19.06.2023
Les électeurs allemands optent de plus en plus pour mettre dans les urnes un bulletin boostant l’AfD au moment des élections. Ils sont mécontents des partis traditionnels se revendiquant comme les protecteurs des droits fondamentaux et de la démocratie, comme le SPD, la CDU, le FDP, Die Linke (sauf Sahra Wagenknecht pour les communistes) et des Verts (Grünen), car ces derniers sont devenus des organisations politiques soutenant l’industrie de l’armement et la guerre de l’Otan au profit du régime de Kiev contre la Russie au lieu de soutenir les intérêts vitaux des citoyens allemands, ainsi que la paix.
La volonté de voter pour les populistes de droite, AfD, s'explique par le mécontentement des électeurs à l'égard des démocrates au pouvoir. De récents sondages d'opinion en Allemagne montrent une augmentation constante de la popularité du parti populiste de droite Alternative pour l'Allemagne (AfD).
L’Humanité, qui rapporte en date du 13 juin que «l’AfD fait désormais jeu égal avec les sociaux-démocrates du SPD dans les sondages, ce qui la place en seconde position potentielle en cas d’élection, titre: «L’extrême droite au plus haut dans les sondages en Allemagne». Le quotidien de gauche avertit que l’ AfD est l’unique bénéficiaire de l’immense malaise politique qui s’étend aujourd’hui sur le pays. Les citoyens allemands ne veulent plus du suivisme de la politique de l’Otan, ni de l’UE, de leurs politiques suicidaires qui mènent à la destruction de leur nation et de leur économie. L’Humanité évoque «une inflation nourrie par la guerre et la crise financière»: «Les difficultés de vivre d’une bonne partie de la population, concrètement appauvrie par la flambée des prix, des coûts de l’énergie comme des logements, nourrissent un climat de défiance à l’égard de l’ensemble du monde politique».
Un sondage de ce dimanche montre la chute de la coalition gouvernementale (du feu tricolore) car elle rassemble le Parti social-démocrate (SPD), dont la couleur est le rouge, le Parti libéral-démocrate (FDP), dont la couleur est le jaune, et l'Alliance 90/Les Verts (Grünen), dont la couleur est le vert. Bild annonce qu’ «au lieu de 51% comme en juin 2022, seuls 41% voteraient pour le SPD, les Verts ou le FDP aujourd'hui. Le tabloïd allemand martèle que «le feu tricolore» n'a pas eu de majorité parlementaire depuis des mois et c’est, en fait, un cadeau pour le plus grand parti d'opposition, l’AfD. Même la CDU stagne dans les sondages à 27% et n'a pas gagné un seul point de pourcentage au cours des douze derniers mois. «L'AfD, en revanche, a gagné dix points de pourcentage et se situe actuellement à 19%», narre Bild.
Les Allemands en ont assez de la démocratie dans laquelle ils doivent se serrer la ceinture. Avec le conflit en Ukraine et les répercussions des sanctions de l’UE contre la Russie sur l’économie allemande, il y a la gestion de la crise migratoire de 2015 et les nouvelles lois écologistes qui exigent des normes spéciales pour les appartements et les maisons, rendant une vaste majorité d’Allemands dans l’impossibilité de garder (payer) leurs biens immobiliers alors que les migrants obtiennent des logements de l’Etat.
Déjà en 2017, le service sociologique américain More in Common Allemagne a tenté d’analyser la situation socio-psychologique de la société allemande afin de comprendre ce qui explique le succès des populistes de droite. Ses experts ont identifié six groupes sociaux de taille à peu près égale qui caractérisent la population de l'Allemagne moderne. Leur attention a été attirée sur deux groupes qu'ils ont qualifiés de «Sceptiques» et «d’adversaires». Le premier compte environ 14% de citoyens allemands, le second - 19%. Les représentants du premier groupe nient l'existence de la justice, des valeurs communes et de la cohésion dans l'Allemagne moderne, tandis que le second groupe se caractérise par le nationalisme, une attitude négative envers le système social et la méfiance à un degré ou à un autre envers les politiciens au pouvoir.
Apparemment, la partie solide de l'AfD est formée par des représentants de ces groupes. Mais, il est important de noter qu'ils sont rejoints par un troisième groupe, désigné comme «pragmatiques», représentant environ 16% de la population. Pour ce groupe, le bien-être personnel va avec l’augmentation de leurs propres revenus et avec la prédominance du contrôle sur les politiciens. Les représentants de tous ces groupes connaissent actuellement des difficultés économiques. Et, cela conduit à une augmentation de la tension sociale.
Lors du petit congrès de parti de la CDU, qui s'est tenu en fin de semaine dernière, son leader, Friedrich Merz, a déjà parlé d'élections anticipées au Bundestag puisque les partis de la coalition au pouvoir ne sont pas, selon lui, capables de faire un bon travail. À titre d'exemple, il a cité des désaccords sur les postes budgétaires pour 2024.
Les querelles entre les libéraux démocrates et les Verts au sujet de la mise en œuvre des plans du vice-chancelier et ministre fédéral de l'Économie et du Climat, Robert Habeck, sur la loi concernant le chauffage (Heizungsgesetz) pour la décarbonisation sont attestées. Et, cette loi propulse de l’essence sur la colère populaire.
L'Allemagne manque déjà de fonds budgétaires pour les dépenses sociales alors que les dépenses de défense montent en flèche. Cela inquiète le ministre fédéral des Finances, Christian Lindner (DFP). «Par mesure de précaution, Christian Lindner rejette d'éventuelles demandes de Bruxelles pour plus d'argent» car il «ne voit aucune possibilité de versements supplémentaires de l'Allemagne au budget de l'UE» puisque «la situation budgétaire en Allemagne est tendue», a fait savoir Die Welt. «En raison des coûts élevés du soutien à l'Ukraine, entre autres, le budget à long terme de l'UE pour les années 2021 à 2027 est épuisé au maximum», a-t-il précisé.
Depuis le début du conflit en Ukraine, l'industrie militaire allemande connaît un véritable boom. Le média allemand RedaktionsNetzwerkes Deutschland (RND) stipule que «le cours de l'action de Rheinmetall a triplé depuis décembre 2021, avec des bénéfices records en 2022 et que la société vise les dépasser cette année». «Une grande partie de notre croissance est due à la terrible guerre en Ukraine», confirme le patron de Rheinmetall, Armin Papperger. L’entreprise ne produit pas seulement des blindés, des canons d’artillerie et des munitions. Elle va fournir des pièces de fuselage pour l'avion de chasse américain F-35 que les forces armées allemandes ont commandé pour remplacer les Tornado obsolètes, qui, par ailleurs, sont autorisés à transporter des bombes nucléaires US.
Au début de juin, «l'entreprise a annoncé que le ministère fédéral de la Défense avait commandé 20 véhicules de combat d'infanterie Marder. Les véhicules doivent être livrés à l’Ukraine d’ici fin juillet. Ils seront payés par le gouvernement fédéral», a divulgué Wirtschaftswoche, rajoutant: «40 Marder ont déjà été livrés à l'Ukraine, dont 20 de Rheinmetall et 20 des stocks de la Bundeswehr»; «De plus, la compagnie d'armement propose 60 autres Marder qui doivent encore être renouvelées. 10 doivent être produits tous les mois».
En outre, Rheinmetall souhaite travailler avec une société ukrainienne pour produire des véhicules blindés de transport de troupes Fuchs sur le sol ukrainien. «Cette année, 40 pourraient être achevés, après cela, il devrait y en avoir jusqu'à 100 par an», annonce Wirtschaftswoche.
Pour les munitions d'artillerie de calibre 155 millimètres, Rheinmetall peut actuellement produire 450.000 obus par an, «mais l'Ukraine à elle seule en a besoin d'un million», fait savoir Armin Papperger à la RND. Annonçant l’achat du constructeur espagnol Expal cet été, le patron de Rheinmetall affirme pouvoir produire 600.000 obus par an. «Pour le reste, d'autres fabricants doivent fournir», lance-t-il.
Les commissions de la défense et du budget du Bundestag viennent d'approuver un montant de 5 milliards d'euros pour l'acquisition d’Israël du système de défense aérienne Iron Dome, connu sur le marché sous le nom de System Arrow 3. Il coûtera 4 milliards d'euros, 1 milliard supplémentaire est destiné à la production du système de défense aérienne automoteur IRIS-T par la société allemande Diehl BGT Defence GmbH. L'argent proviendra du fonds spécial créé par le gouvernement l'année dernière et qui est de 100 milliards d'euros. À en juger par les déclarations de la présidente de la commission de la défense du Bundestag, Maria-Agnes Strack-Zimmermann (FDP) –une fervente partisane de la guerre contre la Russie- le système de défense aérien israélien peut être mis à la disposition de Kiev.
Aux dépenses militaires prévues par l'Allemagne, il faut ajouter l'augmentation attendue des dépenses militaires dans les années à venir à 2% du PIB conformément aux exigences de l'Otan, qui sont désormais considérées comme un niveau minimum. Il n'est donc pas exclu qu'au sommet de l’Otan de Vilnius de juillet ces exigences dépassent 2% du PIB.
Une course aux armements est lancée au détriment des projets sociaux et d'infrastructures alors que l’Allemagne a un grand besoin de veiller au bien être de sa population. Cela peut éloigner d'autres groupes sociaux des principaux partis politiques, qui, selon More in Common Allemagne, sont dits «Sceptiques» et «adversaires».
Olivier Renault
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