13.04.2022
La situation en Libye s'est sérieusement dégradée. C'est arrivé après la déclaration des représentants de l'Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar qui travaillent dans la Commission militaire mixte au format 5+5. Ils ont suspendu l'accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020 et ont quitté la commission. Les experts pensent que de telles déclarations pourraient conduire aux conséquences les plus indésirables pour la Libye: de l'approfondissement de la scission entre l'est et l'ouest allant jusqu'à une nouvelle guerre.
Les officiers supérieurs de l'ANL participant à cette commission ont avancé quatre principales exigences: cesser les exportations du pétrole libyen, bloquer la route côtière reliant l'est et l'ouest du pays, cesser la coopération et tout contact avec le Gouvernement d'union nationale (GUN) d'Abdel Hamid Dbeiba basé à Tripoli, et cesser les vols entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine. De facto, il s'agirait de renoncer aux acquis primordiaux de la commission au prix d'immenses efforts.
La Commission militaire mixte a été créée conformément aux décisions de la Conférence de Berlin sur la paix. Ses actions ont permis de stopper l'effusion de sang et de signer un accord de cessez-le-feu après une campagne ratée du maréchal Khalifa Haftar en Tripolitaine (région ouest de la Libye) lancée en avril 2019. De plus, des négociations ont commencé sur l'unification des institutions militaires du pays, les conditions nécessaires ont été garanties pour élire un gouvernement de transition et un accord a été conclu sur l'organisation d'une présidentielle et des législatives fin 2021, qui n'ont pas eu lieu pour plusieurs raisons.
Selon les experts, l'activation soudaine des représentants de l'ANL pourrait s'expliquer au moins par deux choses.
Premièrement, la volonté de Khalifa Haftar et du président du parlement Aguila Saleh d'aider leur allié politique Fathi Bachagha à occuper le siège du nouveau cabinet ministériel pour remplacer Abdel Hamid Dbeiba, qui refuse de démissionner.
Deuxièmement, la volonté du centre du pouvoir à l'est d'imposer au gouvernement sa propre façon de verser le salaire aux militaires de l'ANL.
Abdel Hamid Dbeiba insiste sur le versement de l'argent sur les comptes individuels de chaque militaire. Alors que Khalifa Haftar préfère que le gouvernement verse toute la somme en une seule tranche, après quoi les comptables militaires décideront eux-mêmes comment et quelles sommes doivent être versées aux militaires.
Quoi qu'il en soit, la sortie des officiers supérieurs de l'ANL faisant partie de la Commission militaire mixte de l'accord de cessez-le-feu a été prise avec une grande inquiétude par le gouvernement d'Abdel Hamid Dbeiba, qui occupe également le poste de ministre de la Défense. Le jour même, il s'est entretenu avec le chef d'état-major de l'armée de terre Gribil al-Fitouri. Les interlocuteurs ont souligné l'importante contribution de la Commission militaire mixte à la paix. D'après le chef d'état-major, le travail de la commission est clair et détaillé, il n'a rien à voir avec les questions politiques. Le général Mustapha Yahia a déclaré ensuite au nom des participants de l'ouest de la commission que le point de vue des collègues de l'est ne reflétait pas l'avis de toute la commission.
Les exigences des membres de la commission de l'ANL laissent une impression controversée. Immédiatement après les déclarations des officiers supérieurs, plusieurs médias libyens ont annoncé que la production de pétrole dans certains champs du pays contrôlés par l'ANL avait cessé. Cependant, le général de brigade Ahmed al-Mismari, porte-parole de l'ANL, a immédiatement démenti ces informations. Il se pourrait que Khalifa Haftar ait décidé au dernier moment qu'il serait contreproductif pour lui et pour Fathi Bachagha de jouer la carte pétrolière. Le pétrole est la seule source de revenus pour la Libye.
Alexandre Lemoine
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