24.03.2022
Les Etats-Unis profiteront de la crise ukrainienne pour tenter de remplacer la dépendance énergétique européenne de la Russie (40% du gaz que l'UE importé provient de Russie) par une dépendance à la fracturation hydraulique, inondant le marché européen de GNL, mais ils ne pourront pas éviter le jumelage d'intérêts russo-chinois qui sera le barrage d'endiguement des rêves impérialistes américains et qui pourrait conduire dans un avenir proche à une guerre mondiale (Troisième Guerre mondiale).
Stratégie américaine de George F. Kennan contre Vladimir Poutine. Les déclarations dures de Joe Biden sur la Russie (Poutine est un «criminel de guerre») et la mise en œuvre de sanctions pour parvenir à l'asphyxie économique et à la famine financière de la Russie à la suite de la crise ukrainienne ont mis en scène l'arrivée de la guerre froide 2.0 et le retour de la thèse géopolitique de George Kennan qui affirmait que «dire que le renversement des régimes hostiles aux Etats-Unis est l'objectif principal des services de renseignement américains est un secret de Polichinelle». Vladimir Poutine est conscient de la nouvelle dynamique d'action-réaction dans laquelle seront désormais impliquées les relations russo-américaines (Guerre froide 2.0) et qui se traduira par l'intensification de la stratégie de confinement du kennanisme pour étouffer l'économie russe.
Cette stratégie puiserait aux sources de la théorie exposée par Sherman Kent dans son livre Strategic Intelligence for North American World Policy et publié en 1949 où il prévoyait que «la guerre n'est pas toujours conventionnelle: en fait, une grande partie de la guerre, éloignée et la plus proche, a toujours été menée avec des armes non conventionnelles: [...] armes politiques et économiques». Plus tard, il ajoute que les instruments de la guerre économique «consistent en la carotte et le bâton»: «le blocus, le gel des fonds, le 'boycott', l'embargo et la liste noire d'une part ; les subventions, les prêts, les traités bilatéraux, de troc et d'accords commerciaux d'autre part». Cette doctrine se refléterait dans la mise en œuvre récente de sanctions contre la Russie qui cherchent à parvenir à sa famine financière et à l'asphyxie économique qui conduit à un défaut ou à une suspension des paiements couplée à une inflation stratosphérique qui entraîne un coût de la vie inabordable pour la société russe et qui conduisent plus tard à une révolution de couleur contre Vladimir Poutine.
Doctrine d'endiguement contre la Chine. L'accord stratégique entre l'Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis connu sous le nom d'AUKUS symboliserait un changement dans la cartographie géopolitique mondiale en déplaçant le scénario atlantique pour l'Indo-Pacifique comme épicentre de l'impulsion géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine dans le but d'établir un arc de crise nucléaire autour de la Chine qui s'étendrait du Cachemire indien au Japon, en passant par la Corée du Sud, Singapour, le Vietnam, la Thaïlande et les Philippines et de fermer l'arc avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie pour dissuader la Chine de sa quête de domination de la mer de Chine. Cela symboliserait la création de la nouvelle alternative économique et militaire au projet raté de Barack Obama de créer un partenariat transpacifique (TPP). Et, le leitmotiv de cette manœuvre d'encerclement par les Etats-Unis serait d'appliquer la doctrine du confinement contre la Chine.
Les bases de cette doctrine ont été exposées par George F. Kennan dans son essai «Les sources du comportement soviétique» publié dans la revue Foreign Affairs en 1947 et dont les idées principales sont résumées dans la citation «Le pouvoir soviétique est imperméable à la logique de la raison mais très sensible à la logique de la force», ce qui aura pour effet collatéral l'augmentation de la course nucléaire en Chine qui, par mimétisme, s'étendra à l'espace géographique qui s'étend d'Israël à la Corée du Nord (y compris des pays comme l'Iran, le Pakistan, l'Inde et Chine).
Cette manœuvre enveloppante serait complétée par la tentative américaine d'assèchement des sources énergétiques de la Chine où la collaboration de Vladimir Poutine semble essentielle. La Chine souffre, en effet, d'une forte dépendance énergétique russe qui la rend très vulnérable. Ainsi, la Russie et la Chine ont scellé un contrat pétrolier stratosphérique qui est devenu l'un des plus importants de l'histoire de l'industrie énergétique. La compagnie pétrolière russe Rosneft avait annoncé en 2013 qu’elle doublerait ses livraisons de pétrole à la Chine à 600.000 barils par jour, dans le cadre d’un accord dont le montant global avait été estimé à 270 milliards de dollars (205 milliards d’euros). Et, en 2014, Gazprom et le géant pétrolier chinois CNPC ont signé un contrat d'approvisionnement de trente ans pour 400 milliards de dollars qui devait, selon CNPC, «atteindre dès 2018 quelque 38 milliards de mètres cubes par an».
Le Monde notait déjà: «Cette signature pourrait symboliser une transition importante, qui voit se parachever, tant au point de vue économique que géopolitique, le détournement de la Russie de l'ouest vers l'est». Le gaz russe passe par le gazoduc Sila Sibiri (Force de Sibérie) qui a jeté les bases économiques de l'Union eurasienne. La construction du gazoduc Force de Sibérie a débuté en aout 2014. La crise ukrainienne est en train de provoquer le jumelage des intérêts russo-chinois qui sera le barrage d'endiguement des rêves impérialistes américains et qui pourrait conduire dans un avenir proche à une guerre mondiale (Troisième Guerre mondiale).
Germán Gorraiz López, analyste politique
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