16.05.2022
La réunion de deux jours des ministres des Affaires étrangères de l'Otan, qui s'est achevée dimanche 15 mai à Berlin, a poursuivi la "semaine de solidarité occidentale" en Allemagne entamée par la réunion du G7 à Wangels (l'arrondissement du Holstein-de-l'Est en Allemagne septentrionale) près de la mer Baltique.
La réunion du G7, portant essentiellement sur le soutien de l'Ukraine et la recherche de nouvelles solutions pour renforcer la pression sur la Russie, a passé le relais à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Otan, où étaient évoqués non plus des moyens économiques mais militaires pour endiguer Moscou. À cet égard, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock et la plupart de ses homologues du G7 se sont rendus dans la capitale allemande pour poursuivre la discussion sur les questions primordiales pour les alliés occidentaux.
À Berlin, ils étaient attendus par le secrétaire d'État américain Antony Blinken (Washington était représenté au G7 par la sous-secrétaire d'État Victoria Nuland), les homologues d'autres pays de l'Otan, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba et, enfin, les ministres des Affaires étrangères de la Finlande et de la Suède, Pekka Haavisto et Ann Linde, qui comptent demander leur adhésion à l'Alliance.
Les chefs de la diplomatie des pays de l'Otan ont procédé à Berlin à leur dernière "remise des pendules à l'heure" avant le sommet de juin de l'Alliance à Madrid. La confrontation avec la Russie à cause du conflit en Ukraine et avec la Chine dans la région indopacifique a conduit à l'accélération du travail sur une stratégie d'une "Otan mondiale" revendiquant le rôle de principale force militaire, d'un centre de politique mondiale et de garant de la sécurité.
Le règlement de la question d'adhésion accélérée de la Finlande et de la Suède sera la première épreuve de la viabilité de la nouvelle stratégie. La Turquie est la première à s'y opposer à cause du soutien accordé par ces pays aux séparatistes kurdes. Toutefois, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a affirmé à Berlin qu'Ankara n'était pas opposé à la politique de la porte ouverte de l'Otan, laissant entendre qu'un compromis était possible.
Dans son allocution aux participants à la réunion, la chef de la diplomatie allemande les a appelés à prendre conscience du fait que le début de l'opération spéciale russe en Ukraine était non seulement un défi sans précédent pour l'Occident, mais également le point de départ d'une nouvelle étape dans l'évolution de l'Alliance. Selon Annalena Baerbock, l'expansion de l'Otan doit devenir la réponse principale en mettant en œuvre la politique de la porte ouverte en acceptant des pays qui sont forcés à renoncer à leur neutralité pour rejoindre l'Otan.
"Le monde a changé après le 24 février, et depuis l'Otan possède une autre signification, notamment pour les amis en Europe du Nord, la Suède et la Finlande", a déclaré Annalena Baerbock. Notant qu'initialement ces pays "ne voulaient pas intégrer l'Otan et maintenant on les y pousse", la ministre allemande a appelé à régler la question relative à leur adhésion à l'Alliance dans les plus brefs délais. "En tant que gouvernement allemand, nous avons tout préparé pour lancer très rapidement le processus de ratification des documents nécessaires", affirmé la chef de la diplomatie allemande.
Quelques heures plus tard, dimanche, la Finlande a pris la décision officielle de demander son adhésion à l'Otan. "Aujourd'hui, le président et la commission gouvernementale pour la politique étrangère et la défense ont décidé de déposer leur demander d'adhésion à l'Otan. C'est un jour historique. C'est une nouvelle ère qui commence", a déclaré le président finlandais Sauli Niinistö lors d'une conférence de presse à Helsinki. Les questions procédurales demanderont trois jours: une discussion sera organisée ce lundi au parlement, qui votera mardi, et mercredi la demande d'Helsinki sera envoyée à Bruxelles.
Dans la soirée, il a été rapporté que la Suède avait également décidé de demander d'intégrer l'Otan. La déclaration du Parti social-démocrate au pouvoir stipule néanmoins qu'en cas d'approbation la Suède n'admettrait pas le déploiement sur son territoire de l'arme nucléaire ou de bases militaires permanentes.
Quoi qu'il en soit, dans le meilleur des cas l'accueil de nouveaux membres dans l'Otan prendra plusieurs mois, étant donné que la demande doit d'abord être examinée par le Conseil de l'Otan, suivi par des pourparlers avec l'Alliance et la signature d'un accord d'adhésion, qui doit être ratifié au niveau national par les 30 membres de l'Otan.
Tandis que la grande majorité des pays membres de l'Otan a initialement soutenu l'élargissement de l'Otan avec une adhésion rapide de Stockholm et d'Helsinki, la Turquie est le principal opposant à cette initiative, et elle n'est pas la seule. C'est pourquoi l'une des principales intrigues de la réunion de Berlin était de savoir si Ankara changerait de position, alors qu'il se montrait réticent à soutenir la demande de la Finlande et de la Suède. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré à la veille de la réunion de Berlin qu'Ankara s'opposait à l'adhésion de ces deux pays parce qu'ils étaient des "auberges pour des organisations terroristes", faisant allusion aux membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit en Turquie.
Exprimant son regret quant à la décision du précédent gouvernement turc d'accepter l'adhésion de la Grèce dans l'Otan, le président Erdogan a souligné qu'Ankara ne voulait pas commettre une autre erreur historique.
Par ailleurs, à l'issue des rencontres à Berlin, Mevlüt Çavuşoğlu a assuré qu'Ankara n'était pas opposé à la politique de la porte ouverte de l'Otan, laissant entendre qu'un compromis était possible. "Mes collègues se sont dits prêts à travailler avec nous sur les points qui nous préoccupent. Nous avons présenté hier toutes les preuves de leur coopération avec le PKK", a déclaré le chef de la diplomatie turque lors d'une conférence de presse à Berlin.
La Croatie a fait part de sa disposition à lever ses objections précédemment exprimées. "Je pense que la discussion va dans le bon sens. J'espère que notre discussion finale sera réussie et que nous parviendrons à obtenir un résultat et à faire preuve de solidarité", a déclaré dimanche le ministre croate des Affaires étrangères Gordan Grlić-Radman.
La rencontre ministérielle informelle de l'Otan à Berlin a été la dernière "remise des pendules à l'heure" avant le sommet de l'Alliance prévu les 29 et 30 juin à Madrid, où la nouvelle stratégie de l'Alliance devrait être approuvée. La préparation pour le sommet et le travail sur le nouveau concept stratégique de l'Otan pour la décennie à venir ont été le thème principal de l'entretien qui a eu lieu samedi entre le secrétaire d'État américain Antony Blinken et le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg.
Alexandre Lemoine
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