Le président français Emmanuel Macron a déclaré qu'il entendait proposer un ensemble de mesures visant à modifier le fonctionnement de l'espace Schengen. La France présidera le Conseil de l'UE du 1er janvier au 30 juin 2022. Emmanuel Macron, invitera d'autres membres de l'UE à réformer l'espace Schengen sur la base de deux priorités.
Pour atteindre son objectif, Emmanuel Macron a promis une réforme de l’espace Schengen, déclinée autour de deux dispositifs en créant: l’instauration d’un pilotage politique, à travers des réunions régulières des ministres concernés et sur le modèle de la gouvernance de la zone euro, et la mise en place d’un mécanisme de soutien d’urgence aux frontières en cas de crise, pour assurer «l’appui de Frontex aux pays et le renfort solidaire des Etats membres en policiers, en gendarmes et en matériel», souligne Public Sénat. Parmi les idées que le président français entend également mettre en discussion, le renforcement du contrôle des frontières extérieures de la Communauté et le renforcement de leur sécurité.
Les problèmes actuels de Schengen sont de nature assez objective. Jusqu'au milieu des années 2010, les membres de l'UE développaient indépendamment leur politique migratoire, sur la base de leurs «propres intérêts nationaux». En 2015, il y a eu une forte augmentation de la migration, démontrant rapidement la capacité limitée de chaque pays.
La vague migratoire a littéralement balayé l'Europe et les gouvernements de nombreux pays de l'UE ont eu recours à des mesures unilatérales de nature restrictive, quels que soient les dommages qu'elles ont causés tant aux pays voisins de l'UE qu'aux intérêts à long terme de l'UE dans son ensemble. Quasiment en même temps que l'afflux de migrants, il y a une montée en flèche de la menace terroriste. La question Schengen devient rapidement l'un des sujets les plus débattus dans l'UE.
A l'été 2018, les discussions sur la question des migrations avaient effectivement conduit l'UE dans une impasse politique. Et, le problème du maintien ou de l'annulation de la régulation des frontières intérieures occupait une des places centrales. A maintes reprises, les dirigeants des pays membres qui se sont réunis pour résoudre le problème sont parvenus, au mieux, à des compromis tactiques. Les principaux pays de l'UE n'ont pas réussi à mettre en œuvre des accords sur une question aussi importante que la répartition des réfugiés. Et les décisions prises étaient ouvertement tièdes, contradictoires, ce qui a provoqué l'indignation des habitants de l'UE.
L'un des coups les plus tangibles portés à la liberté de circulation entre les Etats membres de l'UE est venu de l'épidémie de coronavirus. Au printemps 2020, l'Autriche, le Danemark, le Luxembourg, la France et la Suisse ont fermé leurs frontières sur la base du 28e alinéa du code des frontières de Schengen. L'aviation civile a, également, été suspendue peu de temps après. Une interdiction similaire a été imposée à l'Italie et à l'Espagne. Fermeture de la frontière maritime avec le Danemark. Cette décision, prise pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de l'accord de Schengen en 1995, a choqué les citoyens de l'UE, car la liberté de circulation était l'une des principales propositions de valeur de l'UE.
Seule une petite liste de catégories de citoyens, tels que les chauffeurs routiers et les travailleurs médicaux, a conservé la liberté relative de franchir les frontières. Dans le même temps, pour un certain nombre de catégories de citoyens, la fermeture des frontières est devenue une épreuve difficile. Les saisonniers ont été durement touchés. Par exemple, à la frontière entre la Pologne et l'Allemagne une série de rassemblements de protestation organisés par des citoyens polonais a eu lieu. Les frontières extérieures de l'UE ont également été fermées. Dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, la plupart des pays de l'UE ont suspendu la délivrance de visas pour les voyages non obligatoires.
L'assouplissement de l'été 2020 a été suivi d'un nouveau resserrement à l'automne. Des règles temporaires ont été rapidement élaborées pour réglementer les déplacements des citoyens entre les Etats membres. Tous les pays ont été divisés en trois zones de couleur, rouge, orange et vert, correspondant à l'incidence actuelle du coronavirus. A l'avenir, n'osant pas chevaucher les frontières, l'UE n'a émis que des recommandations pour limiter les déplacements dans une région particulière, en fonction de la situation épidémiologique.
D'un autre côté, on a l'impression qu'Emmanuel Macron interprète le problème de la libre circulation au sein de l'UE principalement en fonction de ses propres intérêts politiques tactiques. Il a dû, dans une large mesure, son élection à la présidence de la France à la rhétorique de l'approfondissement de l'intégration européenne. Ainsi, le 20 septembre 2018, le dirigeant français a proféré des menaces politiques aux pays qui soutiennent l'idée d'une plus grande indépendance des Etats membres en matière migratoire: «A un moment donné, le règlement se fera simplement […] les pays qui ne veulent pas davantage de Frontex ou de solidarité sortiront de Schengen, les pays qui ne veulent pas davantage d’Europe ne toucheront plus les fonds structurels».
Jusqu'au printemps 2019, date du début de la prochaine campagne pour les élections des députés au Parlement européen, Emmanuel Macron, agissant en chef de file des partisans de la poursuite de l'intégration de l'UE, a catégoriquement défendu l'idée de l'abolition totale de l'UE des frontières intérieures entre les Etats membres. Cependant, lorsqu'il est devenu évident que la gravité du problème migratoire menaçait sérieusement les perspectives préélectorales des forces politiques de centre-droit, le président français a choisi de changer de point de vue en évoquant la possibilité de réviser l'accord de Schengen. Paris a commencé à soutenir la demande de fermeture de la frontière Schengen pour les migrants et de réviser les règles d'octroi de l'asile dans les Etats de l'UE vers un durcissement significatif.
Des élections présidentielles doivent se tenir en France au printemps 2022. A ce jour, les experts considèrent l'un des candidats de l'aile droite comme le principal rival de l'actuel chef de l'Etat français: La cheffe du RN, Le Pen; le journaliste et publiciste, Eric Zemmour; ou la gagnante des primaires des Républicains, Valérie Pécresse. Le Pen et Zemmour critiquent durement la politique migratoire du président français, exigeant le retour de la pleine souveraineté à la France dans ce dossier et bien d'autres. Valérie Pécresse, ancienne ministre du gouvernement Fillon, est considérée comme une politique plus systémique, mais elle s'oppose, également, à l'état des lieux actuel dans le domaine des migrations. En raison de cette nouvelle donne politique, Emmanuel Macron mise sur une refonte de Schengen pour regonfler son aura auprès de ses électeurs.
Juridiquement, les accords de Schengen, dans leur forme actuelle, prévoient la possibilité d'introduire des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen à titre temporaire, dans des circonstances exceptionnelles et en proportion de l'ampleur de la menace. De telles mesures peuvent être justifiées par des menaces graves pour la sécurité publique et la stabilité interne. En réalité, selon les critiques, les déclarations des politiques, comme celles du Président français sur la Présidence française du Conseil de l’UE, sont, dans la plupart des cas, vagues et semblent être motivées que par des intérêts tactiques, pour plaire aux exigences de l'opinion publique. Rien que sur le plan macronien concernant le développement économique et l'ambition climatique, l'augmentation du prix du gaz et du courant montre la limite de ce discours politique. Il en va de même pour son ambition jupitérienne de vouloir dicter, en européanisant, en Afrique comment vivre par la mise en place d'un New Deal économique et financier avec l'Afrique.
Philippe Rosenthal
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