L'Europe appelle Washington à ne pas renoncer à la doctrine de frappe nucléaire préventive contre la Russie.
Washington procède à la révision de sa politique nucléaire en coordination étroite avec ses alliés. Ce communiqué a été annoncé face aux demandes des Européens et des Japonais que les Etats-Unis ne renoncent pas à la doctrine de frappe nucléaire préventive contre la Russie. Pourquoi les satellites des Américains sont plus belliqueux que leur partenaire aîné et comment Moscou peut-il réagir à ces menaces?
Plusieurs alliés européens des Etats-Unis de l'Otan, notamment le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France ainsi que le Japon et l'Australie, ont demandé à Washington de revoir sa politique nucléaire, écrit la revue Financial Times. Les partenaires des Américains estiment que Washington doit renoncer au principe de non-usage de l'arme nucléaire en premier.
En d'autres termes, ce n'est pas les Etats-Unis, mais leurs alliés qui estiment que les Américains doivent se réserver le droit d'une frappe préventive, c'est-à-dire le droit d'attaquer une autre puissance nucléaire. Parmi les pays du club nucléaire mondial, seulement deux pays sont reconnus comme adversaires potentiels des Etats-Unis - la Russie et la Chine.
L'administration Biden analyse actuellement la politique américaine concernant les conditions d'usage de l'arme nucléaire. L'examen devrait s'achever d'ici la fin de l'année, précise le Financial Times. Selon des sources informées, les Etats-Unis ont envoyé aux alliés un formulaire pour savoir ce qu'ils pensaient des changements dans leur politique nucléaire. Et la majeure partie des interrogés avait contesté l'abandon par les Américains de leur droit de première frappe.
En même temps, un représentant de l'administration Biden a confirmé: les États-Unis procèdent effectivement à une révision de leur politique nucléaire en coordination étroite avec les alliés. Par ailleurs, le représentant de la Maison Blanche a qualifié la révision en question de procédure de routine organisée par chaque nouvelle administration américaine après les élections présidentielles.
La dernière révision a eu lieu au milieu des années 2000 après le retrait des Etats-Unis du Traité ABM de 1972, annulant ainsi ce document.
Il n'y a pas encore d'informations exactes sur ce qui se passe à l'intérieur de l'administration Biden concernant la révision. Mais les Européens ont peur de se retrouver sans le "parapluie nucléaire" américain.
Il existe une phobie que les Américains mettent un terme à leur présence sur le Vieux Continent, de la même manière qu'ils se retirent d'Afghanistan et d'ailleurs. Notamment du Moyen-Orient. Par exemple, leur budget ne prévoit pas 1 milliards de dollars pour la modernisation du système israélien Dôme de fer et les livraisons de systèmes Patriot à l'Arabie saoudite. Tout le monde sait que les Etats-Unis manquent de ressources pour être présents dans différentes régions du monde. Une sérieuse polémique est en cours actuellement pour savoir s'il faut déplacer l'accent militaire vers la région du Pacifique pour faire face à la Chine.
Le plan global de défense de l'Alliance en cas de crise et de conflit, approuvé par les pays de l'Otan le 21 octobre, accordait une grande attention précisément à la menace chinoise: la modernisation de l'armée chinoise, les nouvelles capacités nucléaires et cybernétiques de Pékin.
À noter qu'à ce moment la ministre allemande de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer a décidé de rappeler une autre "menace" - émanant de la Russie. La ministre a affirmé qu'en cas de besoin l'Otan était prête à utiliser pour endiguer la Russie des moyens militaires, notamment l'arme nucléaire. De plus, Berlin craint le retrait de l'arme nucléaire d'Allemagne en Pologne.
L'arme nucléaire américaine est physiquement présente sur le Vieux Continent, notamment en Allemagne. Près de 20 ogives nucléaires américaines se trouvent à la base aérienne américaine de Büchel en Rhénanie-Palatinat. Il s'agit de bombes aériennes tactiques (non stratégiques) B61. Cet armement peut être utilisé, si besoin, par l'aviation allemande dans le cadre des actions conjointes de l'Otan. Le déploiement de cet arsenal fait partie de la stratégie d'utilisation conjointe de l'arme nucléaire de l'Otan.
Il convient également de rappeler les systèmes de lancement Mk41, qui se transforment facilement d'armes défensives en vecteurs pour tirer des missiles de croisière Tomahawk dotés d'ogives nucléaires. Des systèmes Aegis Ashore et Mk41 ont été déployés en Roumanie et en Pologne.
Le coût du travail sur l'arsenal nucléaire américain augmente, sans pour autant aboutir à quelque chose. Au lieu de cela, les Américains se mettent à élargir les capacités pour une frappe nucléaire grâce à leurs alliés - le Royaume-Uni et l'Australie, qui pourrait être transformée en puissance nucléaire (dans le cadre de la nouvelle alliance AUKUS), ainsi que la France. Malgré un litige survenu entre Washington et Paris, Joe Biden tentera de le régler. Autrement dit, les Etats-Unis veulent compenser non pas par la qualité, mais par la quantité la menace qui émane, selon eux, de l'arsenal nucléaire modernisé de la Russie et de la Chine.
C'est pourquoi les Etats-Unis comprennent qu'en cas d'une frappe préventive contre la Russie ou la Chine, la riposte serait dévastatrice. Peut-être quand il est question du droit à une frappe préventive, cela n'implique pas tant la Russie et la Chine que d'autres pays. Il pourrait s'agir d'Etats avec lesquels, selon la doctrine nucléaire américaine, une guerre nucléaire locale est possible. Rappelons qu'en dehors du club nucléaire légal se trouvent des pays tels que l'Iran et la Corée du Nord.
Alexandre Lemoine
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