La détérioration de la situation concernant les réfugiés du Moyen-Orient, qui tentent de se rendre en Europe via le Bélarus, a conduit l'Europe de l'Est dans une impasse. Les autorités polonaises craignent que le Bélarus tente de provoquer une escalade armée, la Lituanie a décrété l'état d'urgence dans les régions frontalières, alors que le ministre estonien de la Défense Kalle Laanet a qualifié la situation de "la plus grave crise de sécurité pour notre région, l'Otan et l'UE" depuis l'effondrement de l'Union soviétique il y a 30 ans.
La revue allemande Der Spiegel a analysé cinq solutions pour régler la crise qui peuvent être choisies par l'UE et a évalué les avantages et les inconvénients de chaque scénario.
La première option et la plus évidente pour réagir à la crise migratoire est un nouveau durcissement de sanctions contre le président biélorusse Alexandre Loukachenko et le Bélarus. Reste à savoir comment le faire et si les nouvelles sanctions feront leur effet, écrit Der Spiegel. Selon ce magazine, on songerait même à inscrire sur la liste des sanctions la compagnie aérienne nationale Belavia. Pour ce faire, il sera nécessaire de prouver que la compagnie participe à la provocation d'une crise migratoire, il n'y a pas d'interdiction pour les vols d'Irakiens et de Syriens à Minsk. Si des sanctions étaient décrétées contre Belavia, les compagnies de leasing devraient probablement reprendre à la compagnie leurs avions, ce qui enfreindrait les contrats actuels.
La deuxième option - accueillir les réfugiés et les répartir dans les pays de l'UE: cela représentera près de 15.000 réfugiés, qui se trouvent actuellement au Bélarus, sur 450 millions d'habitants. La Pologne s'opposait traditionnellement à cette approche, mais se trouvant dans une situation de crise devant ses propres frontières elle pourrait se retrouver impliquée dans la politique d'accord d'asile, estime Der Spiegel. Cependant, les conservateurs craignent que le règlement humain du problème puisse provoquer un effet boule de neige en attirant encore plus de réfugiés en UE.
L'UE avait déjà recouru à la fermeture de la frontière par la force dans des circonstances similaires, en 2020, quand la Turquie avait fait du chantage à la Grèce avec des migrants, alors que cette dernière ne les laissait pas entrer. Deux personnes sont mortes à l'époque. Après quelques jours de confrontation, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait permis aux réfugiés de revenir dans le pays. Le fait est que M. Loukachenko est plus brutal et ne se faisait jamais passer pour un protecteur de réfugiés musulmans, écrit Der Spiegel. Compte tenu du froid qui approche et des provocations éventuelles du Bélarus, le nombre de victimes à la frontière pourrait significativement augmenter, et pour l'UE, qui s'identifie comme un défenseur des valeurs, il sera plus difficile de l'endurer que pour le régime Loukachenko.
Les négociations éventuelles se compliquent par le fait qu'Alexandre Loukachenko les désire, alors que l'UE, en s'y engageant, de facto ignorerait les répressions de Loukachenko contre le peuple biélorusse, décrit Des Spiegel le scénario suivant. Qualifiant le Kremlin de médiateur éventuel.
Le dernier scénario serait de demander de l'aide à d'autres pays pour accueillir des réfugiés, par exemple à l'Ukraine, à la Moldavie ou à la Géorgie. Cette solution a été proposée par Gerald Knaus, expert autrichien de la migration et président du centre analytique Initiative européenne de stabilité. Selon lui, les réfugiés pourraient être accueillis dans la zone frontalière, puis envoyés dans l'un de ces pays pour examiner ensuite leur demande d'asile. En échange, ces pays pourraient recevoir un soutien financier de Bruxelles.
Gerald Knaus pense que si le Moyen-Orient comprenait que l'itinéraire via le Bélarus ne mène pas automatiquement en Allemagne, le nombre de réfugiés diminuerait significativement, alors que M. Loukachenko serait privé de leviers d'influence. Plusieurs questions restent sans réponse, écrit Der Spiegel: l'Ukraine, qui se trouve de facto en état de guerre, peut-elle être considérée comme un lieu sûr? Qui organisera la procédure d'octroi d'asile? Qu'en sera-t-il des personnes dont les demandes d'asile seront rejetées?
Jeudi 11 novembre, des représentants du Haut-commissariat pour les réfugiés et de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont visité le camp improvisé installé par des migrants d'Irak et d'autres pays à la frontière polono-biélorusse.
"Nous sommes ici aujourd'hui pour apporter une certaine aide humanitaire aux migrants et aux réfugiés, nous avons également fourni des informations sur les possibilités alternatives dans cette situation. Comme nous l'avons indiqué, c'est avant tout le droit des gens à déposer une demande d'asile au Bélarus et une autre option - revenir de leur plein gré dans leur pays. Aujourd'hui, les priorités de l'OIM et des partenaires de l'ONU consistent à poursuivre l'apport d'aide humanitaire", a déclaré la chef de la représentation de l'OIM au Bélarus Mahym Orazmuhamedova.
La crise migratoire à la frontière du Bélarus avec trois pays de l'UE (la Pologne, la Lituanie et la Lettonie) a commencé cet été, mais la situation s'est aggravée en novembre. Selon les autorités polonaises, près de 4.000 personnes se trouvent dans la zone neutre près de la frontière du côté biélorusse. Les autorités des trois pays de l'UE ont adopté des directives permettant aux services frontaliers d'expulser les migrants qui tentent de pénétrer illégalement sur leur territoire du côté biélorusse. Ils ont également entamé la construction de fortifications frontalières.
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs