Ces derniers jours, l'Occident avait beaucoup œuvré pour impliquer la Chine dans le front uni des condamnations des actions de la Russie en Ukraine, dans l'espoir de l'empêcher de soutenir Moscou, avant tout dans le secteur financier et économique.
Cependant, lors du vote sur une résolution sur l'Ukraine proposée par les Américains et bloquée par la Russie au Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et l'Inde s'étaient abstenues. Or ces deux pays représentent pratiquement la moitié de la population de la planète.
Les États-Unis ont noté le discours de la porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Chine Hua Chunying, qui a refusé de qualifier l'opération militaire russe en Ukraine d'"invasion". De plus, selon elle, c'est Washington qui a provoqué la guerre en livrant des armes à Kiev et par une "fausse alerte". La diplomate a clairement laissé entendre qu'en la matière Pékin s'était rangé du côté de Moscou, écrit The Washington Times. Certains se sont demandés si Pékin ne comptait pas profiter de la situation pour réaliser ses propres ambitions de longue date pour rattacher l'île de Taïwan.
L'ancien président américain Donald Trump a également dit que dans ces circonstances la Chine pourrait tout à fait "capturer" Taïwan. The Washington Post a retrouvé sur les réseaux sociaux des consignes internes de l'agence de presse Xinhua que dans les événements en Ukraine les journalistes devaient soutenir la Russie. Elles stipulent notamment: "À terme, la Chine aura également besoin de l'entente et du soutien de la Russie, en particulier quand elle se mesurera aux États-Unis en réglant le problème taïwanais une bonne fois pour toute."
La revue américaine Foreign Policy cite le pronostic fait il y a quelques années par l'ancien chef du commandement Indo-Pacifique des États-Unis, l'amiral Philip Davidson, que "la Chine pourrait attaquer Taïwan d'ici six ans". Et les États-Unis pourraient perdre cette guerre, selon l'amiral. "Pire encore", estime Foreign Policy, Moscou et Pékin créent un partenariat stratégique de plus en plus étroit, notamment dans le secteur militaire. Ils pourraient "coordonner des attaques simultanées contre la structure de l'alliance américaine ou profiter de l'effet de diversion assuré par l'agression de l'autre partie".
À l'étape actuelle, selon les experts la Chine pourrait assouplir pour la Russie l'effet des sanctions décrétées contre cette dernière. Par ailleurs, Pékin a déjà annoncé la levée de toutes les barrières phytosanitaires et autres pour les livraisons des céréales russes sur le marché chinois, où elles arrivaient jusqu'ici en quantité très limitée.
Les restrictions au niveau du système de paiement SWIFT pourraient également être partiellement contournées non seulement grâce aux systèmes de paiement russes déjà mis en place, mais également grâce à la connexion aux analogues chinois. Ensemble, ils pourraient créer une alternative viable au SWIFT.
Pour l'instant, la Chine étudie minutieusement les modalités de la réaction occidentale à la crise ukrainienne, s'y essayant en cas de situation similaire avec Taïwan. En élaborant des mécanismes de compensation simplifiant la situation de la Russie, Pékin le fait également pour soi-même. La probabilité de devoir les utiliser tôt ou tard dans ses propres intérêts, notamment en recourant à l'aide de la Russie, reste assez élevée.
Alexandre Lemoine
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