29.03.2023
L'affaire de la faillite de la Silicon Valley Bank, de Signature Bank (SVB) ou du Credit Suisse ne s'est pas limitée aux États-Unis et à la Suisse - l'incendie s'est propagé à la France, où la police a découvert un stratagème permettant une énorme fraude fiscale sur le marché financier et impliquant des banques françaises.
La police française a perquisitionné mardi les bureaux de plusieurs des plus grandes banques du pays, dont la Société Générale, Exane, la BNP Paribas, Natixis (BPCE) et HSBC. L'enquête estime que leurs actionnaires ont éludé l'impôt pendant la période de dividende en revendant les actions pendant cette période à des investisseurs étrangers qui ont ensuite vendu le papier au propriétaire d'origine, et le montant épargné a été divisé entre les parties (cette stratégie d'arbitrage des dividendes est connue sous le nom de CumCum). Ces banques sont soupçonnées par le Parquet national financier d’avoir, ainsi, permis à leurs clients étrangers d’échapper à l’impôt sur les dividendes.
Désormais, ces banques font face à une sanction collective de plus d'un milliard d'euros.Les actions Société Générale ont immédiatement chuté de 2,4%, BNP - 0,5% et HSBC - environ 0,2%.
L'enquête préliminaire sur les faits de fraude fiscale a été ouverte en décembre 2021, elle implique 16 juges, plus de 150 enquêteurs et 6 procureurs de France et d'Allemagne. La présence des forces de l'ordre allemandes s'explique par leur vaste expérience dans les enquêtes sur l'évasion fiscale sur les dividendes. En Allemagne, les scandales liés à un système similaire, connu sous le nom de Cum-Ex, ne se sont pas apaisés pendant de nombreuses années.
Le système est réalisé de cette manière: le jour du paiement des dividendes, les actions de la société sont revendues plusieurs fois à de nouveaux propriétaires (traders ou hedge funds) de telle manière que chacun d'eux a droit à un remboursement des impôts prétendument payés en trop. Le témoignage d'un commerçant dans un procès allemand en 2019 est connu, selon lequel CumEx est cinq à six fois plus rentable que CumCum. Cependant, ce dernier schéma est beaucoup plus courant, en particulier dans le commerce interbancaire, car les risques juridiques étaient moindres.
Le Monde qualifie l'opération policière dans le centre financier de Paris «d'extraordinaire et sans précédent», tout en notant que ses journalistes ont découvert en 2018 le stratagème Cum-Cum qui a prospéré dans la zone légale «grise» à la suite de quoi l'Etat perd plusieurs milliards d'euros par an de recettes fiscales.
Le quotidien français avait, précédemment, qualifié l'arbitrage illégal de dividendes d' «histoire de braquage exceptionnel» qui a coûté à une douzaine de pays, dont la France, l'Allemagne et la Belgique, au moins 140 milliards d'euros de forfaits fiscaux au cours des vingt dernières années. Dans le même temps, le gigantesque business du vol des ressources fiscales des États du monde entier, basé sur des opérations complexes menées sur les marchés financiers, est longtemps resté hors de vue des autorités.
Selon Bloomberg, les descentes de police en France «renforcent le sentiment négatif envers le secteur bancaire aux États-Unis et en Europe, où les investisseurs ont été touchés par un renflouement d'urgence de Credit Suisse Group AG et la saisie réglementaire de la Silicon Valley Bank (SVB)» .
Dans le même temps, les États-Unis continuent d'enquêter sur la façon dont il est arrivé que les autorités financières «s'endorment au volant», permettant l'effondrement de la SVB. Le sénateur démocrate du Montana, Jon Tester, a demandé à la Réserve fédérale américaine (FED) de déterminer ce qui n'allait pas. «S'il s'agit d'une erreur réglementaire, il vaut mieux la corriger», a-t-il déclaré, notant que les problèmes de la banque étaient évidents.
«Je ne suis même pas proche d'un banquier, je suis un agriculteur, mais vous n'avez pas besoin d'être comptable pour savoir ce qui se passe ici», cite à CNN le sénateur Jon Tester. Le vice-président de la Fed chargé de la surveillance, Michael Barr, a promis au sénateur furieux avant le 1er mai de publier un rapport sur l'enquête sur la faillite de SVB.
Dans le contexte de la crise bancaire, du conflit armé en cours en Ukraine, avec les manifestations de masse en France, en Allemagne, tout comme en Israël et d'autres humeurs négatives parmi les investisseurs, la situation internationale n'est pas la plus rose. Et, elle ne s'améliorera certainement pas à la lecture du rapport de la Banque mondiale selon lequel l'économie mondiale pourrait faire face à une «décennie perdue» car «l’humanité fait face à des crises graves».
Les auteurs du rapport de la Banque mondiale préviennent que «presque toutes les forces économiques qui ont assuré le progrès et la prospérité au cours des trois dernières décennies s'essoufflent». En conséquence, entre 2022 et 2030, la croissance potentielle moyenne du PIB mondial devrait chuter d'environ un tiers par rapport au taux qui prévalait au cours de la première décennie de ce siècle, à 2,2% par an. Cependant, pour les économies émergentes, cette baisse sera tout aussi forte de -6% par an entre 2000 et 2010 à 4% par an dans les années restantes de cette décennie. Un tel scénario serait beaucoup plus grave en cas de crise financière ou de récession mondiale, selon les experts de la BM.
«Avec l’augmentation des coûts de l’énergie et des denrées alimentaires et l’énorme demande non satisfaite de gaz naturel en Europe, les populations et les économies des pays en développe‑ ment subissent de nouvelles pressions. La flambée soudaine des prix des denrées alimentaires menace d’aggraver les tensions politiques et sociales dans de nombreux pays en développe‑ ment, avec des effets dévastateurs sur les plus pauvres et les plus vulnérables», avertit David Malpass, Président du Groupe de la Banque mondiale.
Pierre Duval
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