Une nouvelle page mettant fin à des pressions économiques sur Téhéran qui datent d’une quarantaine d’années et qui ont été mises en place en 1979 après la révolution islamique iranienne peut-elle être écrite? Ces questions concernent non seulement le Proche-Orient mais sont également un enjeu mondial majeur dans une région très liée à l’acheminement du pétrole et donc ayant un impact significatif sur le cours de ce dernier.
Le PAGC de 2015 et sa dénonciation unilatérale par les Etats-Unis en 2018. Le traité de 2015 appelé en anglais JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action), PAGC en français (Plan d’Action Global Commun) est un traité par lequel les Etats-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne œuvraient à une intégration internationale de l’Iran en échange d’un gel vérifiable de son programme nucléaire. Il a été dénoncé par l’administration Trump en 2018 qui le jugeait «naïf» et ne garantissant pas la sécurité nationale US. En riposte, Téhéran s’est affranchie par étapes de ses obligations. Selon l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), l’Iran détient désormais 113 kg d’uranium enrichi à 20 % en uranium 235 et 17,7 kg enrichi à 60%. Il faut 25 kg d’uranium enrichi à 90% pour faire une bombe.
Historiquement, l’administration Trump a rejeté en 2018 les appels de l’UE en faveur de leur exclusion des sanctions US imposées à l’Iran suite au retrait unilatéral américain du pacte sur le nucléaire iranien. Selon les Européens, à l’époque, «les sanctions américaines ne devraient pas être imposées de façon à empêcher les acteurs économiques européens d’entreprendre des affaires légitimes avec l’Iran conformément à l’engagement pris dans le cadre de l’accord sur le programme nucléaire». Le retrait unilatéral des Etats-Unis du traité PAGC a été effectué bien que les autres participants au pacte et l’AIEA aient reconnu que l’Iran respectait pleinement à ce moment-là cet accord.
La position illégale US s’inscrit dans un plan plus vaste qui vise à limiter la puissance iranienne au Moyen-Orient. En effet, aux termes de l’Article 25 de la Charte des Nations Unies, les Etats membres sont tenus d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité. Les Etats-Unis, non seulement, ont violé la résolution 2231 du Conseil de sécurité (2015) mais ont contraint également les autres pays à faire de même compte tenu de l’extraterritorialité des sanctions appliquées. Les Etats-Unis, n’étant plus participant au Plan d’Action Global Commun depuis leur retrait de ce dit-plan, n’étaient pas en mesure de demander que le Conseil de sécurité invoque le mécanisme de rétablissement automatique des sanctions («snapback»).
Des positions iraniennes «incompatibles» avec le PAGC? Selon des déclarations actuelles de responsables diplomatiques de l’UE les propositions iraniennes sont «incompatibles» avec l’accord de Vienne. Dans le cadre des pourparlers de Vienne, l’Iran souhaite que les Etats-Unis reviennent, sans condition préalable, au PAGC en s’engageant d’y rester de manière irrévocable et que les sanctions frappant le pays soient levées avant que l’Iran recommence à respecter ses obligations mentionnées dans le-dit traité (la levée des sanctions nucléaires permettant la normalisation des relations commerciales et économiques).
Les exportations de pétrole iranien qui fournissent la quasi-totalité des recettes en devises du pays sont passées de 4 millions de barils par jour en 2017 à environ moins de 700 000 barils à aujourd’hui. Les USA, quant à eux, veulent que Téhéran applique d’abord le PAGC complété par un volet sur les missiles balistiques et les «ingérences régionales iraniennes» (Liban, Yémen, Irak, Syrie...). Les Etats-Unis considèrent, en effet, que la capacité militaire iranienne pose problème, Téhéran la tenant, par contre, comme un élément de défense lui permettant de garantir sa sécurité nationale.
Fermeté occidentale et réalité. Les négociations qui ont repris dans la capitale autrichienne sont enlisées entre défiance et menaces. Il est à noter que l’Iran et les Etats-Unis n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis 1980 et ne participent pas aux négociations à Vienne dans la même salle ce qui complique un peu plus celles-ci.
Les Occidentaux ont trois options actuellement:
1. Trouver un accord via le traité PAGC
2. Laisser l’Iran poursuivre son programme nucléaire en dehors de tout contrôle
3. Intervenir militairement
Téhéran n’a pas confiance dans la parole américaine compte tenu des précédents ce qui complique la première option qui semble toutefois la meilleure. La deuxième option pourrait donner le coup d’envoi à une prolifération d’armes nucléaires au Proche-Orient et permettre à Téhéran de devenir au minimum un «pays du seuil» capable de produire une bombe atomique en quelques mois. Quant à la troisième, elle pourrait conduire à un embrasement de la région (des opérations militaires longues ne parviendraient pas forcément à détruire les sites nucléaires iraniens dispersés, souterrains et hautement protégés), le tout dans une région source principale du commerce du pétrole.
En conclusion, la pression US sur l’Iran a été jusqu’à présent improductive. Les Etats-Unis n’ont jamais agi de bonne foi, selon Téhéran, bonne foi qui fait partie intégrante de la coopération internationale. La République islamique d’Iran a déjà, d’après elle, manifesté sa bonne foi et sa pleine responsabilité et s’attend à ce que la communauté internationale en fasse de même. Le caractère extraterritorial de sanctions US et l’alignement actuel de la politique de l’UE sur les positions de Washington sont un frein au développement des bonnes relations Iran-UE. On peut, toutefois, espérer que le bon sens des participants aux pourparlers de Vienne prévale si ce n’est que pour des raisons de stabilité économique mondiale.
Anne Philippe
Source: https://www.mondialisation.ca/iran-accord-et-desaccords/5663928
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