02.12.2022
Le président français, Emmanuel Macron, a entamé mercredi soir sa visite d'Etat aux Etats-Unis. Son avion a atterri sur la base militaire d'Andrews, non loin de Washington. Les honneurs particuliers n'étaient pas prévus pour cette fois par le protocole: ils seront rendus au chef de la Ve République plus tard.
Néanmoins, ce jour-là, Emmanuel Macron, qui est accompagné des ministres du premier rang – de l'économie, des Affaires étrangères, des forces armées, d'éminents industriels, ainsi que l'emblématique cosmonaute français, Thomas Pesquet, s'est rendu au siège de la NASA avec la vice-présidente américaine, Kamala Harris.
Le sujet de la coopération bilatérale dans l'espace a été indiqué, parmi d'autres sujets, au programme de l'actuel visite d'Emmanuel Macron. Lors de sa visite aux Etats-Unis, il y a quatre ans, on se souvient qu'Emmanuel Macron, comme invité de la Maison Blanche de l'époque, a été traité sans respect par Donald Trump. Ce dernier lui a retiré en public des pellicules de son épaule.
Il faut supposer que Joe Biden est peu susceptible de se permettre une telle familiarité. Au contraire, il montre un respect approprié pour atténuer l'effet extrêmement négatif résultant du contrat Aukus réalisé il y a un an et demi entre Washington, Canberra et Londres, qui a privé Paris d'un accord pour la livraison de sous-marins australiens d'une valeur de 56 milliards d'euros. Dès lors, Emmanuel Macron et son épouse Brigitte Macron sont reçus au plus haut niveau. Une réception de gala a eu lieu: avec l'interprétation des hymnes nationaux sur la pelouse sud devant la Maison Blanche; par un dîner privé entre les deux couples présidentiels dans l'un des meilleurs restaurants de la capitale et un dîner d'Etat avec la participation de centaines d'invités. Naturellement, tous les membres de la délégation française et politique, des intellectuels et autres personnalités constituant la crème de la société américaine sont présentes.
Les Européens craignent de voir leurs entreprises traverser massivement l'océan. Comme l'a écrit Le Figaro, «le locataire de l’Elysée n’est pas enclin à se contenter des lauriers: il veut du concret, au risque de se fixer des objectifs parfois impossibles à atteindre». De quoi parle-t-on? Lors de sa visite et des deux rounds d'entretiens avec Joe Biden de jeudi, le président français a tenté de convaincre, sinon d'éviter complètement, du moins d'atténuer l'aspect négatif pour l'industrie européenne, bien sûr, y compris française, de l'entrée en vigueur dès le début de l'année prochaine de la loi sur la réduction de l'inflation de 2022 (The Inflation Reduction Act of 2022 (IRA). Cette loi prévoit des réductions d'impôts et autres avantages pour 370 milliards de dollars dans le domaine de l'approvisionnement énergétique des entreprises américaines et pour celles qui vont ouvrir aux Etats-Unis. Les Européens ont très peur que leurs entreprises traversent massivement l'océan à cause des prix de l'énergie élevés chez eux.
Une concurrence déloyale. Observateur Continental a précisé qu' Emmanuel Macron, lui-même, peu avant son déplacement, a signalé que les Etats-Unis risquaient de «fragmenter l'Occident» avec une loi historique sur le climat, qualifiant cette loi d' «inamicale». Les gens de son entourage ont été plus catégoriques, la considérant comme une «concurrence déloyale».
Le président français représente-t-il uniquement son propre pays ou agit-il en accord avec ses homologues européens? C'est probablement la deuxième réponse. En tout cas, comme l'a dit son ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, la France et l'Allemagne veulent «apporter une réponse commune aux décisions américaines sur l'Inflation Reduction Act» qui, selon de nombreux économistes français comme Olivier Blanchard, conduira à «la désindustrialisation de l'Europe».
Observateur Continental avertissait déjà que «l'Europe et les Etats-Unis se dirigent vers une guerre commerciale».
Dernier grand gala diplomatique entre les Etats-Unis et l'UE. Pourtant, comme l'a pointé Politico récemment dans un article, la visite d'Emmanuel Macron à Washington «ressemble au dernier grand gala diplomatique où l'Europe peut persuader le président américain Joe Biden d'être indulgent avec ses alliés de l'UE et d'éviter une guerre commerciale». Le maximum, selon cette publication, qu'Emmanuel Macron pourrait obtenir de Joe Biden, «serait une sorte de concession selon laquelle les alliés européens pourraient obtenir les mêmes droits dans les accords de subvention de l'IRA que les entreprises américaines, canadiennes et mexicaines».
Mais ce n'est pas sûr. En tout cas, le président français a constaté à ses dépens, après avoir soutenu à fond la politique de guerre économique en faveur de l'Ukraine, que les Etats-Unis «profitent de la guerre alors que ses alliés sont en difficulté». Politico rappelle qu' «Emmanuel Macron a déjà accusé les Etats-Unis de poursuivre une approche protectionniste "agressive" et dénoncé que les prix du gaz américain ne sont pas "amicaux"».
L’unité sans faille du bloc européen est indispensable. Jérôme Chapuis, directeur de la rédaction du quotidien La Croix, est d'avis qu' «Emmanuel Macron a donc raison de hausser le ton». Mais, selon lui, «une protestation contre la loi du plus riche n’a de sens que si elle est suivie d’effets» car «pour se faire entendre des Etats-Unis, il faut non seulement les convaincre qu’une Europe stable et prospère leur est indispensable. Mais, il faut surtout rétablir un minimum de rapport de force. Lequel ne peut exister qu’à une condition: l’unité sans faille du bloc européen». «Or, si Emmanuel Macron se pose en défenseur des intérêts des Vingt-Sept, rien ne dit qu’il a toute leur confiance», avertit Jérôme Chapuis. 20 Minutes rapporte la réponse «dans un sourire» de Joe Biden à la question de savoir si Emmanuel Macron repart [en France] rassuré sur la question de la loi IRA: «Je suis confiant. C’est ma réponse».
Pierre Duval
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