20.04.2023
Les États de l'UE prévoient de quadrupler la production de puces. Dans les semaines à venir, le Parlement européen adoptera le soi-disant Règlement sur les semi-conducteurs (European Chips Act). Il est en discussion depuis 2021, et, désormais, les parlementaires et le Conseil européen ont levé tous les désaccords sur ce document. Si le plan envisagé par le projet de loi est mis en œuvre - et il n'y a aucune raison d'en douter - l'UE deviendra dans huit ans l'un des leaders mondiaux de la production de semi-conducteurs. Au minimum, l'UE réduira considérablement sa dépendance aux puces provenant des États-Unis, de Taïwan et de Corée du Sud. Cela affectera à la fois l'économie et la politique internationale.
Le projet de loi lui-même a été annoncé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en septembre 2021. En 2020-2022, un certain nombre de facteurs, dont l'épidémie de coronavirus, qui a provoqué une demande accrue de matériel médical, ont entraîné une pénurie de semi-conducteurs dans le monde, mais surtout en Europe. Le problème de la dépendance de l'UE vis-à-vis des importations de puces est apparu, ainsi, au grand jour. En fait, l'une des raisons de la confrontation actuelle entre les États-Unis et la Chine autour de Taïwan est que l'île représente environ 60% de la production mondiale de semi-conducteurs.
Le plan prévu par l'European Chips Act ne permet bien sûr pas de rattraper Taïwan. Mais, il envisageait une augmentation de la part de l'UE sur le marché des semi-conducteurs d'ici 2030, passant de 10% à 20% actuellement. La production devra être quadruplée. Selon le projet de loi, cela devrait se faire par le biais d'investissements à grande échelle, tant privés que publics, via les budgets nationaux et le budget de l'UE. Juste à cause du montant des fonds alloués, les discussions les plus féroces sur ce sujet se déroulaient.
Le Parlement européen s'est efforcé de veiller à ce qu'une plus grande partie du budget de l'UE soit consacrée à la mise en œuvre du projet de loi. Le Conseil européen, au contraire, a insisté pour réduire les dépenses du budget de l'UE. Le Parlement européen a gagné. Un accord entre le Parlement européen et le Conseil européen a été trouvé mardi. Maintenant, c'est aux eurodéputés. «Nous avons besoin de puces pour alimenter les transitions numériques et vertes ou les systèmes de santé», a écrit Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne pour le numérique, sur Twitter.
Il n'y aura probablement pas de retard. Les progrès réalisés pour parvenir à un accord sur le projet de loi, proposé il y a deux ans, sont principalement dus à la révolution intellectuelle provoquée par l'invention et l'utilisation de l'intelligence artificielle. D’ailleurs, Margrethe Vestager a tweeté: «Il ne sert à rien d'arrêter les développements de l’intelligence artificielle (IA) comme ChatGPT. L'IA est déjà là, partout. Nous devons plutôt mettre en place les bons garde-fous pour tous les cas d'utilisation à haut risque de l'IA, y compris ChatGPT».
Pour les observateurs, cette révolution, qui ouvre de folles opportunités de rupture dans de nombreux domaines, s'effectue uniquement grâce à des équipements informatiques performants. Et, c'est impossible sans semi-conducteurs. Tout le monde a vu où investir de l'argent.
Conformément au plan prévu par le projet de loi, des investissements privés et publics (à la fois par le biais de l'UE et des budgets nationaux) de 43 milliards d'euros devraient être attirés vers la production de puces. Les intentions de l'UE sont assez similaires à celles des États-Unis qui ont adopté une loi visant à lever 52 milliards de dollars pour le développement de la production de semi-conducteurs. Certes, ce montant comprend les fonds publics, à l'exclusion des investissements privés. Les fonds destinés au développement de l'industrie des semi-conducteurs dans les pays de l'UE seront, également, investis en dehors du cadre de la loi européenne sur les puces.
Mais, pour les observateurs, il y a un autre problème. La question, en effet, est de savoir où se procurer les matières premières pour la production de ces mêmes puces? Et ici, nous nous heurtons déjà à la question d'une nouvelle redistribution économique du tiers monde. La base de ressources pour la production de puces et de batteries est largement contrôlée par la Chine. Il est peu probable que ce pays fasse des concessions dans ses zones d'influence.
C'est, donc, le problème des matières premières qui risque de s'avérer le plus difficile pour l'industrie européenne. Et les fabricants d'armes d'Allemagne, de France et d'Italie ont, maintenant, de grosses commandes. Pour eux, la transition vers des puces de leur propre production peut être vitale. Cela augmentera les enjeux de la lutte pour le contrôle des ressources.
Pierre Duval
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