Dans ce qu'on appelle une période cruciale pour l'islam en France, le Conseil français du culte musulman (CFCM) - médiateur officiel entre le gouvernement et les chefs religieux de la communauté musulmane du pays - va être dissous et remplacé par une nouvelle structure.
Pari risqué et opération médiatique de Macron. «Le président enterre le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) pour lancer, samedi 5 février 2022, le «Forum de l’Islam de France» destiné à remplacer l’ancien interlocuteur des pouvoirs publics. Pari risqué», écrit Le Parisien. En fait, c'est le ministre des Cultes, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui va, comme Radio Classique le souligne, notamment lancer le Forum de l’islam de France, pour remplacer le Conseil français du culte musulman (CFCM). Pour Le Monde, «la nouvelle gouvernance de l’islam en France se présente comme une opération médiatique pour Emmanuel Macron».
Le Forum de l'Islam de France (Forif), qui sera lancé par le président Emmanuel Macron le 5 février 2022, est un processus complexe. Il sera lancé à l'endroit même où l'Assemblée citoyenne pour le climat a été créée pour conseiller le gouvernement de la Ve République sur sa stratégie de lutte contre le réchauffement climatique. «Nous voulons déclencher une révolution en essayant d'en finir avec le (soi-disant) islam consulaire», a déclaré le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, au journal Le Parisien. «L'Islam n'est pas la religion des étrangers en France, mais la religion française, qui ne doit pas dépendre de l'argent ou des autorités étrangères», a-t-il précisé.
Le gouvernement du plus grand pays d'Europe occidentale travaille avec le CFCM, un organe élu, depuis que l'ancien président français, Nicolas Sarkozy, était au pouvoir, mais Gerarld Darmanin a déclaré que le conseil ne remplissait plus son rôle car il était «sous trop d'influence extérieure», notamment, de la part de consulats étrangers. «C'est la fin de l'influence étrangère par l'islam en France», précisa-t-il.
Selon les médias français, le CFCM est à l'agonie depuis de nombreuses années en raison de divisions internes, de l'influence croissante de pays comme la Turquie et d'éléments radicaux. Depuis le 20 janvier 2022, le Conseil français du culte musulman (CFCM) n'a plus de président. Le mandat de Mohamed Moussaoui est, en effet, arrivé à son terme le 19 janvier 2022.
La signature de la Charte de la laïcité du début de 2021 n'a pas fait l'unanimité au sein du Conseil dissous: les trois fédérations qui y figuraient ont refusé de l'accepter. Les commentateurs locaux disent qu'enterrer le CFCM - créé en 2003- de longue date et parier sur un nouveau style d'organisation plus proche des musulmans ordinaires est une décision audacieuse d' Emmanuel Macron.
Les organisateurs caractérisent le Forum de l'Islam de France comme une sorte de congrès de citoyens avec une position islamique active leur permettant d'échanger des idées avec le gouvernement. Environ 100 personnes ont été invitées à discuter du processus de formation d'une nouvelle structure sociale. L'objectif est de s'entendre sur la voie à suivre, ainsi que sur la structure institutionnelle, la charte et les représentants du forum.
«Il s'agit de travailler avec des partenaires sans tendances islamistes qui ne servent pas d'outils à l'ingérence étrangère», a déclaré l'un des organisateurs du Forum de l'Islam de France au Parisien sous couvert d'anonymat.
Les Imams, comme les personnalités influentes de la société civile et des ONG, les représentants du monde académique, les chefs d’entreprises françaises devraient participer aux travaux du Forum. Les femmes constitueront un quart de ses participants.
Les noms divulgués aux médias incluent Yacine Hilmi, qui œuvre depuis 2013 à la formation des imams à la langue et aux valeurs françaises, l'ancien aumônier national des hôpitaux pour le culte musulman, Abdelhaq Nabaoui, qui multiplie les initiatives pour former des cadres religieux à Strasbourg, et Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon.
Emmanuel Macron affirme que la composition du Forum, choisie par les autorités, est beaucoup plus représentative de la communauté musulmane de France que les cinq ou six personnes qui dirigeaient auparavant le CFCM.
Rappelons qu'à l'automne 2020, la France a subi plusieurs attentats terroristes à la fois. Le 16 octobre, en banlieue parisienne, Abdoullakh Anzorov, 18 ans, natif de Tchétchénie, a attaqué aux cris d'«Allah Akbar», au couteau Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie, 47 ans, et l'a tué et décapité. Dans une leçon sur la liberté d'expression, Samuel Paty a montré aux élèves des caricatures du prophète Mahomet publiées dans le magazine satirique français Charlie Hebdo.
Le 29 octobre, un natif de Tunisie, qui s'est vu refuser l'asile en Italie, a fait irruption dans la basilique catholique Notre-Dame de Nice. Il a attaqué les visiteurs avec un couteau. Trois personnes sont mortes et six autres ont été blessées. L'agresseur, qui a également crié «Allah Akbar», a été blessé par balle lors de l'arrestation.
Tout récemment, Ophélie Meunier a été menacée de mort. Le Figaro rappelle que «les menaces de mort reçues par la journaliste Ophélie Meunier après la diffusion, sur M6, d’une enquête autour de l’islamisme à Roubaix ont provoqué émoi et inquiétudes dans les média». Et «la présentatrice de l’émission ''Zone interdite'' a été placée sous protection policière».
Il semble bien que les mesures administratives qui consistent à changer de nom une organisation musulmane de France ne pourra pas changer la question de l'islam en France car les populations musulmanes sont autant françaises que les autres et bénéficient de la liberté de culte. Et, le culte étant une affaire privée, les idées provenant de l'islam radical, peuvent se transmettre à loisir dans le pays. La mesure d'Emmanuel Macron actée par Gérald Darmanin n'est qu'un changement d'étiquette auquel, de surcroît, la France n'a pas demandé l'avis des musulmans vivant en France. Une imposition d'une structure venant du haut ne pourra pas avoir un succès.
Ainsi, la nouvelle gouvernance de l’islam en France se présente comme une opération médiatique pour Emmanuel Macron et c’est un pari risqué.
Philippe Rosenthal
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