Bachar al-Assad a remporté l'élection présidentielle syrienne du 26 mai avec plus de 95% des voix. Selon la Constitution en vigueur, ce mandat sera le dernier pour le président. Mais d'ici sept ans, car Bachar al-Assad dirigera le pays jusqu'en 2028, la Constitution pourrait changer, et ce n'est pas prouver que cela ne résultera pas du travail du Comité constitutionnel de la Syrie avec la médiation de l'Onu.
La victoire du président al-Assad était accompagnait par des félicitations des alliés et par l'absence de la reconnaissance des résultats des élections par les pays occidentaux. Mais quelle est l'attitude des élites dirigeantes dans le monde arabe envers ce pays détruit par la guerre? Bachar al-Assad sera-t-il capable de reconstruire le pays et le faire sortir du chaos?
La Syrie est qualifiée traditionnellement de "cœur" du monde arabe. Néanmoins, cela n'a pas empêché d'autres pays arabes, en réponse à la violence en Syrie, de bloquer en 2011 son statut de membre dans la Ligue arabe, une importante structure régionale.
Cependant, la situation au sein de la Ligue a changé par rapport à 2011. Dans le plus grand pays du monde arabe, en Egypte, se trouve actuellement au pouvoir un régime laïque d'Abdel Fattah al-Sissi, issu des structures de force, et non des islamistes anti-Assad des Frères musulmans. Plusieurs pays de la Ligue, tels que l'Algérie, l'Irak ou le Liban, n'étaient jamais opposés à la Syrie et prônent actuellement son retour dans l'organisation. Alors que les monarchies du Golfe ont traversé une décennie de réévaluation des risques et des défis.
Les résultats de la présidentielle syrienne rappellent une fois de plus aux pays arabes de la région qu'ils devront travailler avec Bachar al-Assad et son gouvernement. Il est évident que Damas est prêt à oublier les anciennes rancunes. Si Riyad changeait de position concernant le retour de la Syrie dans la Ligue arabe, il ne resterait plus qu'un seul pays qui s'y oppose, le Qatar. La Turquie, un allié non arabe du Qatar dans la confrontation régionale qui a faibli depuis peu, cherchera également à l'empêcher, elle continue de parler de la nécessité de faire avancer le règlement politique du conflit syrien.
Mais même si la Syrie revenait dans la Ligue, cela ne règlerait pas les problèmes économiques du pays où prospère la corruption, dont la monnaie continue de dévaluer, où l'électricité et le carburant suffisent à peine pour la survie de la population, dont 80% se trouvent sous le seuil de pauvreté. De plus, l'économie syrienne ne bénéficiera pas de sérieuses injections financières même de la part des pays du Golfe à cause de la politique et des sanctions des Etats-Unis, qui maintiennent leur hégémonie dans la région. Potentiellement les sanctions privent la Syrie de grands projets avec les pays du Golfe à terme. Et cette question ne peut pas être réglée au niveau régional. Bien des choses dépendent de l'attachement des Américains à l'application des sanctions.
Cependant, l'administration du président américain Joe Biden n'a pas encore formulé sa nouvelle ligne vis-à-vis de la Syrie parce que ce dossier n'est pas devenu prioritaire pour elle. Dans ces conditions, les acteurs régionaux et mondiaux intéressés pourraient améliorer leurs positions, établir des liens avec des acteurs inaccessibles jusque-là et essayer d'aller au-delà des restrictions qui existaient.
Rouslan Mamedov, coordinateur des projets au Moyen-Orient du Conseil russe pour les affaires internationales.
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