un nouveau conflit. Difficile d'être d'accord avec cela.
L'Arménie et l'Azerbaïdjan ont tous les deux besoin de la paix aujourd'hui. Bakou devra non seulement s'occuper du rétablissement de l'infrastructure économique et sociale sur les territoires repris, mais également persuader ses citoyens d'y revenir – la plupart des Azéris qui ont fui la guerre dans les années 1990 ne s'empressent pas d'y retourner, la situation militaro-politique reste extrêmement instable dans la région. En conséquence, les exercices de Kars doivent être perçus comme une nouvelle manifestation du partenariat militaire turco-azéri, premièrement, et, deuxièmement, en tant que moyen poussant Erevan à renoncer au contrôle des autres territoires litigieux.
Pour l'instant, force est de constater que la Turquie et la Russie, une nouvelle fois (après la Syrie), ont fait preuve de capacité de régler les problèmes géopolitiques par leurs propres moyens, sans la participation d'intéressés occidentaux.
En même temps, la Turquie ne renonce manifestement pas à l'idée de légaliser sa présence militaire en Azerbaïdjan à titre de mission de maintien de la paix et insistera sur sa position. Le personnel du centre et un groupe de déminage n'est pas ce à quoi elle aspire, il est important pour Ankara d'afficher la participation aux affaires de la région sur une base paritaire avec la Russie.
Des discussions très difficiles sur le sort de la région sont inévitables. Le "nœud du Karabakh" devra être dénoué, il sera impossible de le "trancher".
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs