La cohésion actuelle de l'Occident pourrait céder la place à une lutte intérieure violente pour les intérêts.
Il n'y a pas très longtemps il semblait encore que les relations entre l'UE et les Etats-Unis sont détruites presque entièrement et sont irréparables. Cependant, en seulement six mois de présidence Joe Biden a réussi à les relancer, et ce à un niveau même meilleur qu'avant, notamment du point de vue des intérêts américains.
Par exemple, en mars déjà, sans longues réflexions les Européens ont décrété des sanctions contre la Chine en bloquant la ratification de l'accord d'investissement qui venait d'être signé avec Pékin. Et récemment l'Allemagne a envoyé dans la région Indo-Pacifique sa frégate pour afficher son pavillon, renforcer les liens avec les alliés et défendre la liberté de la navigation en mer de Chine méridionale. Et on devine facilement contre qui il est prévu de défendre cette liberté: Pékin, qui revendique les îles Paracels et Spratleys, est, selon l'Occident, le principal fauteur de troubles en mer de Chine méridionale et dans la région dans l'ensemble.
Tout cela se déroule dans une atmosphère de cohésion totale qui règne ces derniers mois lors des différentes rencontres entre les Européens et les Américains, notamment des sommets du G7, euro-américains et de l'Otan. La Chine est également l'une des questions centrales durant tous ces pourparlers et, en juin, l'Otan a de facto reconnu la politique actuelle de Pékin comme étant un "défi systémique" pour sa propre sécurité.
L'"Occident collectif" semble aujourd'hui plus soudé qu'à l'époque de Barack Obama. A l'époque, les Européens avaient des débats enflammés entre eux et avec Washington au sujet de la "politique russe", tout en refusant absolument de s'impliquer dans des conflits avec la Chine. Mais la situation a significativement changé depuis quatre ans et on peut dit que la renaissance actuelle des relations transatlantiques est un plus grand mérite de Donald Trump que de Joe Biden, aussi paradoxal que cela puisse paraître.
Donald Trump a clairement montré aux Européens comment étant la vie autonome sans l'Amérique ou même en conflit avec elle. L'Europe a bien appris cette leçon. Avant la présidentielle américaine déjà l'Allemagne a commencé à se préparer pour un "grand deal" avec la nouvelle administration en dressant la liste des problèmes à régler, même au prix d'importantes concessions. Et le gazoduc Nord Stream 2 faisait évidemment partie de cette liste. A en croire la presse allemande, Berlin a commencé les premières consultations substantielles avec l'équipe de Joe Biden presque immédiatement après les élections, et le jour de l'investiture du nouveau président le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a clairement fait part de sa disposition à trouver un terrain d'entente, notamment en ce qui concerne les relations avec la Chine.
En fait, Donald Trump et Joe Biden ont appliqué à la perfection le scénario classique du bon et du mauvais policier, après quoi les Etats-Unis ont obtenu de l'UE ce qu'ils désiraient depuis longtemps mais ne pouvaient pas obtenir: un soutien résolu, réel et palpable dans la prolongation de la vie du Pax Americana.
La situation internationale y a également joué son rôle. Les hommes politiques européens parlent depuis longtemps des changements majeurs imminents dans la politique mondiale, mais ces dernières années ils ressentent ces changements en pratique et non en théorie. La pandémie n'a fait que rendre ce ressenti plus palpable.
Bruxelles, Paris, Berlin et d'autres capitales européennes ont compris que le rôle d'observateur passif des événements actuels pourrait conduire non seulement à des pertes, mais également à des conséquences dangereuses, et aujourd'hui elles sont prêtes à assumer un rôle actif dans les affaires internationales. Toutefois, cette activité européenne si longtemps exigée par les Américains pourrait au final se retourner contre les Etats-Unis.
Alexandre Lemoine
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