La course aux armements qui se déroule actuellement entre les deux superpuissances semble bien plus dangereuse que la confrontation entre 1945 et 1989. Au siècle dernier, l'URSS et les Etats-Unis, même pendant les périodes les plus critiques, étaient capables de se parler, ainsi que de signer des traités sur la maîtrise du potentiel nucléaire. A présent, la situation de méfiance sourde est aggravée par l'apparition de nouveaux vecteurs nucléaires capables de changer l'équilibre des forces nucléaires sur la planète.
La logique suggère que la Russie devrait rester la moins protégée dans cette histoire: après tout le potentiel économique du pays est bien plus faible par rapport à l'américain. Et dans les conditions où les superpuissances n'arrivent pas à s'entendre sur la maîtrise mutuelle, c'est le pays limité financièrement qui perd. Mais malgré tout, les premiers signes de défaitismes se manifestent aux Etats-Unis.
Tandis que la Russie achève son programme de modernisation de l'arsenal nucléaire, Washington l'entame seulement. C'est l'avis exprimé par le général John Hyten, chef adjoint du Comité unifié des chefs d'état-major. Cette situation pose un problème pour les Etats-Unis, selon lui. D'après le général Hyten, l'Amérique doit continuer d'investir dans la triade nucléaire et "surveiller attentivement toutes les capacités" des adversaires.
Plus tôt, le Pentagone a annoncé la mise au point d'une stratégie complexe pour accélérer l'élaboration et le déploiement de systèmes offensifs hypersoniques, ainsi que de systèmes défensifs contre l'arme hypersonique adverse. Cependant, selon les experts, les Etats-Unis auront besoin de "longues années" pour atteindre le niveau de développement des armements nucléaires et hypersoniques auquel se trouve la Russie.
A titre de feuille de route pour sortir de cette situation critique le général préconise de mettre en service des missiles de croisière mer-sol plus efficaces équipés d'ogives nucléaires. La flotte sous-marine a besoin d'ogives nucléaires tactiques de puissance réduite destinées à des frappes limitées contre le territoire russe et chinois.
En outre, les militaires américains ont besoin de l'arme indispensable à notre époque – des missiles hypersoniques. Le Pentagone est sérieusement préoccupé par les succès russes et chinois en la matière.
Les Américains prédisent l'apparition de tels systèmes chez eux au milieu des années 2020. Et c'est dans le meilleur des cas. Il faudra également passer à la caisse pour la défense contre les missiles hypersoniques adverses. Les experts militaires comptent mettre en service de tels systèmes d'ici la fin de la décennie.
On ignore quelles technologies les Américains comptent utiliser pour construire la défense antimissile hypersonique, sachant que la défense actuelle n'est déjà pas capable de protéger efficacement contre une frappe massive.
La plus fantastique dans ce cas paraîtrait la lutte des antimissiles américains contre les systèmes hypersoniques Avangard du complexe Sarmat. Selon les sources ouvertes, les Avangard seront capables de voler à Mach 27.
Mais le Pentagone n'a pas l'intention de s'arrêter là en termes d'hyperson. Le dernier élément du système de dissuasion nucléaire de la Russie sont des systèmes hypersoniques à usage multiple, dont l'apparition est attendue d'ici 12-15 ans.
Des sommes exorbitantes dépensées par les Etats-Unis ces dernières années pour moderniser les forces de dissuasion nucléaire n'ont pas apporté de résultats conséquents. Pendant que les Américains passeront plusieurs années à combler leur retard, la Russie avancera significativement dans les secteurs critiques – l'hyperson et la menace asymétrique.
Il est peu probable qu'à court terme le Pentagone parvienne à rattraper la Russie dans le domaine de l'hyperson. Même compte tenu d'un financement abondant.
Cependant, leur propre retard technologique déclaré par les Etats-Unis représente un danger pour la Russie.
Premièrement, les Etats-Unis chercheront une réponse aux drones sous-marins nucléaires Poseidon et aux missiles de croisière Bourevestnik à propulsion nucléaire et, très probablement, ils la trouveront dans un avenir prévisible. Or cela représente un nouveau cycle d'une course aux armements ruineuse.
Deuxièmement, les futurs types d'armements nucléaires ne s'inscrivent pas dans le concept des traités START et peuvent conduire à la rupture des vestiges du dialogue entre les deux pays.
Enfin, troisièmement, en se sentant vulnérables les Etats-Unis pourraient se décider dans une situation de crise à lancer une frappe préventive contre la Russie avec toutes les conséquences que cela implique.
Et ces conséquences pourraient être imprévisibles.
Alexandre Lemoine
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