20.05.2022
L'Iran et les médiateurs internationaux ont repris le travail sur la mise au point d'une entente sur la relance de l'accord nucléaire. Cela prête à penser que Washington est prêt à faire de grandes concessions, qui pourraient offusquer le congrès et décevoir les alliés.
Le dialogue de Vienne a été suspendu il y a environ deux mois, quand, étrangement, les diplomates partageaient des avis optimistes au sujet d'un progrès en vue. Le département d'Etat américain s'opposait de toutes ses forces à l'idée de rayer le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) de la liste noire, martelant que ce dossier sortait du cadre du Plan d'action global commun (PAGC) sur le nucléaire iranien signé en 2015, que les diplomates cherchent à relancer, et c'est pourquoi il est incorrect de l'évoquer dans le cadre du dialogue nucléaire. Néanmoins, les Iraniens se montraient insistants.
Deux facteurs importants dépendent de la concession sur ce point. Le premier est lié aux transactions bancaires. Des centaines de compagnies travaillent en Iran affiliées à différents niveaux au CGRI, et l'exclusion de la liste faciliterait leurs capacités dans les affaires internationales. Deuxièmement, Téhéran est persuadé que les figurants des FTO (Foreign Terrorist Organizations) risquent d'être éliminés, c'est pourquoi la levée des sanctions en ce sens réduirait la nervosité du sommet du CGRI et préviendrait la prise de décisions émotionnelles.
La reprise des négociations sur le rétablissement de l'accord nucléaire entre l'Iran et les médiateurs internationaux a été annoncée après la visite du négociateur de l'UE Enrique Mora à Téhéran. La partie iranienne a transmis aux Américains via le diplomate européen plusieurs propositions appelées à réanimer le dialogue en Autriche, mis sur pause en mars. Le retour des équipes de négociation à Vienne dépend de la réaction de l'administration Biden à ces initiatives, a laissé entendre Téhéran.
Selon le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov, le texte des accords est pratiquement prêt à l'adoption. Il ne reste que des problèmes de nature politique, a-t-il précisé.
L'un de ces principaux problèmes est l'aspiration des Iraniens à faire rayer le Corps des gardiens de la révolution islamique de la liste américaine des organisations terroristes internationales (FTO), c'est une structure politico-militaire influente qui détermine non seulement la politique nationale mais aussi étrangère de Téhéran.
Si auparavant les analystes qualifiaient l'écoulement du temps de problème principal des négociateurs américains, ces derniers jours ont montré: cela pourrait devenir une épine dans le pied du gouvernement iranien. Et ce, à cause des réalités économiques en déclin. La décision prise ce mois-ci par l'administration du président Ebrahim Raïssi d'annuler les subventions publiques sur le blé importé a fait tripler le prix des produits fariniers dans le pays. À cela s'est ajoutée la décision d'augmenter les prix des produits de base.
Cette politique tarifaire, laquelle les autorités iraniennes ont commencé à expliquer par les conséquences de la crise alimentaire à cause de la guerre en Ukraine et l'activité de contrebande des États voisins, a révolté la population locale, qui a manifesté dans plusieurs dizaines de villes.
La levée hypothétique des sanctions internationales permettrait à l'économie iranienne de rétablir plusieurs subventions et de réduire la colère sociale. En cas de scénario positif, les économistes s'attendent à un sursaut de l'activité d'affaires: la République islamique recevrait un accès à ses réserves extérieures, suivi par l'expansion des exportations non pétrolières. L'intrigue est de savoir si l'attractivité de tels bénéfices poussera les Iraniens à renoncer aux exigences maximalistes aux négociations.
Il n'est pas exclu que la reprise potentielle du Plan d'action apporte une nouvelle impulsion à l'activité lobbyiste d'Israël et des pays du Golfe à Washington. Ce sont eux qui ont lancé il y a quatre ans une campagne pour répandre leur influence afin d'imposer l'inscription du CGRI sur la liste FTO. Tel Aviv estime que la relance du PAGC permettra à Téhéran d'accroître des ressources pour se doter d'une arme de destruction massive.
L'accord nucléaire repose sur la reconnaissance du droit de l'Iran à un programme nucléaire civil à part entière, qui inclut notamment le maintien des capacités industrielles pour enrichir l'uranium et pas seulement, même sous forme limitée pendant un certain temps. L'accord nucléaire part du principe qu'il vaut mieux s'entendre avec l'Iran et avoir un programme nucléaire transparent sous la surveillance de l'AIEA que de s'engager dans une crise avec des résultats imprévisibles, estiment les experts.
Alexandre Lemoine
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