Après l’investiture du colonel Assimi Goïta en qualité de chef d’Etat de la République du Mali et de leader de la transition, plusieurs éléments indiquent l’exacerbation des relations entre Bamako et Paris. La suite des événements permettra-t-elle d’entrevoir la fin de la présence militaire française au Mali?
Lundi dernier, la France était la grande absente du discours du nouveau président malien, comme l’indique la radio France Info. Le même média rappelle d’ailleurs que depuis les dernières semaines les relations entre le Mali et la France sont «tendues».
Un autre média hexagonal, connu lui aussi pour des positions proches avec l’establishment politique français, le quotidien La Croix, avait un peu plus tôt également tiré la sonnette d’alarme quant à l’hostilité de l’opinion publique malienne vis-à-vis de la politique de Paris, et notamment de sa présence militaire sur le sol du Mali.
Cette reconnaissance des faits se fait évidemment sans le moindre plaisir côté hexagonal, qui ne fait qu’admettre des faits qui étaient déjà largement connus, et pas seulement depuis les dernières semaines ou les derniers mois, mais depuis plusieurs années déjà. Aujourd’hui, de nombreux analystes observent la situation afin d’entrevoir la suite de ce désamour évident entre le Mali et l’ancienne métropole coloniale.
Pendant ce temps, de nombreux experts – africains comme étrangers – affirment avec certitude la popularité du nouvel homme fort de l’Etat malien, le colonel Assimi Goïta, auprès d’une large part des citoyens du Mali, et notamment au sein de la jeunesse. D’ailleurs, le désormais chef d’Etat malien n’a pas manqué de s’adresser récemment à cette jeunesse du pays avec des mots forts: «Je suis jeune au même titre que vous. Et si j’échoue, c’est toute la jeunesse malienne qui a échoué».
Maintenant pour revenir aux relations du Mali avec Paris, ou plus particulièrement l’Elysée, si la suite demeure encore incertaine, il n’en demeure pas moins que plusieurs aspects sont à considérer. Tout d’abord, la présence militaire française sur le sol malien qui comptabilise près de 5500 hommes, dans le cadre de l’opération Barkhane – censée combattre les groupes djihadistes et qui dure depuis bientôt sept ans. Une opération justement largement critiquée par la société civile malienne, qui pour une large part d’entre elle ne la voit pas comme une solution mais bien comme l’une des principales sources de problèmes, y compris sécuritaires.
Et bien que le président français Macron ait récemment déclaré l’éventualité de retirer les troupes du Mali – c’est un secret de polichinelle que de savoir que ce serait la dernière des choses dont souhaiterait Paris. A l’heure d’une chute d’influence sans précédent sur le continent africain, y compris au sein de ce qu’il continue de considérer comme son «pré-carré», le départ de la présence militaire du Mali sonnerait comme une nouvelle défaite pour l’establishment hexagonal.
Surtout en cas d’une arrivée de nouveaux acteurs internationaux sur le sol malien, à condition évidemment que cela soit voulu par les autorités actuelles du Mali. Sachant que c’est ce que demande avec insistance une large part de la société civile malienne.
L’autre question qui intéresse de nombreux experts et observateurs du dossier malien, c’est l’éventualité pour Paris à tenter de jouer un coup de force dans une situation qui semble de plus en plus lui échapper. Surtout lorsqu’on se rappelle de cette force militaire de plusieurs milliers d’hommes présente sur place.
Pour répondre à cette question, il faudrait certainement dire que l’Elysée aurait déjà donné le feu vert à cela si l’époque avait été différente. Après tout, la violation des souverainetés nationales africaines – datant aussi bien de plusieurs dizaines d’années que du passé assez récent, ne fait que le confirmer. Mais le souci désormais pour les représentants des élites hexagonales, c’est justement à devoir faire face à plusieurs fronts: une mobilisation africaine sans précédent, ralliant des personnes de couches sociales diverses, des médias africains qui possèdent des lignes éditoriales indépendantes et qui ne travaillent pas sous la dictée de l’establishment élyséen, sans oublier une part non négligeable de l’opinion publique interne en France qui est opposée aux pratiques néocoloniales d’un autre temps.
Les prochaines semaines et les prochains mois peuvent avoir un rôle déterminant sur les choix stratégiques de l’Etat malien. L’essentiel étant à retenir que le Mali, à l’instar d’autres nations d’Afrique francophone, a le droit de jouir d’une pleine souveraineté indépendamment des vœux de l’establishment occidental, et de déterminer ses orientations stratégiques en étant à l’écoute de ses citoyens – et non pas des forces néocoloniales.
Mikhail Gamandiy-Egorov
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