23.01.2023
L'Allemagne, malgré la pression des Etats-Unis et de l'Ukraine, n'a pas osé autoriser l'envoi de ses chars Leopard dans la zone de conflit en Ukraine. Les pays, qui souhaitent livrer leurs chars de conception allemande, doivent obtenir l'aval de Berlin.
Lors d'une conférence de presse tenue après la réunion du groupe de contact sur le soutien à l'Ukraine des pays de l'Otan et de leurs alliés à la base de l'armée de l'air américaine à Ramstein, en Allemagne, le nouveau ministre fédéral allemand de la Défense, Boris Pistorius, a déclaré que lors de cette réunion, aucune décision n'avait été prise d'envoyer les chars allemands Leopard en Ukraine. Cette réunion a eu lieu vendredi dernier et de nombreux observateurs politiques, dont le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, avaient supposé qu'à la suite de celle-ci, une décision serait prise pour envoyer des armes offensives lourdes à l'Ukraine.
Selon Boris Pistorius concernant la livraison de chars Leopard (et il y en a environ 2000 en Europe dans divers pays), il n'y a pas eu de consensus parmi les participants à cette réunion. De plus, répondant à la question de l'un des participants à la conférence concernant la possibilité de livrer à l'Ukraine sans le consentement de l'Allemagne par d’autres propriétaires de chars allemands, il a répondu que de telles décisions n'avaient pas encore été prises.
Boris Pistorius, lui-même, a déclaré dans son discours qu'il avait l'intention de demander de vérifier combien de chars Leopard la Bundeswehr et les usines allemandes possèdent et dans quel état ils se trouvent. Il a fait savoir que cette instruction devait éviter les erreurs commises en janvier de cette année par l'ancienne ministre allemande de la Défense, Christina Lambrecht, avec le véhicule de combat d'infanterie Marder, qui, malgré le feu vert sur les livraisons, n'y était pas préparé.
L’actuel ministre de la Défense a souligné dans son discours que la priorité pour aujourd'hui, compte tenu de la nature des hostilités, est la livraison de systèmes de défense aérienne aux Ukrainiens. A cet égard, il a souligné la prochaine livraison du système Patriot allemand à l'Ukraine. Il a, également, fait savoir que le volume des livraisons, concernant les systèmes de défense aérienne automoteurs Gepard, sera également augmenté. La formation du personnel militaire ukrainien à l'utilisation du système Patriot, comme l'a dit le ministre, commencera en janvier. D’après lui, les hostilités en Ukraine vont se poursuivre pendant des mois.
Bien sûr, Boris Pistorius ne pouvait pas prendre de manière indépendante des décisions sur la livraison d'armes offensives lourdes à l'Ukraine. Il doit suivre les instructions données par le bureau du Chancelier fédéral, Olaf Scholz. L'un des commentateurs de la chaîne de télévision allemande a expliqué l'indécision d’Olaf Scholz sur cette question par des questions de politique intérieure. Il s'agit, en fait, d’une question historique. D’ailleurs, lors de sa visite à Paris pour l’anniversaire des 60 ans du Traité de l’Elysée, il n’a rien dit sur cet envoi de chars Leopard en Ukraine. Seule, sa ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, qui a lancé sur LCI, que l'Allemagne ne s'opposerait pas à la Pologne si Varsovie décidait d'envoyer des Leopard2 en Ukraine.
Apparemment, Olaf Scholz aimerait éviter de livrer des armes offensives allemandes dans la zone du conflit afin d'éviter le reproche selon lequel les chars allemands repassent, à nouveau, la terre du voisin oriental, faisant référence aux chars du Reich nazi durant la Seconde Guerre mondiale. C'est pourquoi, cette fois, il a tenté de lier les livraisons en chars Leopard à ceux des chars américains Abrams. Mais, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, s'est jusqu'à présent abstenu de décider de fournir ses chars aux Ukrainiens en raison de leur complexité. Il faut compter environ un an de formation pour savoir les manier. De plus, il a déclaré qu'il n'y avait aucun lien entre l'offre d'Abrams et les chars Leopard.
Commentant le discours de Lloyd Austin à Ramstein, le général allemand à la retraite Roland Kather s'exprimant sur l'une des chaînes de télévision, a fait part de sa déception face à la position négative de l'Allemagne sur l’envoi de chars Leopard. C'est peut-être pour cette raison qu'un certain nombre de sénateurs américains ont immédiatement publié une déclaration sur la nécessité d'envoyer des chars Abrams en Ukraine dès maintenant. Mais néanmoins, à Ramstein, Lloyd Austin a également annoncé un nouveau programme d'assistance militaire à Kiev qui comprendra des véhicules d'artillerie, de défense aérienne et de combat pour l’infanterie d'un montant de 2,5 milliards de dollars et 400 millions d'euros.
Par conséquent, l'Allemagne aide l'Ukraine, y compris en livrant des armes. La question, cependant, est de savoir jusqu'où cette assistance peut aller. Et, ce n'est absolument pas clair. Le fait est que pendant des décennies, en ce qui concerne l'exportation d'armes, l'Allemagne avait pour règle de ne pas en livrer dans des zones de guerre. Ces derniers mois, la coalition au pouvoir actuelle s'est éloignée de ces limites. Mais, la Russie est un pays doté d'armes nucléaires, et le conflit avec sa participation est donc extrêmement dangereux. Le conflit en Ukraine pourrait, du moins en théorie, s'aggraver. Le plus étonnant est de constater que c’est le parti des Ecologistes en Allemagne –le parti qui réclame la paix, le désarmement et la sécurité coopérative- qui joue du tambour pour envoyer des chars Leopard2 en Ukraine. Quoi de plus normal? L’un des fondateurs des Ecologistes allemands, Joschka Fischer, a argumenté en faveur du bombardement de l’Otan sur la Serbie en 1999 en lançant: «Plus jamais Auschwitz».
Philippe Rosenthal
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