Dans un article publié en anglais ce lundi 6 décembre 2021 sous la plume de Florence Parly, la ministre française des Armées annonce le franchissement de la France en direction d'une nouvelle étape dans la défense de ses citoyens: «Passer d'une nouvelle frontière à un nouveau front».
Cela concerne, mais aussi, en coopération avec l’Otan, l'affirmation de la présence militaire de la France dans l'espace. L’espace est, en effet, devenu l’un des cinq milieux de confrontation avec les milieux aérien, terrestre, maritime et cyber. Et, la France est championne en Europe dans ce domaine.
Militarisation de l'espace par la France. Florence Parly précise que que «SYRACUSE et CERES»qui «sont situés à plus de centaines ou de milliers de kilomètres au-dessus de nos têtes, ont récemment permis à la France de franchir une nouvelle étape dans la défense de ses citoyens». La ministre a rappelé le rôle du satellite Syracuse qui, selon elle, est «un pilier de notre souveraineté»: «Ce satellite permet aux militaires français de traiter et d'échanger des millions de gigaoctets de données en temps réel. A l'heure de la guerre connectée et de la numérisation du champ de bataille, une telle capacité est indispensable.
Sans SYRACUSE, les forces armées françaises n'auraient pas pu mener avec le même succès l'opération Hamilton de destruction d'armes chimiques en Syrie en 2018. A cette époque, il y avait deux satellites; le troisième a rejoint les étoiles en octobre 2021». Il est question du satellite de télécommunications SYRACUSE 4A qui a été lancé en orbite, dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025, depuis le Centre spatial guyanais le dimanche 24 octobre 2021. SYRACUSE 4 est un système de télécommunications composé de deux satellites militaires (SYRACUSE 4A et 4B) et de stations-sol permettant d’assurer les communications sur les théâtres d’opérations et avec la métropole. Il sera complété d’ici 2030 par un 3e satellite répondant aux besoins des plateformes, précise le site de l'Armée de l'Air et de l'Espace.
Guerre électronique de l'espace. CERES (Capacité de Renseignement Electromagnétique Spatiale), ou une nouvelle capacité militaire mise sur orbite, doit permettre à la France de mieux collecter des renseignements d'origine électromagnétique dans l'espace. CERES a été envoyé dans l'espace le 16 novembre 2021 du Centre spatial guyanais Kourou à bord d'une fusée Arianespace Vega. Les trois satellites composant CERES sont positionnés à environ 700 km de la Terre en orbite terrestre basse. Le CERES permettra de détecter et de localiser, depuis l'espace, des systèmes, tels que des radars, des moyens de radio ou de communication, et de fournir leurs caractéristiques techniques. Comme Defense News l'indiquait, les systèmes tout temps seront opérationnels 24 heures sur 24 et capables de collecter des renseignements électromagnétiques partout dans le monde.
Le renseignement militaire français fait un véritable bond technologique. Florence Parly souligne que CERES a «offert en novembre 2021 à la France sa première capacité d'observation électromagnétique depuis l'espace, une première en Europe». Elle signale que «concrètement, il sera possible d'observer n'importe quelle partie de la Terre, quel que soit le temps, de détecter — même à travers les nuages — tout objet qui émet des ondes électromagnétiques, que ce soit un radar de défense aérienne, un véhicule blindé communiquant avec d'autres véhicules ou des soldats communiquant avec des radios». Cet objectif militaire est de «lever le brouillard de guerre et ainsi réduire la capacité de l'ennemi à se dissimuler ou à dissimuler ses mouvements». Evoquant la lutte contre le terrorisme, CERES sera, aussi, une capacité précieuse.
En fait, depuis novembre 2021, «cela permet à la France de collecter des données qui étaient auparavant inaccessibles à partir de capteurs terrestres, maritimes ou aéroportés, et aux militaires du pays de s'adapter plus rapidement et plus efficacement aux nouveaux scénarios opérationnels». La réelle plus-value de CERES tient au fait qu’il accède depuis l’espace à des zones géographiques interdites aux capteurs terrestres, maritimes ou aéroportés. C’est le premier et l’unique système de renseignement électromagnétique d’origine spatiale en Europe basé sur des technologies et du savoir-faire français.
L'espace est un nouveau front. Florence Parly fait clairement savoir dans son texte à destination des anglophones: «Si l'espace était la ''nouvelle frontière'' des années 1960, nul doute qu'il est aujourd'hui un ''nouveau front'' sur le champ de bataille». La ministre française des Armées annonce que «l'espace est aujourd'hui une clé de voûte de notre défense», permettant «d'anticiper et planifier les manœuvres, repérer l'ennemi, guider nos forces au sol et communiquer». Pour la France, «aucune de nos opérations ne peut se dérouler sans nos capacités spatiales», ainsi «opérer dans et à travers l'espace est l'objectif» de l'armée française.
Centre spatial de l’Otan en France. Florence Parly affirme que pour la France «les enjeux vont bien au-delà du champ de bataille» car «toute notre vie quotidienne dépend de notre défense spatiale». La France stipule qu'elle sera là pour soutenir l'Europe pour sa défense militaire dans l'espace même si la ministre évoque «notre indépendance»: «Il faut que nous continuions à défendre le libre accès à l'espace et que nous préservions notre autonomie pour y accéder. Car c'est notre indépendance qui est en jeu. Notre liberté d'appréciation, d'accès et d'action dans l'espace est en jeu». La ministre française des Armées informe dans son article anglais que «l'accès aux communs stratégiques, notamment à l'espace, sera à l'ordre du jour pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne».
En particulier, la France affirme qu'elle souhaite «porter cet enjeu militaire dans l'espace à l'Otan qui a reconnu l'espace comme cinquième environnement opérationnel en 2019». Florence Parly cite à cette occasion la présence du «futur centre d'excellence spatial de l'Otan qui sera situé à Toulouse» en France qui sera installé dans les mêmes locaux que le Commandement de l’espace (CDE) et le Centre national d'études spatiales (CNES).
Où se trouve, donc, l’indépendance militaire de la France dans l’espace?
Olivier Renault
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