La Grèce et la Turquie ont entrepris une nouvelle tentative de trouver un compromis sur les litiges autour des gisements de gaz et de pétrole en Méditerranée. Cependant, cela ne signifie pas qu'ils ont renoncé à leurs revendications réciproques. Littéralement à la veille de la réunion à Athènes entre des diplomates turcs et grecs, Ankara a mis en garde Israël, la Grèce et toute l'UE concernant les plans de faire passer un câble électrique sous la Méditerranée. La Turquie cherche également à se réconcilier avec l'Egypte et à prendre en charge le règlement des problèmes en Méditerranée.
Mercredi, à Athènes devrait s'achever le second cycle de contacts entre les diplomates grecs et turcs afin de régler les différends entre les deux pays. Ces entretiens sont démonstrativement officieux et n'ont pas le statut de négociations. Du côté turc, la délégation est dirigée par le vice-ministre des Affaires étrangères Sedat Önal, du côté grec, par l'ambassadeur à la retraite Pavlos Apostolidis, qui a déjà participé à des consultations dans ce format avant qu'Ankara et Athènes ne rompent le contact en 2016.
Il s'agit avant tout d'un rapprochement des positions concernant la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental en Méditerranée orientale, ce qui fait l'objet de litiges territoriaux entre Chypre et la Turquie, entre la Grèce et la Turquie, et entre Israël et le Liban après la découverte de gisements pétroliers et gaziers. Contrairement à Athènes, Ankara voudrait soulever également d'autres questions litigieuses lors des négociations. Notamment la délimitation de l'espace aérien, la démilitarisation des îles grecques orientales, les limites de la responsabilité opérationnelle dans le cadre de l'Otan, l'amélioration de la situation des musulmans et leur droit de choisir eux-mêmes les muftis. Sauf que la Grèce n'est prête qu'à aborder un seul sujet.
Au sommet de décembre, les dirigeants de l'UE sont convenus d'élargir la liste des sanctions individuelles contre Ankara pour le forage illégal et l'exploration géologique en Méditerranée orientale, près de l'île grecque de Castellorizo et au large de Chypre, qui ont repris après une interruption l'été dernier. Les experts ont qualifié la décision du sommet d'intermédiaire. La Grèce a exigé des mesures plus fermes, alors qu'Ankara continue de compter sur la reprise d'un dialogue à part entière avec l'UE.
Depuis décembre, la Turquie a tenté plusieurs fois de normaliser les relations avec l'UE, notamment avec l'arrivée de l'administration de Joe Biden à Washington, qui n'éprouve pas beaucoup de sympathies pour le président turc Recep Tayyip Erdogan.
En revanche, ce dernier a réussi, début mars, à s'entretenir avec le président français Emmanuel Macron, qu'il avait appelait à "se faire soigner". L'entretien entre ces deux dirigeants a été commenté par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian: "Il n'y a plus d'insultes et le langage est plus rassurant." Il a également qualifié de signes positifs l'éloignement des navires de recherche turcs des eaux chypriotes et l'aspiration d'Ankara au dialogue avec Athènes. Et d'ajouter que les progrès dans les relations entre la France et la Turquie sont encore fragiles, car "la liste des différends est très longue".
En ce qui concerne les contacts directs entre la Turquie et la Grèce, ils ont repris à Istanbul encore fin janvier après pratiquement cinq ans d'interruption. Le premier cycle a débouché sur la décision de poursuivre le dialogue. Toutefois, cela pourrait prendre du temps. Entre 2002 et 2016, les deux pays ont organisé 60 cycles de contacts, sans pour autant trouver un terrain d'entente.
Lundi, Ankara a envoyé une note diplomatique à Israël, à la Grèce et à l'UE pour protester contre leur projet de faire passer le plus long et le plus profond câble électrique sous la Méditerranée. Le projet EuroAsia Interconnector est sensé relier les systèmes énergétiques de la Grèce, d'Israël et de Chypre. Un mémorandum à cet effet a été signé le 8 mars. La Turquie estime qu'il faut d'abord obtenir son autorisation pour mener ces travaux, car ce câble traversera des zones litigieuses.
Ces trois pays mentionnés possèdent un autre projet commun excluant la Turquie, le gazoduc EastMed. L'accord sur sa construction a été signé en janvier 2020. D'après le ministre israélien de l'Energie, Yuval Steinitz, ce projet sera réalisé dans cinq ans environ. Par ailleurs, les experts doutent qu'avec les prix actuels du gaz ce projet soit rentable. Néanmoins, la bataille pour la Méditerranée se poursuit.
Alexandre Lemoine
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