05.08.2022
La nouvelle profonde crise ayant frappé l'Irak en octobre 2021 entre dans une phase aiguë. Depuis dix mois, ce pays peut être difficilement considéré comme un État viable: les pouvoirs des organes suprêmes du pouvoir ont expiré en décembre 2021, alors que le nouveau parlement n'a pas réussi à avancer un candidat au poste de premier ministre.
Toutes les tentatives du mouvement Sairoun (En Marche), arrivé premier aux législatives, de s'entendre avec l'opposition ont échoué, après quoi, fin mai, Moqtada al-Sadr a annoncé la sortie des représentants de sa coalition du parlement. Après la démission de 73 des 329 députés, les espoirs de constituer un gouvernement viable se sont définitivement effondrés. Et pour cause, la candidature du nouveau chef de gouvernement, conformément à la Constitution, doit être soutenue par au moins les deux tiers des législateurs, or ces derniers entretiennent des relations compliquées.
Après le départ de la faction d'al-Sadr, le chef du deuxième plus grand groupe, Nouri al-Maliki, a avancé sa candidature au poste de premier ministre, avant de la retirer: les Irakiens associent sa figure au déchaînement de la corruption. De plus, certains le considèrent comme coupable des évènements tragiques de 2014, lorsque les troupes de Daech (État islamique, organisation terroriste interdite en Russie) ont occupé Mossoul, Tikrit et d'autres villes et vastes régions du pays.
À sa place, la coalition Cadre de coordination a avancé un autre candidat, Mohammed al-Soudani. Mais cela n'a fait qu'augmenter le degré d'irritation, car entre 2010 et 2014 il avait travaillé au gouvernement de Nouri al-Maliki au poste de ministre des Droits de l'homme.
Moqtada al-Sadr a critiqué ces initiatives, et ses partisans ont engagé des actions actives. Le 27 juillet, des manifestants ont pénétré dans l'enceinte du parlement dans la capitale. En dépit des appels du premier ministre par intérim Moustafa al-Kazimi à quitter immédiatement le parlement, les manifestants ont annoncé une grève assise à durée indéterminée.
Deux jours plus tard, les forces de sécurité ont bloqué l'accès à la Zone verte de la capitale et les manifestants ont commencé à quitter le quartier. Selon les médias locaux, un compromis a été trouvé entre les autorités et Moqtada al-Sadr. Cependant, un chef du Cadre de coordination a déclaré que la coalition ne comptait pas retirer son candidat au poste de premier ministre et les protestations ont repris avec une nouvelle force.
Le 30 juillet, les partisans de Moqtada al-Sadr se sont de nouveau introduits au parlement, cette fois exigeant la dissolution de l'organe législatif et la création d'un gouvernement de transition, ainsi que le changement de la direction du Conseil judiciaire suprême. Moqtada al-Sadr avait qualifié ces faits de révolution.
Des forces supplémentaires ont été envoyées à Bagdad. Les affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants ont duré toute la nuit du 31 juillet au 1er août, il y a eu des blessés des deux côtés. Des rassemblements ont également commencé dans d'autres provinces: Maysan, Diwaniya, Diyala, Babylone, Dhi Qar, Bassorah.
Cette situation d'impasse ne peut pas se résorber d'elle-même. Une bombe a été posée dans la Constitution. Le système de quota du pouvoir selon l'ethnie et la religion (comme au Liban ou en Bosnie) engendre des crises en permanence. Cependant, le changement de la Constitution, même par des amendements, n'est pas une affaire rapide et peu probable dans les circonstances actuelles.
Sur fond de querelles politiques incessantes attisées par la crise économique, le pays s'est retrouvé une nouvelle fois au seuil d'une guerre civile.
Il est évident pour tous qu'une guerre civile serait le pire des scénarios. L'un des moyens radicaux de l'empêcher serait un coup d'État militaire. Tous les coups d'État militaires commis dans les pays arabes (Égypte, Irak, Syrie, Libye, etc.) vainquaient sous le slogan du nationalisme arabe. C'est pourquoi Moqtada al-Sadr appelle à une révolution nationale, à chasser les "intervenants occidentaux et orientaux", faisant allusion aux États-Unis et à l'Iran.
Cependant, il n'y a pas non plus d'unanimité parmi les militaires. Outre les liens tribaux traditionnels, beaucoup d'entre eux sont étroitement liés à différents groupuscules politiques. Hormis l'armée régulière, le ministère de l'Intérieur et les services spéciaux, il existe la puissante "milice populaire" chiite paramilitaire, qui n'est pas tant subordonnée aux directives de Bagdad que remplit des missions dans l'intérêt des personnalités radicales étroitement liées à l'Iran.
Enfin, une guerre par procuration est en cours sur le territoire irakien entre les États-Unis et l'Iran, alors que la Turquie poursuit son opération militaire spéciale permanente contre le Parti des travailleurs du Kurdistan dans les provinces dans le nord de l'Irak. Il demeure le problème du soutien du séparatisme kurde par les États-Unis et Israël avec des tentatives de séparer le Kurdistan irakien. De facto l'autonomie kurde est aujourd'hui une entité indépendante.
Ce qui refait penser au plan d'effondrement de l'Irak en trois parties: le Kurdistan, le sud chiite et la région sunnite. Cette option est étudiée depuis longtemps par les États-Unis comme étant préférable, car elle réduit à néant la probabilité de la renaissance de l'Irak en tant que puissance régionale avec de nouvelles menaces pour Israël, principal allié de Washington au Moyen-Orient.
L'information obtenue à partir de sources ouvertes
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