Les violations des droits des minorités nationales par le gouvernement ukrainien sont devenues régulières et systémiques.
Cette situation est surtout révélatrice dans le cas de la population russe aussi bien à cause du nombre significatif des représentants du peuple russe que de leur désaccord avec le fait qu'ils constituent une minorité, d'autant que dans plusieurs régions les Russes représentent la majorité de la population. C'est pourquoi le principal contexte du conflit civil suit la ligne d'une "nouvelle nation ukrainienne" - les Russes du Donbass défendant le droit à leur propre identité, histoire et avenir.
Néanmoins, il est à noter une multitude d'autres conflits identitaires en Ukraine. Ils témoignent clairement d'un problème d'identité nationale et tracent une ligne de fracture impossible à surmonter par la politique menée actuellement par l'État ukrainien.
La violation des droits de la minorité hongroise en Transcarpatie est l'un des exemples de la construction de l'identité nationale, sachant que cette minorité possède déjà une certaine expérience politique sous la forme de l'activité du Parti des Hongrois d'Ukraine. Le gouvernement hongrois, professant l'idéologie de renforcement de l'identité hongroise non seulement dans son pays, mais également à l'étranger, réagit activement à tous les cas d'oppression des Hongrois. De tels cas sont nombreux en Ukraine, sachant que la communauté hongroise compte au moins 150.000 personnes, selon les estimations de Budapest.
Cet aspect est significatif du point de vue de la construction des relations de l'Ukraine avec l'UE et l'Otan. C'est la Hongrie, préoccupée par le problème de la transgression des droits des compatriotes en Ukraine, qui utilise tous les moyens à sa disposition pour faire pression sur le gouvernement ukrainien et bloque ses capacités d'intensifier sa coopération avec l'Otan et l'UE. Ainsi, en 2019, la Hongrie a utilisé son droit de veto https://www.euractiv.com/section/defence-and-security/news/hungary-blocks-nato-statement-on-ukraine-over-minority-rights-row/ contre la déclaration commune des pays de l'Otan sur l'Ukraine se référant à des problèmes avec la situation de la minorité hongroise.
La première raison du conflit était la loi sur l'éducation adoptée https://uacrisis.org/en/61084-education-reform-ukraine par le parlement ukrainien en 2017. Budapest y avait immédiatement réagi qualifiant cette loi de violation sans précédent des droits de la minorité hongroise.
La Russie, la Roumanie, la Bulgarie et la Moldavie l'avaient également critiquée. Selon cette loi, les cours à l'école peuvent être dispensés seulement en ukrainien, car depuis 2020 l'éducation dans les langues nationales devaient être supprimée même en CP, ce qui témoigne de facto d'une ukrainisation totale de l'éducation scolaire et d'une assimilation forcée de toutes les identités. Le gouvernement hongrois a exigé de l'Ukraine de respecter ses engagements envers les minorités nationales, avant tout hongroise. Les négociations au sommet ont conduit à la formation d'un "district" hongrois dans la région de Transcarpatie.
En décembre 2020, il a été annoncé qu'une perquisition avait eu lieu le 30 novembre chez le leader de la communauté hongroise de la Transcarpatie et ses compagnons. Alors que ce parti ne fait pas concurrence aux principaux acteurs politiques. À noter que ces perquisitions se sont déroulées sous le signe d'une éventuelle ingérence de la Hongrie dans la vie politique de l'Ukraine.
Le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto a évoqué les actions de Kiev pendant une réunion de l'Otan le 1er décembre, il a également demandé au ministère des Affaires étrangères de l'Albanie, qui préside l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), d'envoyer en Transcarpatie une mission d'observation. De plus, le 2 décembre, les représentants de la Hongrie au Parlement européen (Fidesz et le Parti populaire démocrate-chrétien) ont déclaré que les relations entre l'Ukraine et les minorités nationales avaient atteint le niveau d'une guerre civile, ont accusé le gouvernement ukrainien d'incitation à la haine et ont exigé de condamner cet incident. Ce qui a détruit les ententes précédentes entre les parties. À présent, la Hongrie est déjà prête à adopter une attitude plus intransigeante envers le partenariat entre l'Ukraine et les différentes structures de l'Otan.
Le gouvernement ukrainien est tout autant critiqué par les Polonais ethniques, qui sont près de 144.000 personnes. La discussion sur la situation des Polonais en Ukraine a débouché sur l'idée de signer un accord polono-ukrainien bilatéral sur les droits de la minorité polonaise. De plus, Varsovie formule des revendications historiques appuyées par la politique ukrainienne actuelle visant à glorifier les nazis et les nationalistes ukrainiens. Ainsi, l'Organisation des nationalistes ukrainiens et l'Armée insurrectionnelle ukrainienne sont responsables du génocide de Polonais ethniques, et maintenant ils estiment avoir droit à une indemnisation pour le préjudice causé lorsque la majorité d'entre eux a été éradiquée ou chassée.
Les Roumains ethniques (environ 150.000 personnes aujourd'hui, qui se considèrent ensemble avec les Moldaves en disant qu'ils représentent une communauté de 500.000 personnes) ont également demandé plusieurs fois à Bucarest de défendre leurs droits contre les actions du gouvernement ukrainien liées à l'ukrainisation forcée. De plus, les représentants de la communauté roumaine craignent des conséquences négatives de la réforme territoriale administrative en Ukraine, qui entraînera la division de la communauté en plusieurs parties dans différentes régions de l'Ukraine, ce qui changerait ses capacités politiques.
La politique de l'État ukrainien laisse transparaître la mise en œuvre du programme politique de l'extrême-droite et des nationalistes ukrainiens. Si le gouvernement se plie à leurs exigences en pratique, cela ne pourra pas être ignoré en pensant que soi-disant l'aspect nationaliste ne se manifeste pas dans le représentation politique. Ce fait ne peut pas être ignoré. Cela prouve clairement la continuité de la réforme nationaliste en Ukraine. Par conséquent, les conflits dans différents formats se poursuivront: l'Ukraine nationaliste ne pourra pas trouver un compromis ni normaliser la coopération avec ses voisins.
Il est également évident que le gouvernement n'est pas prêt à mener des réformes visant à décentraliser et à reconnaître les droits des minorités à l'autonomie.
Kiev pense que toute concession en la matière en faveur de qui que ce soit conduirait à des concessions au profit des Russes du Donbass. C'est pourquoi il est plus facile pour le gouvernement de Volodymyr Zelensky, comme pour tous les autres gouvernements avant lui, d'accuser la Russie et des forces prorusses de commettre des actions séparatistes à travers le pays que de procéder à des réformes constitutionnelles.
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs