06.07.2023
Si le président de la France, Emmanuel Macron, a convoqué à Paris un «Sommet pour un nouveau pacte financier mondial», auquel ont pris part, du 22 au 23 juin 2023, une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que des représentants d’institutions financières internationales, aussi bien que des acteurs du secteur privé et de la société civile, rien n’empêche de se convaincre que ce n’est qu’un exercice de routine relooké, en la matière.
La donne, au fond, reste la même: Paris dicterait sa loi du marché des idées et son fil conducteur, dans une messe du grand seigneur officiant, et les autres devraient toujours dire l’«amen» traditionnel, et s’en retourner chez eux, tout endoctrinés…
Mais, que non, cette fois-ci: de tous les participants connus, le président du Brésil, Lula da Silva, le président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, de même que le Premier ministre chinois Li Qiang, ont eu et montré une position unique, qui est celle des BRICS. Ils ont descendu les institutions financières internationales, qui tiennent encore jusque-là, le monde en déséquilibre, et ont proposé leur vision commune de la gouvernance mondiale, telle qu’elle devra désormais se vivre sur la scène internationale.
La démarche de ce «Sommet financier de Paris» fait certes une mue, pour se donner peau neuve sur la scène internationale, mais n’a rien d’une mutation profonde, pourtant attendue du reste du monde: le changement de doctrine (politique de succion) et du fait (ultra-libéralisme économique).
Les institutions financières internationales dénoncées – à savoir le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), et les Banques multilatérales de développement (BMD) – qui avaient été sorties du chapeau occidental de Bretton Wood, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale des années 1945, ont fait leur temps et leurs choux gras, au seul profit des puissances capitalistes et libérales en présence.
Puis ces hautes institutions ont accouché, dans les années 1980, avec le soutien du Trésor américain, d’un Pacte financier mondial, connu sous le nom de «Consensus de Washington»: aider financièrement les pays en développement d’Amérique Latine et ceux d’Afrique – en somme, le Tiers-monde. Mais c’était fait sous la condition, sans échappatoire, d’une éternelle austérité budgétaire consentie par ces pays tiers-mondistes languissants. Les conséquences sur leur économie nationale furent désastreuses: schématiquement, ce pacte financier donnait financièrement peu d’une main, tandis qu’il reprenait beaucoup trop économiquement de l’autre main, et vouait ainsi ces pays surendettés à des crises intestines qu’ils ont toujours vécues, et qui sont les causes profondes de leur instabilité chronique.
La politique financière et économique ultra-libérale des Etats-Unis d’Amérique, dans ce pacte financier mondial du «Consensus de Washington» – un système uniquement favorable aux pays riches – a plutôt pompé et vampirisé l’économie des pays d’Amérique Latine et d’Afrique, restés longtemps coincés, quant à eux, dans les pièges de la dette extérieure occidentale, strictement conditionnée par l’esprit mercantile, selon lequel la «démocratie occidentale» est gage de développement économique.
On retrouve, au bilan de ce grand tour de passe-passe, un mythe facile et creux, celui de l’Occident incontournable, et des pays du Tiers-monde restés au bas de l’échelle du développement économique, et y croulant sous le poids des restrictions économiques intérieures et leur lot de crises politiques à répétitions.
Quand, en 2004, le géo-stratège américain Josha Cooper Ramo fait connaître la dénomination «Consensus de Pékin», par opposition idéologique au «Consensus de Washington» de 1980, il incite à trouver là, une alternative orientée sur le modèle du développement économique chinois.
L’agrégé universitaire, chroniqueur, essayiste et politologue français Christian Gambotti donne une explication au «Consensus de Pékin»: pour lui, en effet, cette «doctrine doit se lire comme une volonté de rupture avec l’Occident et les anciennes puissances coloniales: non-ingérence, respect mutuel, exaltation d’un État fort et des régimes néo-autoritaires, même s’ils «oublient» les droits humains, divorce entre la croissance et la liberté, etc. La réussite économique de la Chine lui permet d’imposer son modèle (…).
L’universitaire Christian Gambotti indique grosso modo que la Chine a créé, en 2014, la «Nouvelle Banque de Développement», comme alternative au «Consensus de Washington», pour aider les pays membres des BRICS, formés depuis 2011. Là, se trouve en réalité, le chemin pour bâtir un vrai «nouveau pacte financier mondial», et non à ce récent Sommet de Paris.
Avec la Chine, un «consensus équilibré et équitable» vaut ce coup de l’alternative du développement économique partagé et inclusif. Longtemps pris entre les serres de l’étau financier de fer de l’Occident, les pays du tiers-monde –ou plutôt maintenant les pays en développement– pourraient enfin faire respirer à leur économie nationale l’oxygène qui leur manquait pour reprendre souffle et reprendre du poil de la bête.
Comptant 5 pays-clés, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, et l’Afrique du Sud, le Bloc des BRICS représente, en 2023, 40% de la population mondiale, 31,5% du PIB mondial, contre 30,7% pour le G7. Sans oublier que ce Bloc de l’alternative idéologique évolue vers ce qui deviendra le «Grand BRICS», avec un nombre de plus en plus croissant d’autres pays demandant leur intégration d’office.
Assurément, le nouveau monde de l’ère nouvelle économique devra donc mettre l’accent sur l’approfondissement et la consolidation des relations internationales autour des BRICS, en réalisant ce «Consensus de Pékin», qui sera un consensus tous azimuts de convergences nouvelles sur les grands sujets qui engagent l’avenir de l’humanité.
La gouvernance mondiale ainsi désormais équilibrée est à ce prix, nonobstant certains esprits chagrins et rétrogrades, encore empreints du pessimisme dissuasif qui trahit littéralement leur dépassement. Mais une chose est sûre et certaine: le monde ne peut aujourd’hui avancer, dans un sens comme dans l’autre, sans la Chine et les BRICS.
Sylvain Takoué, écrivain africain, originaire de la Côte d’Ivoire, Directeur Général du «Club de Pékin», Organisme d’affaires financières et économiques de Chinafrica International
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